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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 22 janvier 1998, n° 1215-95

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

GIFAVI (Sté)

Défendeur :

Walbro Automatives (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gallet

Conseillers :

MM. Boilevin, Raffejeaud

Avoués :

Me Bommart, SCP Jullien Lecharny Rol

Avocats :

Mes Bacrie, Deleau.

T. com. Pontoise, du 10 janv. 1995

10 janvier 1995

La société de droit norvégien Dyno Industrier (ci-après dénommée Dyno) a pour filiale la société de droit français Dynoplast Elbatainer, devenue Walbro Automatives (ci-après dénommée Walbro).

Son agent en France était la société GIFAVI depuis 1989 jusqu'en novembre 1993, date à laquelle la société Dyno a résilié le contrat en raison de fautes qu'aurait commises la société GIFAVI à l'occasion de la fabrication et la fourniture de clapets équipant les réservoirs à carburants des véhicules Renault Twingo.

Ce litige a conduit à l'engagement d'une procédure, dont la cour de céans a connu incidemment à l'occasion d'un contredit ayant donné lieu à un arrêt en date du 23 janvier 1997.

En exécution du contrat d'agent commercial, la société Walbro adressait des relevés de commissions à la société GIFAVI, laquelle émettait les factures correspondantes qui étaient réglées directement par la société Walbro.

En raison du litige en cours et pour s'assurer par compensation du recouvrement de la créance qu'elle prétend avoir sur la société GIFAVI, la société Dyno a ordonné à sa filiale de suspendre le paiement des commissions dues à la société GIFAVI jusqu'à l'issue dudit litige.

La société GIFAVI a alors assigné la société Walbro devant le tribunal de commerce de Pontoise, lequel, après avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la défenderesse, a jugé que l'action engagée par la société GIFAVI était irrecevable.

Les premiers juges ont en effet retenu que seule la société Dyno aurait pu se prévaloir de la clause attributive de compétence contenue dans le contrat d'agent commercial et qu'il n'y avait aucun rapport juridique entre la société GIFAVI et la société Walbro.

La société GIFAVI a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 1er février 1995.

Après avoir fondé sa demande à l'encontre de la société Walbro sur l'existence de relations commerciales. donc contractuelles, la société GIFAVI a modifié le fondement de sa demande, en précisant qu'elle recherchait la responsabilité délictuelle de l'intimée, à laquelle elle a reproché trois fautes :

- avoir bloqué le paiement de ses factures au seul motif que la société Dyno le lui demandait,

- ne pas avoir tiré les conséquences de l'arrêt de contredit du 23 janvier 1997,

- avoir procédé abusivement à la rétention de ses commissions,

alors qu'elle connaissait le caractère fantaisiste des griefs allégués à son encontre.

Mettant donc en cause une compensation qu'elle estimait abusive entre une créance certaine, liquide et exigible, la sienne, et une autre qui ne présentait aucune de ces caractéristiques, elle a sollicité le paiement d'une somme de 3 millions de francs, se décomposant en 1 800 000 F au titre des commissions dues et 1 200 000 F en réparation de son préjudice commercial, ainsi que d'une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et d'une somme de 100 000 F pour résistance abusive.

La société Walbro a conclu à la confirmation de la décision entreprise, en soutenant que le règlement des commissions avait été bloqué par le co-contractant de la société GIFAVI, selon les règles du droit norvégien sur lesquelles les parties n'avaient pas à se prononcer; que la société GIFAVI confondait la cause de la créance et ses modalités pratiques de règlement ; que le fondement délictuel était évoqué pour la première fois en cause d'appel ; que la société GIFAVI ne pouvait à la fois arguer d'un fondement contractuel et d'un fondement délictuel ; que la société Dyno restait maîtresse des modalités de règlement des prestations effectuées pour son compte; qu'il n'existait aucun lien de causalité entre les faits qui lui étaient reprochés et le préjudice allégué, dont il n'était d'ailleurs pas justifié.

A titre subsidiaire, elle a repris son moyen d'incompétence rejeté par les premiers juges.

Elle a sollicité, en tout état de cause, le paiement d'une somme de 100 000 F pour procédure abusive et d'une somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

En réplique, la société GIFAVI a reprécisé qu'elle n'invoquait plus que la responsabilité délictuelle de la société Walbro et qu'il ne s'agissait pas d'une demande nouvelle, mais d'un moyen nouveau.

Sur ce, LA COUR

Considérant que si la société GIFAVI est toujours recevable, même en cause d'appel, à modifier le fondement juridique de sa demande, il apparaît que celle-ci est irrecevable en ce qu'elle est dirigée à tort contre la société Walbro ;

Considérant qu'en effet, la société Dyno est seule débitrice des commissions d'agent commercial dues à la société GIFAVI ;

Que la société Walbro n'est intervenue que pour procéder au règlement des commissions de l'agent exerçant dans le pays où elle avait son siège, mandatée en cela par sa maison-mère;

Que la société Walbro, qui n'avait aucun pouvoir d'appréciation du bien fondé du refus de la société Dyno de payer les Commissions dues à la société GIFAVI, ne pouvait qu'obtempérer à son ordre, sauf à engager sa responsabilité pour le cas où la juridiction compétente déciderait que les commissions ne sont pas dues ou que la compensation alléguée est justifiée;

Considérant qu'il ne peut donc lui être reproché aucune faute et que le jugement entrepris sera confirmé;

Considérant qu'en interjetant appel alors qu'elle n'avait aucun moyen sérieux à faire valoir et en s'acharnant à poursuivre sa procédure, alors qu'il était clair après l'arrêt de contredit du 23 janvier 1997 que celle-ci ne pourrait prospérer, la solution du litige se trouvant à Oslo entre elle-même et Dyno, la société GIFAVI a fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice, causant ainsi à la société Walbro un préjudice certain qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts ;

Considérant qu'il paraît, en outre, inéquitable de laisser à la charge de l'intimée la totalité des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ; qu'il lui sera alloué de ce chef une somme de 10 000 F ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant ; Condamne la société GIFAVI à payer à la société Walbro une somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; La condamne à lui payer une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ; La condamne aux dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP Jullien Lecharny Rol, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.