CA Paris, 5e ch. B, 29 novembre 2001, n° 1999-18160
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Jonquet
Défendeur :
Stanimex (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
M. Faucher, Mme Percheron
Avoués :
SCP Gaultier-Kistner-Gaultier, Me Cordeau
Avocats :
Mes Cuegniet, Roulette
LA COUR statue sur l'appel interjeté par Monsieur Pascal Jonquet contre le jugement rendu le 17 juin 1999 par le Tribunal de grande instance de Bobigny, qui l'a débouté de toutes ses demandes contre la société Stanimex et condamné aux dépens, déboutant la société Stanimex de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Jonquet, qui était agent commercial de la société Stanimex, laquelle commercialise des bijoux, a assigné celle-ci en paiement d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en raison du refus par la mandante d'agréer le successeur qu'il lui avait présenté.
Aux termes de ses dernières écritures, signifiées le 6 décembre 1999, l'appelant fait valoir que la responsabilité de la rupture incombe à la société Stanimex en ce que celle- ci a refusé d'agréer Monsieur Dubois, qu'il avait présenté pour successeur conformément aux dispositions de la loi du 25 juin 1991, sans même prendre la peine de le recevoir et qu'elle a d'autre part commis des fautes dans l'exécution du contrat, qui sont à l'origine de la diminution du chiffre d'affaires qu'elle lui reproche en faisant appel à un VRP sur le même secteur que lui, en lui retirant la distribution des produits "Ambre et Or" pour les confier à un autre représentant, en baissant unilatéralement le taux de commission sur les produits or, en I' approvisionnant de manière insuffisante.
Monsieur Jonquet demande en conséquence à la Cour de condamner la société Stanimex à lui payer 600.000 francs à titre d'indemnité compensatrice de son préavis et 75.000 francs à titre d'indemnité de préavis, avec les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de l'assignation, ainsi que 30.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Stanimex, intimée, conclut, par ses dernières écritures du 10 mars 2000, à la confirmation du jugement déféré, sollicitant en outre 10.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Cela étant exposé,
Considérant que la société Stanimex et Monsieur Jonquet ont conclu, le 28 février 1994, un contrat d'agent commercial pour une durée indéterminée ;
Qu'il résulte des pièces produites que, le 30 octobre 1996, la société mandante, se référant à l'intention, exprimée par Monsieur Jonquet au cours d'une conversation téléphonique, de résilier le contrat pour convenances personnelles et familiales, a rappelé à son agent les documents que celui-ci devrait lui adresser préalablement au règlement des sommes restant dues ; que, par un nouveau courrier du 15 novembre 1996, se référant à sa lettre du 30 octobre et à des conversations téléphoniques postérieures à celle-ci, la société Stanimex a indiqué à son cocontractant qu'elle entendait exiger le respect des articles 3- prévoyant notamment que l'agent doit justifier du règlement des charges sociales et fiscales lui incombant - et 7- relatif au préavis- du contrat et lui a rappelé que les dispositions de l'article 13 de la loi du 25 juin 1991 excluaient que lui soit versée une indemnité de clientèle, d'une part, qu'il ne pouvait, d'autre part, céder ses droits et obligations qu'avec l'accord du mandant ; que, par lettre recommandée du 18 novembre 1996, Monsieur Jonquet a informé la société Stanimex: "J'ai bien reçu votre courrier recommandé daté du 30 octobre 1996 et vous confirme mon intention de résilier le contrat d'agent commercial avec votre société, pour des raisons personnelles et familiales"; qu' il précisait que la durée du préavis serait d'un mois et consacrait à la question de la cession de ses droits un paragraphe ainsi rédigé:
