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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 22 octobre 1998, n° 1248-95

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fautras

Défendeur :

Groupe Bernard Koune (SA), Dumoulin (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assié

Conseillers :

Mme Laporte, M. Maron

Avoués :

SCP Lissarrague-Dupuis, Associés, SCP Fievet-Rochette-Lafon

Avocats :

SCP Roinac, Me Sovran-Cibin.

T. com. Versailles, 4e ch., du 13 oct. 1…

13 octobre 1994

FAITS ET PROCÉDURE:

Le 30 octobre 1992, Monsieur Fautras et la société GBK ont conclu un contrat de distribution exclusive à durée indéterminée avec exclusivité territoriale pour la région parisienne, relatif à la commercialisation des Vans Fautras ou remorques de transport de chevaux.

Des incidents de paiement intervenaient rapidement.

Le 20 avril 1993, Monsieur Fautras, par acte d'huissier, notifiait à la société GBK sa lettre du 30 mars 1993, par laquelle il lui demandait de procéder dorénavant à ses règlements par traites avalisées par sa banque.

Le 3 juin 1993, une ordonnance du juge des référés, ordonnait alors à Monsieur Fautras de respecter son obligation de commercialisation exclusive sous astreinte, et désignait un expert.

Le 29 novembre 1993, une nouvelle ordonnance déboutait Monsieur Fautras de sa demande d'autorisation de commercialiser librement ses vans lors du Salon du Cheval de décembre 1993 se tenant à Paris.

Enfin, le 22 décembre, une dernière ordonnance étendait la mission de l'expert.

Par acte en date du 30 juin 1993, la SA Groupe Bernard Koune, dite GBK, a assigné Monsieur Jean-Luc Fautras devant le tribunal de commerce de Versailles afin d'entendre cette juridiction prononcer la résiliation du contrat de distribution du 30 octobre 1992 aux torts et griefs de Monsieur Fautras, le condamner à payer à la société GBK la somme de 600.000 F de dommages et intérêts du fait des ventes directes, en violation de l'obligation d'exclusivité, sauf à parfaire, 120.000 F de dommages et intérêts en remboursement des actions de publicité et de promotion, 500.000 F de dommages et intérêts pour atteinte portée à la gestion normale de la société GBK, 1.300.000 F en application de l'indemnité de rupture prévue à l'article 6 du contrat et 30.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur Fautras demandait au tribunal de débouter la société GBK de ses demandes, de prononcer, à compter de mai 1993, date de rupture unilatérale du contrat par la société GBK, la résolution judiciaire dudit contrat aux torts exclusif de cette société.

En conséquence, de la condamner à lui verser la somme de 500.000 F de dommages et intérêts et 25.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société GBK par nouvelles conclusions, demandait au tribunal, vu le rapport de l'expert, de constater que les ventes illicites reprochées à Monsieur Fautras avaient eu lieu dès l'origine du contrat conclu entre les parties, et s'étaient poursuivies de façon constante jusqu'à la manifestation du Salon du Cheval 93.

Par le jugement déféré, en date du 13 octobre 1994, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la résiliation judiciaire, aux torts réciproques, du contrat de distribution du 30 octobre 1992.

Devant la cour, il a été demandé à Monsieur Fautras de produire une déclaration de créance. Cette déclaration ayant été effectuée hors délai, Monsieur Fautras, qui sollicitait de la cour l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Groupe Bernard Koune (GBK) à lui rembourser les sommes versées en vertu de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement, le prononcé de la résiliation du contrat de concession aux torts exclusifs de la société GBK et sa condamnation à lui payer 500.000 F de dommages et intérêts, a introduit une procédure en relevé de forclusion.

Le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Groupe Bernard Koune a débouté Monsieur Fautras de sa demande en relevé de forclusion.

Sur appel contre cette décision, la cour d'appel de Versailles l'a confirmée.

En cet état, Monsieur Fautras, qui n'a pas conclu après la production de ce document, reste développer les moyens suivants en ce qui concerne la responsabilité des violations des obligations du contrat de distribution exclusive qui le liait à la société GBK : le contrat stipulait que le paiement des livraisons faites par le concédant au concessionnaire devait être effectué dans les 30 jours du mois de la réception des factures, ce que la société GBK n'a pratiquement jamais respecté alors que, contrairement aux allégations de cette société, il a, en ce qui le concerne bien délivré les bulletins de livraison. Aussi, après lès quatre premiers incidents de paiement, Monsieur Fautras a-t-il fait savoir à son concessionnaire que, désormais, toute commande de sa part devrait faire l'objet d'une traite avalisée par la banque.

