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Décisions

Cass. com., 17 juillet 2001, n° 98-22.841

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Automobiles Peugeot (SA), Société Financière de Banque (SA)

Défendeur :

Dargent (ès qual.), Assistance Service Automobile (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Collomp

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

T. com. Paris, 13e ch., du 18 juin 1997

18 juin 1997

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que la société Assistance service automobile (société ASA), qui était liée à la société Automobiles Peugeot par un contrat de concession automobile expirant le 31 décembre 1990, disposait, pour les besoins de son exploitation commerciale, d'un compte courant ouvert auprès de la Société financière de banque, Sofib (banque Sofib), qui dépendait du groupe Peugeot, sur lequel étaient prélevé, par la société d'affacturage Sofira qui en avait avancé le prix au concédant, le montant des factures des véhicules livrés au concessionnaire, après leur revente par ce dernier, et sur lequel elle bénéficiait d'une autorisation tacite de découvert ; qu'afin de pouvoir honorer quatre ordres de paiement de la société Sofira, devant s'élever à la somme globale de 1 603 098,59 francs, la société ASA, dont le compte était alors débiteur de 646 529,74 francs, a, le 1er juin 1990, autorisé la banque Sofib à prélever, sur ses comptes du Crédit agricole et de la Société générale, les sommes de 300 000 et de 180 000 francs ; que la banque Sofib n'a pas exécuté ces instructions puis a invoqué un dépassement du montant du découvert autorisé pour rejeter, le 8 juin, les demandes de paiement de la société Sofira, qui, à la suite de ce rejet, a résilié la convention d'affacturage la liant à la société Automobiles Peugeot ; que le concédant ayant dès lors exigé de son concessionnaire un paiement comptant des véhicules livrés et la société ASA n'ayant pas pu assumer ces nouvelles obligations, le contrat de concession a été résilié par anticipation, à l'initiative du concédant qui avait fait dressé protêt d'un effet demeuré impayé, le 19 septembre 1990, par application de la clause résolutoire stipulée à la convention ; que la société ASA a été déclarée en redressement puis en liquidation judiciaires les 24 septembre 1990 et 2 mai 1991 ; que les sociétés Automobiles Peugeot et banque Sofib ont réclamé judiciairement le paiement puis la fixation de leurs créances respectives sur la société ASA, cependant que celle-ci puis son liquidateur, dénonçant la collusion fautive des deux sociétés, ont mis en cause leur responsabilité, reprochant à l'une d'avoir rompu abusivement son crédit et à l'autre d'avoir créé de mauvaise foi les conditions lui permettant de résilier le contrat de concession aux torts de son concessionnaire ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984, devenu l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier ; - Attendu que pour décider que la banque Sofib avait, par collusion avec la société Automobiles Peugeot, rompu abusivement le concours financier accordé à la société ASA, l'arrêt retient qu'aucun montant de découvert maximum n'avait été fixé contractuellement par les parties et que le dépassement du découvert moyen autorisé, qui serait résulté du paiement de la société Sofira, si la banque Sofib avait prélevé, comme le lui avait demandé sa cliente, les sommes de 180 000 et de 300 000 francs sur ses comptes du Crédit agricole et de la Société générale, ne justifiait pas, du fait de son ampleur relative et des autorisations déjà accordées dans le passé pour des dépassements d'importance similaire, la rupture brutale, unilatérale et sans préavis des crédits litigieux ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait elle-même constaté que le découvert habituellement toléré par la banque Sofib sur le compte de la société ASA s'établissait à la somme de 1 200 000 francs, ce dont il se déduisait que les dépassements ponctuels dont la société concessionnaire avait pu bénéficier dans le passé ne constituaient que des concours occasionnels laissés à la discrétion de la banque et alors qu'elle avait relevé, par motifs adoptés, que même en tenant compte des avis de prélèvement non exécutés et dont le sort restait incertain, le compte courant litigieux aurait présenté un découvert de 1 416 000 francs, supérieur au montant du découvert autorisé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

Et sur les premier et second moyens, pris chacun en leur troisième branche, et qui sont exprimés dans les mêmes termes : - Vu l'article 1147 du Code civil ; - Attendu que pour déclarer la banque Sofib et la société Automobiles Peugeot responsables de la rupture du contrat de concession ayant bénéficié à la société ASA, l'arrêt retient que la première a commis une faute en interrompant brutalement ses concours et que la seconde a exploité, dans son seul intérêt et pour échapper au risque commercial en résultant pour elle, la situation financière fragilisée du concessionnaire en lui imposant des conditions de paiement comptant impraticables pour lui;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, en l'absence de faute de la banque Sofib, la société Automobiles Peugeot n'était pas fondée à tirer les conséquences contractuelles du non-paiement de l'effet protesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.