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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 29 avril 1998, n° 3444-95

REIMS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Veuve Cliquot Ponsardin (SA)

Défendeur :

Anker (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lambremon-Latapie

Conseillers :

M. Mahieux, Mme Rouvière

Avoués :

SCP Chalicarne-Delvincourt-Jacquemet, SCP Thoma-Le Runigo

Avocats :

Mes Menage, Anquez.

T. com. Reims, du 21 nov. 1995

21 novembre 1995

Vu l'appel formé par la SA Veuve Cliquot Ponsardin à l'encontre d'un jugement rendu le 21 novembre 1995 par le Tribunal de Commerce de Reims qui l'a condamnée à payer 2.000.000 F à titre de dommages et intérêts et 20.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à la SA Anker.

FAITS ET PROCEDURE

Le 18 octobre 1963 la Sté Veuve Cliquot Ponsardin (VCP) passait avec Monsieur Nicolaidis un contrat d'agent commercial à effet du 1er janvier 1963 lui confiant la représentation exclusive de sa marque sur tout le territoire de la Grèce à l'exclusion de l'île de Rhodes.

Aux termes de ce contrat, Monsieur Nicolaidis s'engageait à ne représenter, ni vendre aucune marque de champagne ou mousseux, ou ressemblant (vin fou) sans l'accord préalable de la Sté VCP ainsi qu'à tenir un objectif égal à 10 % de la totalité du champagne importé annuellement sur le territoire concédé.

En rémunération, Monsieur Nicolaidis recevait une commission de 10 % sur tous les ordres facturés au prix brut menés à bonne fin à destination du pays, transmis ou non par lui.

Par contrat du 18 juin 1970, la Sté VCP ajoutait au territoire concédé l'île de Rhodes avec rémunération sur les ordres menés à bonne fin transmis par Monsieur Nicolaidis, sur la base du tarif normal, ce dernier se portant du croire de son activité commerciale.

Par la suite l'activité de Monsieur Nicolaidis se poursuivait par la société Anker dont il était actionnaire majoritaire.

Par lettre du 30 septembre 1991 la société VCP fixant les objectifs pour 1992, annonçait à la société Anker un nouveau contrat de coopération (du 1er janvier 1991 au 31 juillet1993) incluant le Duodecanese à la Grèce et permettant à la société Anker de distribuer un vin pétillant à condition que son prix de vente au détail n'excède pas 35 F.

Le 28 novembre 1991, elle lui adressait le nouveau contrat pour signature considérant que celui d'origine était venu à expiration.

Ce contrat de distribution exclusive remplaçant et annulant les précédents était prévu pour une durée de deux ans et sept mois, du 1er janvier 1991 au 31 juillet 1993 avec possibilité de renouvellement six mois avant l'expiration du terme et obligation notamment pour la société Anker de développer les ventes selon un plan de marketing défini avec la société VCP qui devra lui être présenté avant le 15 décembre de chaque année pour application l'année suivante.

La résiliation du contrat était prévue sans préavis ni indemnité par lettre recommandée avec accusé de réception en cas de non-respect par l'une ou l'autre partie des obligations mises à sa charge.

Le 20 décembre 1991 la société Anker informait la société VCP qu'elle avait confié ce contrat pour étude approfondie à son service juridique.

Elle signait le nouveau contrat le 17 janvier 1992 et demandait verbalement le report de l'entrée en vigueur du contrat en janvier 1992.

Par lettre du 6 février 1992 la société VCP l'informait de l'impossibilité de report de date et sur l'insistance de la société Anker, lui confirmait le 18 février 1992 le refus de report en insistant sur l'importance du plan de marketing, précisant que si en janvier 1993 l'évolution était favorable, le contrat serait renouvelé sans discussion.

Le plan de marketing était transmis le 22 mai 1992 et le 23 juin 1992 la société VCP exprimait le souhait d'en discuter et d'avoir la visite de la personne qui serait responsable de sa marque en Grèce.

