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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 22 février 2001, n° 1999-09249

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cymbeline (SA)

Défendeur :

Mizrahi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

Mme Briottet, M. Faucher

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Antoine, De Boismilon.

T. com. Paris, 7e ch., du 2 mars 1999

2 mars 1999

La Cour est saisie de l'appel interjeté par la SA Cymbeline du jugement contradictoirement rendu le 2 mars 1999 par le Tribunal de commerce de Paris qui, dans le litige l'opposant à Renata Mizrahi, épouse Cauli, son ancien agent commercial, l'a condamnée à verser à celle-ci :

- 29.153 F TTC à titre de commissions, avec exécution provisoire sans

garantie,

- 250.000 F à titre "d'indemnité de clientèle", avec exécution provisoire à charge pour l'intimée de fournir une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée,

- 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses ultimes écritures du 4 décembre 2000 l'appelante demande à la Cour :

- d'infirmer la décision critiquée en ce qu'elle l'a condamnée à verser à sa mandataire 250.000 F de dommages-intérêts et une indemnité de 20.000 F au titre de ses frais irrépétibles,

- de statuer à nouveau, de dire qu'elle a exécuté ses obligations et que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un préjudice subi du fait de la résiliation du contrat,

- de condamner Renata Cauli à lui restituer la somme de 250.000 F versée en application de l'exécution provisoire, ce avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 1999, date du règlement de cette somme, et à lui payer 50.000 F pour procédure abusive ainsi que 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour sa part Renata Cauli conclut, dans ses dernières conclusions du 22 novembre 2000, à la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il lui a alloué 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à son infirmation pour le surplus, à la désignation d'un expert, aux frais avancés de l'appelante, pour permettre de déterminer le quantum de ses commissions et à la condamnation de la société Cymbeline à lui payer 500.000 F de dommages-intérêts en raison de la rupture de son contrat d'agent commercial et 20.000 F au titre de ses frais irrépétibles.

Sur ce :

Considérant que le 27 juillet 1996 la société Cymbeline, qui fabrique des robes de mariée, a accordé, à titre exclusif, à Renata Cauli "le mandat de commercialisation, de distribution, de prospection et de représentation commerciale" pour ses produits sur le territoire italien ;

Que l'appelante a, par lettre du 25 juillet 1997, mis fin à ce contrat conclu pour une durée d'un an ;

Considérant que, suite à cette rupture, Renata Cauli sollicite la désignation d'un expert pour le calcul de ses commissions et la réparation de son préjudice consécutif à la résiliation de son contrat d'agent commercial ;

1° - Sur le paiement des commissions:

Considérant que l'article 7 du contrat prévoyait, à titre de rémunération, le versement d'une commission "sur le montant HT des ventes effectivement encaissées par l'intervention de l'agent à hauteur de :

- 10 % jusqu'à 800 robes Cymbeline vendues ;

- 12 % sur le nombre de robes supérieur à 800 ex : 950 robes vendues, rémunération 10 % sur 800, 12 % sur 150" ;

Considérant que la société appelante reconnaît devoir à sa cocontractante une somme de 29.153 F TTC, laquelle ressort d'un relevé exhaustif de commissions dues pour la période du 1/07/97 au 24/10/97" ;

Considérant que, ceci étant, c'est par des motifs pertinents que la Tribunal a rejeté la demande d'expertise de Renata Cauli qui, devant la Cour, ne peut invoquer, pour obtenir la désignation d'un technicien, des commandes reçues et transmises par le nouvel agent commercial de la société Cymbeline au cours du mois d'octobre 1997 puisque cette circonstance n'est pas de nature à justifier l'octroi d'une commission, mais tout au plus la réparation d'un préjudice, ou le fait, non démontré, que la mandante aurait omis de soumettre à son commissaire aux comptes "le détail des chiffres d'affaire" ;

2° - Sur la résiliation du contrat d'agent commercial et ses conséquences :