Le défaut de conformité de deux des vans, qui avaient été réglés par les clients, ne saurait constituer un motif de refus de règlement des factures.

La seule réponse de celui-ci a été d'exiger, y compris par voie judiciaire, des livraisons.

L'existence, en quelques mois de relations commerciales, de cinq incidents de paiement, le refus de satisfaire à une demande de garantie, la contestation, de mauvaise foi, de la signature apposée sur des traites constituent des infractions contractuellès qui justifient la résiliation du contrat de concession aux torts du concessionnaire.

Sur le prétendu non-respect de la clause d'exclusivité, Monsieur Fautras souligne qu'en mai 1993 Madame Cosquer lui avait fait savoir qu'elle avait passé commande auprès de la société GBK d'un van Fautras qui ne lui avait jamais été livré mais qu'il lui avait été proposé, à la place, un van Bokmann. Une telle correspondance démontre que, dès cette époque, la société GBK prospectait hors sa concession et proposait même du matériel concurrent.

Il en a été de même auprès de Monsieur Martinenghi.

Dès avril 1993, la société GBK vendait du matériel Bokmann.

Il résulte de ces différents éléments que la rupture du contrat de concession incombe exclusivement à la société GBK.

Du fait des violations de ses obligations par la société GBK, Monsieur Fautras estime avoir subi un préjudice de 500.000 F pour lequel il demande réparation. Il sollicite dès lors que sa créance soit fixée à ce montant.

Sur le préjudice invoqué par la société GBK et consistant en des pertes de vente (600.000 F), Monsieur Fautras estime qu'à supposer qu'il puisse y avoir eu préjudice, il ne saurait être supérieur à 135.000 F.

Sur les frais de publicité et comme l'a retenu le tribunal, la société GBK n'en rapporte pas la preuve. Il en est de même du prétendu préjudice apporté à la gestion de la société GBK.

Subsidiairement, il demande compensation entre les sommès qu'il pourrait devoir (135.000 F) et cellès qui lui sont dues par la société GBK.

Il sollicite enfin 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Maître Dumoulin, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société GBK, précise que Monsieur Fautras n'ayant pas été relevé de la forclusion en sa production, ses demandes ne sauraient être admises, sa prétendue créance étant éteinte. Il souligne, de son côté, que Monsieur Fautras a, dès novembre 1992, violé son obligation d'exclusivité en vendant directement, entre le 17 novembre 1992 et le 23 octobre 1993, 18 remorques dont 17 neuves au mépris de ses obligations, ainsi que des remorques lors du salon du cheval, par ailleurs, le concessionnaire de la région de Reims avait, lui même, vendu quatre vans en région parisienne.

Sur les prétendus incidents de paiement, Maître Dumoulin souligne que l'exigence manifestée par Monsieur Fautras de subordonner toute commande à l'existence d'une traite avalisée constituait une exigence non contractuellement prévue. Au surplus, il n'y a pas eu d'incidents de paiement postérieurs, mais seulement des différés correspondant à la mise en œuvre du mécanisme de l'exception d'inexécution, Monsieur Fautras refusant de fournir les bulletins de livraison. En outre, Monsieur Fautras est redevable, envers la société GBK, d'une somme de 65.000 F.

S'agissant des "derniers incidents de paiement", ceux-ci avaient pour cause des livraisons défectueuses.

S'agissant de la violation de la clause d'exclusivité qu'allègue Monsieur Fautras, Maître Dumoulin souligne que la société GBK n'a jamais conclu de nouveau contrat de concession mais a été dans l'obligation, face à l'inertie de Monsieur Fautras et à ses refus de livraison, de répondre au coup par coup à des demandes de clients.

Dans ces conditions, Maître Dumoulin estime qu'il y a lieu de résilier le contrat aux torts de Monsieur Fautras et de le condamner à lui payer 600.000 F en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des ventes illicites, 120.000 F pour les frais de publicité qu'elle a engagés et 500.000 F de dommages et intérêts pour le trouble apporté à sa gestion.

Il demande, enfin, 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR

Attendu, en ce qui concerne les demandes de Monsieur Fautras, que celles-ci ne sauraient être admises, ses créances étant éteintes pour défaut de production au passif de la liquidation de la société GBK; qu'il y a cependant lieu d'examiner les modalités d'exécution de la convention qui liait les parties afin de déterminer les responsabilités dans la résiliation du contrat.