Le 5 octobre 1992, la société VCP informait la société Anker de ce que sa commande serait réduite, considérant que son volume excédait largement les besoins de celle-ci pour l'année, alors que d'autres clients risquaient d'être en rupture de stock.

Le 6 octobre 1992 la société Anker s'inquiétait de ces restrictions et de leur incidence possible sur la clause d'objectif maintenue à 10 %.

En réponse à une commande du 13 octobre 1992, la société VCP se référait à son courrier du 5 octobre 1992 et réclamait le 14 octobre 1992 le plan de marketing.

Le 16 octobre 1992 la société Anker faisait parvenir le plan de marketing définitif jusqu'à la fin de l'année et adressait le 6 janvier 1993 celui pour 1993.

En janvier 1993 la société VCP se faisait communiquer par la société Anker la liste des marques étrangères distribuées par cette société en Grèce et, par lettre du 12 février 1993, considérant que l'avenir de sa marque ne pouvait être assuré que par une société pesant un poids majeur sur le marché, position qu'au vu du portefeuille de marques communiqué, elle estimait ne pas être celle de la société Anker, elle lui annonçait la fin de relations commerciales.

Par courrier du 26 mars 1993, la société VCP confirmait la rupture du contrat de distribution de sa marque mais proposait à la société Anker d'introduire la marque Champagne Henriot sur le marché grec en continuant à couvrir pendant deux mois ses besoins en champagne VCP soit 2.700 bouteilles dont 30 % gratuitement pour assurer la transition.

Le 7 avril 1993 la société Anker refusait cette proposition, qualifiant la rupture d'abusive et demandait à la société VCP d'honorer commandes, la résiliation ne prenant effet qu'au 31 juillet 1993.

En réponse le 21 avril 1993, la société VCP opposait l'article 8 du contrat s'appliquant au contingentement pendant les six derniers mois du contrat.

Le 3 mai 1993 la société Anker mettait en demeure la société VCP de renoncer à la résiliation ou de lui allouer une indemnité de résiliation "raisonnable", et d'honorer la commande avec paiement selon les conditions contractuelles.

Le 5 mai 1993, la société VCP accusait réception de ce courrier, opposant les conditions contractuelles, demandant une garantie bancaire de paiement et informant la société Anker de la mise à sa disposition de quantités couvrant ses besoins.

Le 15 juin 1993, la société Anker lui adressait l'état de ses stocks au 31 mai 1993.

Le 17 juin 1993, prenant note de la rupture de stock, la société VCP confirmait la mise à disposition de caisses livrables à la convenance de la société Anker, et réitérait sa demande de discussion sur la quantité de vin nécessaire jusqu'au 31 juillet 1993, date de fin de contrat.

Le 18 juin 1993, la société Anker confirmait la rupture de stock en VCP non millésimé depuis fin janvier, reprochant son refus d'exécution de la commande du 29 janvier 1993 à la société VCP qui le contestait le 25 juin 1993.

Le 5 juillet 1993, la société Anker adressait l'état de ses stocks au 30 juin 1993 et le 6 juillet 1993, la société VCP confirmait l'existence d'un stock à sa disposition.

S'ensuivait un échange de courrier sur la qualification à donner à l'absence de livraison.

Le 19 juillet 1994, la société de droit hellénique Anker assignait la société VCP, demandant de :

- constater :

* la violation par la société VCP des dispositions de l'article 1 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 et du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 lors de la signature du contrat du 17 janvier 1992,

* que les manœuvres déployées concomitamment à la signature de ce contrat sont constitutives un dol qui a vicié son consentement,

- dire et juger que cette violation et ces manœuvres ainsi que le refus de livraison de produits commandés et de renouveler sans motif l'accord de distribution constituent un abus de droit qui lui a causé un préjudice commercial,

- condamner la société VCP au paiement de :

* 4.000.000 F à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en réparation de ces préjudices,

* 40.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOYENS DES PARTIES

La société VCP conclut à la nullité du jugement sur le fondement de l'article 455 du Nouveau Code de procédure Civile pour défaut de motivation.