Considérant que l'article 10 du contrat du 27 juillet 1996 prévoit que celui-ci "est conclu pour une durée ferme d'un an à compter du jour de sa conclusion"; que "la partie qui souhaiterait mettre fin au contrat à l'expiration de cette période d'un an, pourra le dénoncer par lettre recommandée avec avis de réception en respectant un préavis de trois mois"; que "si, à expiration de cette période d'un an, le présent contrat est encore en vigueur, l'agent, en accord avec Cymbeline, aura la faculté de devenir importateur exclusif des produits diffusés par Cymbeline pour le territoire italien" ;

Considérant que par lettre du 25 juillet 1997 l'appelante écrivait à son mandataire :

"Pour faire suite à notre entretien, nous vous confirmons par la présente que nous mettons fin à notre contrat de collaboration en marché test que nous avons signé pour la saison 1996/97".

"Comme nous vous l'avons expliqué, il ne s'agit en aucun cas d'une sanction à votre égard, mais d'un choix de développement commercial. En effet nous souhaitions un importateur qui reprenne l'ensemble de nos griffes, structure sur laquelle vous ne pouviez vous engager.

"Toutefois, nous ne manquerons pas de vous inviter à la présentation de notre prochaine collection à Paris si l'occasion vous ai donné"(sic) d'être en France à cette période.

"Concernant le contrat, et comme le précise l'article 10, un préavis de trois mois sera respecté. Vous percevrez le montant de vos commissions sur toutes les ventes, de votre fait encaissées jusqu' au 24 octobre 1997" ;

Considérant que pour s'opposer au règlement d'une quelconque indemnisation au profit de sa cocontractante, l'appelante fait valoir que, contrairement à ce qu'a décidé le Tribunal, le contrat liant les parties est un contrat à durée déterminée qui a pris fin à l'expiration du terme convenu avec respect du préavis contractuel de trois mois sans lui causer le moindre préjudice, ce que conteste l'intimée ;

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 12 de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 "relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants" : "En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi" ;

Considérant que l'appelante ne peut sérieusement prétendre que sa cocontractante n'a pas, en raison de la résiliation du contrat, subi un préjudice ;

Qu'en effet, même si Renata Cauli ne justifie pas d'investissements non amortis, force est de constater, d'une part qu'en ne dénonçant pas le contrat litigieux trois mois avant le terme convenu, la société Cymbeline a laissé croire à sa cocontractante que celui-ci pouvait se poursuivre au-delà du délai d'un an; d'autre part qu'il est certain que si l'appelante a accordé un délai de préavis de trois mois, celui-ci se devait d'être exécuté conformément aux stipulations contractuelles en respectant la clause d'exclusivité souscrite au profit de l'agent commercial, ce qui n'a pas été le cas puisque la société Cymbeline a, pour une durée d'un an, chargé Claudio Vecchione de la représenter sur le territoire italien à compter du 1er septembre 1997 et en a informé la clientèle, ce qui a eu pour conséquence, comme cela est démontré, de priver Renata Cauli de commissions; qu'aucun autre préjudice n' est justifié ;

Considérant dès lors que, compte tenu des commissions perçues pendant la durée de son contrat, lesquelles s'élèvent, au regard des comptes produits par la société Cymbeline, à une somme de 125.911,70 F, il y a lieu d'allouer à Renata Cauli une somme que les éléments de la cause permettent d'évaluer à 90.000 F avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement critiqué; que de la sorte l'intimée doit restituer à sa cocontractante la somme que celle-ci lui a versé en trop au titre de l'exécution provisoire, ce avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision valant mise en demeure ;

Considérant que l'appelante, qui ne justifie ni d'une faute de son agent dans son droit d'agir en justice ni d'un préjudice, doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que la somme allouée à Renata Cauli en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile apparaît suffisante et qu'il n'y a pas lieu de la majorer ;

Considérant qu'il n' est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Cymbeline le montant de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt, le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau : Condamne la société Cymbeline à payer à Renata Cauli épouse Mizrahi la somme de 90.000 F avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement déféré et condamne Renata Cauli épouse Mizrahi à restituer à la société Cymbeline la somme de 160.000 F avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision valant mise en demeure ; Déboute les parties de toutes autres demandes ; Condamne la société Cymbeline aux dépens de première instance et d'appel; admet la SCP Fisselier, Chiloux & Boulay, Avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.