Attendu qu'il est justifié, en particulier par les constatations du rapport de l'expert, que dès l'origine des relations contractuelles, Monsieur Fautras, alors qu'il était engagé par un contrat de distribution exclusive au profit de la société GBK, a directement ou indirectement (par l'intermédiaire du concessionnaire de Reims) vendu, sur le territoire objet de la concession et au mépris de celle-ci, 27 vans; que le fait que certaines de ces ventes (les cinq ventes réalisées au salon du cheval) aient été ultérieurement annulées est sans incidence sur la commission de la faute contractuelle.

Attendu que la violation, par le concédant, de cette obligation absolument essentielle de son contrat, prévue à l'article 1er de celui-ci, justifie la résiliation de la convention à ses torts.

Attendu en outre qu'il résulte des mises en demeure versées aux débats que Monsieur Fautras n'a pas respecté son obligation de livraison des matériels commandés dans le délai conventionnellement fixé - certes à titre indicatif -, à l'article 2 du contrat, de 15 jours; que cette méconnaissance d'une importante obligation contractuelle ne saurait trouver, au moins dans certains cas, sa justification dans les retards de paiement allégués par Monsieur Fautras à l'encontre de la société GBK, les rapprochements de date démontrant que certains retards de livraison sont totalement indépendants des retards de paiement;

Attendu, en ce qui concerne les fautes contractuelles alléguées par Monsieur Fautras à l'encontre de la société GBK, que s'il apparaît que la société GBK a eu des retards de paiement, ces retards ne constituent pas, par leur importance et leur date, la méconnaissance d'une obligation essentielle du contrat; que par ailleurs ils sont, pour certains d'entre eux, légitimés par les retards de livraison et les défectuosités dont étaient atteints certains des vans livrés par Monsieur Fautras;

Attendu en revanche qu'il résulte des exemplaires n° 114 et 115 de la revue "l'Éperon" versés aux débats que la société GBK a, en violation de l'obligation d'exclusivité à laquelle elle s'était obligée au profit de Monsieur Fautras (article 1er-3 de la convention), vendu des vans ABL Böckmann et s'est présentée comme concessionnaire de cette marque;

Attendu que la violation de cette obligation absolument essentielle du contrat qui la liait à Monsieur Fautras justifie la résiliation de celui-ci à ses torts;

Attendu que le fait que Monsieur Fautras ait, le premier, méconnu ses obligations, ne saurait, en quoi que ce soit, justifier la violation, par la société GBK, de cette obligation d'exclusivité;

Attendu que la violation de ses obligations par Monsieur Fautras est indépendante de la violation de ses obligations par la société GBK; que le préjudice subi par la société GBK doit, en conséquence, être intégralement indemnisé ;

Attendu qu'à bon droit les premiers juges ont retenu un manque à gagner de 135.000 F au préjudice de la société GBK; qu'il n'est, en effet, en rien justifié par la société GBK de ce que le préjudice réel serait supérieur à ce chiffre, et spécialement serait de 600.000 F ;

Attendu, en ce qui concerne le préjudice de publicité, que s'il est versé aux débats des factures de publicités parues dans la revue "l'Éperon", il n'est pas justifié de ce qu'elles concerneraient l'activité de la société GBK en qualité de concessionnaire Fautras ; qu'il en est de même en ce qui concerne le coût de location d'un emplacement lors de la semaine équestre de Maisons Laffitte 1993 ;

Attendu, en ce qui concerne le préjudice apporté à la gestion de la SA GBK, qu'il résulte du "rapport d'enquête" que la société GBK a, du fait des manquements contractuels de Monsieur Fautras, subi un trouble important dans sa gestion ; que le préjudice qui en est résulté doit être évalué à 80.000 F ;

Attendu que l'équité conduit à condamnation de Monsieur Fautras à payer à Maître Dumoulin, ès qualités, la somme de 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Par ces motifs, statuant publiquement et contradictoirement, confirme en son principe le jugement déféré, dit irrecevables les demandes de condamnation formées par Monsieur Jean-Luc Fautras, le condamne à payer à la société Groupe Bernard Koune "GBK" SA les sommes de 135.000 F et de 80.000 F de dommages et intérêts, le condamne à payer à la société Groupe Bernard Koune "GBK" SA la somme de 8.000 F pour frais irrépétibles d'appel, le condamne aux dépens, admet la SCP Fievet & Rochette & Lafon au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.