Subsidiairement, elle conclut à son infirmation sur le fondement de l'article 1134 du Code Civil contestant toute faute de nature à engager sa responsabilité en raison du non-renouvellement du contrat du 17 janvier 1992 et de la limitation des livraisons.

Elle soutient que :

- les parties ont passé en toute connaissance de cause le 17 janvier 1992 un contrat de distribution exclusive expirant le 31 juillet 1993, date à laquelle il s'est effectivement terminé faute de renouvellement sans autre formalité, qu'ainsi elle n'a fait qu'user de son droit,

- le contrat ne prévoyait pas pour condition de sa résiliation un manquement quelconque de l'une des parties à ses obligations et justifie cependant la résiliation par l'insuffisance de la société Anker dans son obligation de mise en œuvre d'une stratégie commerciale permettant une implantation durable de sa marque sur le marché grec :

- rien ne justifie que le consentement de la société Anker qui ne demande pas la nullité de la convention sur le fondement de l'article 1116 du Code Civil ait été vicié,

- elle a respecté toutes ses obligations se limitant à un ajustement de la commande avec les prévisions de vente pour éviter que d'autres clients subissent une rupture de stock,

- après rupture des relations commerciales, elle a fait preuve de prudence à l'égard de la société Anker en :

* limitant les livraisons aux quantités nécessaires pour éviter les problèmes de rachat de stock à l'issue du contrat, conformément à l'article 8 de celui-ci,

* demandant une garantie de paiement face aux lettres menaçantes de la société Anker des 8 mars et 7 avril 1993 qui lui ont fait craindre un refus de paiement et en suspendant ses livraisons à l'acceptation de cette garantie dont elle avait proposé de supporter le coût tout en informant la société Anker par six lettres que la livraison était prête, ce qu'établit un constat d'huissier du 2 août 1993 selon lequel la commande du 29 janvier 1993 avait été conditionnée avant le 23 mars 1993, date prévue de l'expédition et était toujours en sa possession.

Considérant que la société Anker ne pouvait se méprendre sur ses droits et que l'action engagée tardivement constitue un abus du droit d'ester en justice, elle reprend sa demande en paiement de 100.000 F à titre de dommages et intérêts.

Elle sollicite en outre 40.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Anker critique les conditions dans lesquelles s'est opérée la novation contractuelle, par substitution d'un contrat de distribution à durée déterminée sans protection du mandataire à un très ancien contrat d'agent commercial au cours duquel elle avait développé une activité de distribution en faisant des investissements importants.

Elle prétend que :

1) l'importance et la poursuite du mandat d'intérêt commun expliquent qu'elle n'ait pas accepté la mise en place d'une collaboration à durée déterminée bien qu'ayant signé le contrat, signature effectuée sous la triple pression d' :

- une lettre du 28 novembre 1991 prétendant que le nouveau contrat se substituait à des "accords mutuels résumés dans une lettre de base, venus à expiration", document qui n'a jamais existé,

- une lettre du 6 février 1992 aux termes de laquelle le directeur régional export de la société VCP affirmait qu'il n'était pas possible de prolonger la durée du contrat,

- une lettre du 18 février 1992 du directeur export qui annonçait un renouvellement sans discussion si "d'ici janvier 1993 nous n'allons dans la bonne direction",

2) la société VCP a violé l'obligation précontractuelle d'information prévue par l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989 et le décret du 4 avril 1991,

Dénonçant ces pratiques qu'elle qualifie de déloyales, et, caractérisant un dol, elle conclut à la nullité de l'accord pour vice du consentement,

Elle soutient :

* que la rupture des relations contractuelles à l'arrivée du terme prévu par l'accord de distribution lui cause un dommage, les motifs allégués sur sa taille économique et son organisation connues depuis des décennies, étant dépourvus de tout fondement comme en témoigne la proposition d'échange formulée au printemps 1993.