"Par ailleurs, je vous ai déjà précisé par téléphone que je connaissais une personne susceptible de reprendre mon mandat d'agent commercial avec votre accord. Je reste à votre disposition pour vous présenter Monsieur Pierre Dubois, ancien bijoutier et ancien représentant de la société Pferzel. Comme le veut la loi du 25 juin 1991... complétée par le décret du 10 juin 1992..., et en accord avec vous-même, je cèderai à Monsieur Dubois les droits et obligations que je détiens en vertu du contrat d'agence"; que, répondant le 27 novembre 1996 à la lettre de résiliation du 18 novembre, la société Stanimex a fait connaître à Monsieur Jonquet qu'elle ne partageait pas son point de vue en ce qui concerne le préavis - point sur lequel elle a finalement accepté la position de Monsieur Jonquet- et la "cession" de son activité ;que, sur ce dernier point, la société Stanimex n'a pas modifié sa position et n'a donc pas donné son accord à la cession par Monsieur Jonquet à Monsieur Dubois des droits qu'il tenait du contrat d'agence, sans que les raisons de ce refus aient été explicitées plus avant dans un courrier de Stanimex à Pascal Jonquet ;
Considérant que, s'il est loisible à l'agent commercial de céder à un tiers les droits et obligations qu'il tient du contrat d'agence, et si l'article 13 de la loi du 25 juin 1991, devenu l'article L. 134-13 du Code de commerce, dispose qu'en pareil cas l'indemnité compensatrice du préjudice prévue par l'article L. 134-12 du même code n'est pas due au mandataire, c'est à la condition que le mandant ait donné son accord ; que le mandant n'est nullement tenu de donner son accord à une telle cession, sauf à répondre d'un éventuel abus dans l'exercice de son droit de refuser, abus qui ne saurait résulter en l'espèce du seul fait que la société Stanimex n'a pas reçu Monsieur Dubois, auquel Monsieur Jonquet souhaitait céder ses droits ;
Considérant qu'en toute hypothèse le refus de Stanimex d'agréer Monsieur Dubois ne peut être la cause de la rupture du contrat d'agence, puisque c'est par un même courrier que Monsieur Jonquet a formellement résilié le contrat, ainsi qu' il en avait manifesté l'intention verbalement quelques semaines plus tôt, et proposé de céder ses droits à Monsieur Dubois ; qu'au surplus la résiliation est motivée, selon la lettre du 18 novembre 1996, par des "raisons personnelles et familiales", Monsieur Jonquet précisant même: "J'ai apprécié les bonnes relations professionnelles que nous avons entretenues jusqu' alors "; que, par ailleurs, les allégations de Monsieur Jonquet relativement aux fautes que la société mandante aurait commises ne sont étayées par aucun élément sérieux, les attestations produites concernant des difficultés relationnelles mineures avec Madame Zbrozek, ou des problèmes d'approvisionnement jamais signalés par Monsieur Jonquet lui même ou étant insuffisamment circonstanciées ; qu'il ne peut qu'être constaté dès lors, ainsi que l'ont fait les premiers Juges , que la responsabilité de la rupture incombe à Monsieur Jonquet, qui en a pris l'initiative sans démontrer qu'il y a été contraint par le comportement de la société mandante, qui lui a clairement indiqué au contraire que, de son côté, elle ne souhaitait pas mettre fin au contrat ; qu'en vertu de l'article L. 134-13b) du Code de commerce Monsieur Jonquet ne peut donc prétendre à l'indemnité compensatrice de préjudice prévue par l'article L. 134-12 du même code ; qu'il ne peut davantage réclamer une indemnité à raison de ce que le délai légal de préavis n'a pas été respecté, alors que c'est lui même qui a décidé de rompre et a notifié à sa cocontractante que le contrat prendrait fin à l'expiration du délai d'un mois suivant la réception de sa lettre ;
Considérant que le jugement attaqué sera en conséquence confirmé, Monsieur Jonquet étant débouté de ses demandes en cause d'appel et condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à l'intimée 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Confirme le jugement attaqué ; Déboute Monsieur Pascal Jonquet de toutes ses demandes ; Le condamne à payer, au titre des frais irrépétibles d'appel, 10.000 francs ou 1524,49 euros à la société Stanimex ; Le condamne aux dépens d'appel et admet Maître Nadine Cordeau, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.