* avoir rempli ses obligation en fournissant des plans de marketing non critiqués, le retard apporté ne justifiant pas la rupture de trente années de relations commerciales.

Elle caractérise son préjudice par :

- la rupture du stock entraînant pertes de commissions et de marges sur les ventes ainsi qu'atteinte à son image de marque,

- le bref délai entre février et juillet 1993 qui ne lui a pas permis de mettre en œuvre une solution de remplacement satisfaisante.

Formant appel incident, elle réclame 4.000.000 F de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 1994 précisant que l'indemnité de clientèle découlant du statut d'agent commercial représente à elle seule 400.000 F.

Elle réclame également 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 1997.

SUR QUOI

Attendu que le Tribunal, dans la partie du jugement qui devait être l'exposé des faits et prétentions des parties, a recopié intégralement et exclusivement l'assignation délivrée à la requête de la société Anker soit cinq pages sans faire état des moyens de la société VCP qui se retrouvent brièvement exposés sous le titre discussion page six du jugement sur une demi-page après un bref rappel des faits ;

Attendu que la motivation est constituée par un unique paragraphe aux termes duquel le tribunal considère que si les agissements qu'il estime avoir rappelés "ci-dessus" ne peuvent être qualifiés de manœuvres dolosives, la société VCP a tenté de résilier le contrat par des procédés critiquables, que ce faisant, il n'a pas répondu aux moyens de la société VCP sur la qualification du contrat, l'application de l'article 1134 du code Civil et l'absence d'abus dans le droit de rupture et n'a pas motivé l'évaluation qu'il a faite du préjudice ;

Attendu en conséquence, qu'en application de l'article 455 du Nouveau de Procédure Civile, le jugement sera annulé, et les parties ayant conclu au fond, l'affaire sera évoquée en application de l'article 568 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que le contrat litigieux a été signé le 17 janvier 1992 par la société Anker, que dès le 30 septembre 1991 elle était avisée d'un nouveau contrat d'une durée limitée à la période du 1er janvier 1991 au 31 juillet 1993, que ce contrat lui parvenait pour signature le 28 novembre 1991, qu'elle écrivait le 20 décembre 1991 l'avoir confié pour étude approfondie à son service juridique ;

Attendu dès lors qu'elle ne peut valablement prétendre avoir été victime de manœuvres dolosives ayant déterminé son consentement, manœuvres ne pouvant en aucun cas résulter des lettres postérieures à la signature du contrat, des 6 et 18 février 1992, comme elle l'affirme dans ses conclusions ;

Attendu qu'elle n'explique pas en quoi la lettre accompagnant le nouveau contrat du 28 novembre 1991 constituait une "pression" insoutenable, se contentant d'affirmer que la lettre de base à laquelle elle faisait référence n'avait jamais existé, ce qui est faux puisqu'elle même la produit : lettre du 29 août 1962 (pièce 41) exposant ce que serait le contrat qui sera signé le 18 octobre 1962 ;

Attendu en conséquence que c'est en parfaite connaissance de cause que la société Anker a librement signé le contrat, ne rapportant pas la preuve de la moindre manœuvre dolosive de nature à vicier son consentement ;

Attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

Attendu que le contrat ainsi passé s'analyse en un contrat de distribution exclusive et non comme un mandat conclu dans l'intérêt commun des deux parties dans la mesure où la société Anker n'agissait pas en vertu d'un mandat au nom et pour le compte de la société VCP à l'égard de la clientèle mais achetait les quantités de bouteilles nécessaires pour satisfaire sa propre clientèle à l'égard de laquelle elle agissait en son nom proprecomme elle le reconnaît dans ses conclusions en faisant état "d'une atteinte sévère à son image de marque de négociant international" ;

Attendu que ce contrat n'est pas soumis aux dispositions de la loi du 31 décembre 1989, du décret du 4 avril 1991 puisque la société VCP ne mettait à la disposition de la société Anker aucun signe distinctif tel que nom commercial, enseigne ou marque, mais limitait au contraire l'usage qui pourrait être fait de sa marque sur laquelle la société Anker n'acquérait aucun droit et devait même soumettre pour approbation préalable à la société VCP tous les matériels publicitaires et promotionnels;

Attendu en tout état de cause, qu'en relations commerciales avec la société VCP et distribuant son produit depuis trente ans sur le même territoire avec quelques évolutions quant à son étendue, la société Anker, sauf à manquer de sérieux, ne peut prétendre à un manque d'information dont elle ne précise d'ailleurs pas la nature ;

Attendu que ce contrat de distribution exclusive constituant la loi des parties, était à durée déterminée, ne précisait pas être renouvelable par tacite reconduction, mais au contraire, qu'il pourrait "faire l'objet d'un renouvellement à la condition expresse que celui-ci intervienne six mois avant l'expiration du terme" prévu et prévoyait sa résiliation sans préavis ni indemnité dans quatre cas dont le non-respect par l'une ou l'autre des parties de l'une quelconque de ses obligations trente jours après mise en demeure restée sans effet ;

Attendu qu'en application de ce contrat, il convient de distinguer deux possibilités de fin de contrat :

- l'une par non-renouvellement,

- l'autre par résiliation pour problèmes divers ;

Attendu qu'au 31 janvier 1993, le renouvellement du contrat n'était pas intervenu sans que cela suscite question ou protestation de la société Anker ;

Que la société VCP a ainsi exercé son droit de non-renouvellement dont elle s'expliquait auprès de la société Anker le 12 février 1993 ;

Attendu que ce contrat ne prévoyait pas d'indemnité de clientèle en cas de rupture ;

Attendu que la Cour n'a pas à apprécier les motifs invoqués pour explication du non-renouvellement à son échéance d'un contrat de distribution exclusive à durée déterminée sauf à caractériser un abus de droit ou un manquement à l'obligation de loyauté contenue dans l'article 1134 du Code Civil.

Attendu que le motif invoqué était celui d'une stature insuffisante de la société Anker dont le portefeuille de marques communiqué en janvier 1993 se révélait amputé des principales marques détenues antérieurement, fait non contesté ; qu'il n'était pas question des résultats mais des possibilités de développement du marché ;

Attendu qu'il résulte des documents produits, essentiellement l'échange de courrier rappelé dans l'exposé des faits, que la société VCP :

- a toujours clairement explicité ce qu'elle souhaitait notamment l'exigence d'un plan de marketing destiné à ajuster au plus près l'offre à la demande et lui permettre ainsi une meilleure gestion de ses stocks pour satisfaire l'ensemble de sa clientèle,

- a encouragé et aidé la société Anker à évoluer dans le sens souhaité comme en témoignent :

* la lettre du 18 février 1992 envisageant le renouvellement du contrat au conditionnel et qui ne pouvait donc laisser croire à un renouvellement automatique du contrat,

* l'élaboration besogneuse du plan 92 fourni le 16 octobre 1992 dans la version définitive,

- n'a pas abandonné brutalement la société Anker dont le portefeuille de marques donc l'envergure commerciale s'était déjà amenuisée puisqu'elle lui a offert, alors que contractuellement rien ne l'y obligeait, la possibilité de commercialiser la marque Champagne Henriot certes de moindre notoriété que VCP, mais non négligeable, avec une période de transition dans des conditions intéressantes pour la société Anker qui l'a refusée;

Attendu qu'il s'en suit qu'aucun abus dans l'exercice du droit de non-renouvellement du contrat ne peut être caractérisé à l'encontre de la société VCP;

Attendu que reste à examiner si cette société a respecté ses obligations contractuelles dans l'exécution du contrat par fourniture du produit distribué et si, à défaut de respect de ses obligations, la société Anker justifie d'un préjudice ;

Attendu qu'il est constant que la commande du 29 janvier 1993 n'a pas quitté les locaux de la société VCP qui a fait constater que, prête à être expédiée avant le 23 mars 1993, elle y était encore le 2 août 1993 ;

Attendu que si l'article 8 du contrat du 17 janvier 1992 autorisait la société VCP à contingenter les bouteilles pour les six derniers mois d'exécution du contrat, il ne l'autorisait pas à provoquer une rupture de stock qui n'est pas contestée et qui prouve qu'il n'y avait pas de risque d'excédent en fin de contrat, obligeant à un rachat;

Attendu que pour justifier de la rétention de la livraison, la société VCP allègue par ailleurs avoir craint un défaut de paiement en raison des lettres menaçantes de la société Anker des 8 mars et 7 avril 1993 ;

Attendu qu'il convient de relever que celle du 7 avril 1993 est postérieure à la date d'expédition prévue des marchandises et ne peut donc avoir eu l'effet avancé ;

Attendu que par fax du 8 mars 1993 la société Anker en réponse à la lettre du 12 février 1993 de la société VCP protestait contre une résiliation qualifiée d'abusive et se réservait de réclamer des dommages et intérêts ou toute autre forme d'indemnisation ;

Attendu que ce fax ne contenait donc aucune menace de non-paiement, ni termes pouvant laisser penser à la société VCP que la société Anker était susceptible de se faire justice à elle-même, alors que de surcroît, il n'est allégué d'aucun comportement déloyal pendant les trente années de collaboration des deux sociétés ;

Attendu dès lors que rien ne justifiait la subordination de la livraison de la commande du 29 janvier 1993 à une garantie bancaire non prévue contractuellement ;

Attendu en conséquence que la société VCP n'a pas respecté son obligation d'approvisionnement pour des motifs injustifiés, alors qu'elle était en possession des plans de marketing 1992 et 1993 et disposait des stocks nécessaires pour honorer cette commande antérieurement au 23 mars 1993 puisque celle-ci était prête;

Attendu que ce comportement fautif était de nature à causer un préjudice à la société Anker qui n'était plus en mesure d'approvisionner ses clients et perdait ainsi commissions et marges bénéficiaires sur les produits dont elle ne disposait plus, soit selon l'état des stocks des bouteilles de 0,75 l et 3 l de VCP brut ;

Attendu que ce préjudice ne peut être qualifié d'actuel et de certain, que si l'impossibilité pour la société Anker de fournir ses clients est établie ;

Attendu qu'elle ne justifie de l'existence d'aucune commande qu'elle n'aurait pu honorer faute de stock, que dès lors elle ne justifie d'aucun préjudice ;

Attendu en conséquence que la société Anker sera déboutée de toutes ses demandes ;

Attendu que le comportement de la société VCP, non exempt de reproche sur la rétention de la commande du 29 janvier 1993 justifie qu'il ne lui sont pas alloué de dommages et intérêts, l'action de la société Anker ne pouvant être qualifiée d'abusive en son principe ;

Attendu par ailleurs qu'il n'apparaît nullement inéquitable de laisser supporter aux parties leurs frais irrépétibles ;

Attendu que les dépens seront supportés par la société Anker ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, Contradictoirement ; Déclare recevable et bien fondé l'appel principal de la société VCP, recevable et mal fondé l'appel incident de la société Anker ; En application de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, annule le jugement rendu le 21 novembre 1995 par le Tribunal de Commerce de Reims ; Vu l'article 568 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Reçoit la société Anker en ses demandes, mais les déclare mal fondées et injustifiées ; Déboute la société VCP de ses demandes en dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la société Anker en tous les dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Chalicarne Delvincourt Jacquemet conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.