Livv
Décisions

Cass. com., 18 décembre 2001, n° 99-17.166

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ferrari (ès qual.), Sodra (Sté)

Défendeur :

Groupe Volkswagen France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Nicolay, de Lanouvelle, SCP Defrenois, Levis.

TGI Paris, 4e ch., du 20 janv. 1997

20 janvier 1997

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches : - Attendu que M. Ferrari, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sodra, qui était concessionnaire exclusif des marques Volkswagen et Audi, fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 1999) d'avoir rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts qu'il avait formée à l'encontre de la société Groupe Volkswagen France (société Volkswagen) pour résiliation abusive du contrat de concession alors, selon le moyen : 1°) que la clause résolutoire de plein droit doit être appliquée de bonne foi ; que les faits invoqués une première fois par le concédant au soutien de l'application d'une clause prévoyant la résiliation de plein droit sans préavis, ne peuvent, de bonne foi, être de nouveau invoqués ultérieurement comme motifs de rupture lorsque, du commun accord des parties, les relations contractuelles se sont poursuivies et que la première résiliation n'a pas produit son effet ; qu'en retenant que les faits allégués par le concédant dans sa lettre de résiliation du 14 septembre 1990, que les parties s'étaient accordées à priver d'effet, pouvaient fonder la résiliation intervenue en février 1991, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que manque à la bonne foi le concédant qui, en l'état de difficultés financières préexistantes du concessionnaire, et après avoir toléré pendant un an l'absence du cautionnement exigé au contrat, modifie brutalement sa position et subordonne le maintien des relations contractuelles à l'obtention par le concessionnaire, dans un délai d'un mois, d'une garantie de montant élevé; qu'en retenant l'absence de faute du concédant dans l'application de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ; 3°) qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitait Me Ferrari, si l'octroi au concessionnaire d'un crédit fournisseur, sous la forme d'un paiement à 35 jours des véhicules fournis, n'impliquait pas nécessairement la possibilité pour le concessionnaire de revendre les véhicules avant que le concédant n'en encaisse le paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 et 1147 du Code civil ; 4°) que Me Ferrari, pour démontrer que le concédant avait amputé la rémunération du concessionnaire en lui imposant des objectifs de ventes irréalisables et en le privant ainsi de ses primes d'objectifs, ne se limitait pas au motif général selon lequel le concessionnaire était sous la dépendance économique du concédant, mais faisait valoir qu'en droit, le contrat stipulait expressément la possibilité pour le concédant, en cas de désaccord, d'imposer les objectifs de ventes au concessionnaire ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 5°) qu'est fautif le concédant qui rompt le contrat en méconnaissance des anticipations légitimes qu'il a fait naître chez le concessionnaire; que Me Ferrari montrait que le concessionnaire avait espéré un soutien dans son redressement de la part du concédant; que la cour d'appel constatait que le concédant avait accepté la poursuite des relations contractuelles jusqu'à la fin de l'année 1990, nonobstant l'apparition de difficultés financières dès 1989, et avait laissé au concessionnaire un temps non négligeable pour envisager une restructuration ; qu'en ne recherchant pas si le concédant n'avait pas ainsi induit chez le concessionnaire l'espoir qu'il lui laisserait toujours le temps de tenter de réagir à toute nouvelle difficulté, et si une rupture immédiate et sans préavis n'était pas en conséquence abusive comme trahissant cet espoir légitime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que c'est par une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, notamment des correspondances échangées entre les parties, que l'arrêt retient que, si la société Volkswagen a accepté la poursuite des relations contractuelles après avoir adressé à la société Sodra, le 14 septembre 1990, une première lettre de résiliation avec effet immédiat, elle n'en avait pas pour autant renoncé aux griefs qui y étaient énoncés, mais avait subordonné ce sursis à différentes conditions qui n'ont pas été remplies; que la cour d'appel a ainsi pu considérer que la rupture résultait de la seconde notification, du 11 février 1991, qui se référait aux griefs précédemment notifiés, en leur adjoignant deux autres ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que le défaut de fourniture d'une caution bancaire pour l'année constitue, aux termes de l'article XV-2 du contrat, un motif de résiliation de plein droit, l'arrêt retient que, bien qu'elle se soit abstenue de réclamer la caution bancaire qui faisait défaut au titre de l'année 1990, la société Volkswagen ne peut être réputée avoir renoncé à une telle garantie pour l'année 1991, contrepartie nécessaire au crédit fournisseur dont la société Sodra souhaitait vivement le rétablissement; que les juges ajoutent qu'il ne peut être fait grief à la société Volkswagen d'avoir subordonné le rétablissement du crédit fournisseur à une garantie bancaire équivalente, ni d'avoir subordonné l'octroi d'un prêt de trésorerie de 1 000 000 francs à la même condition, dès lors que la société Sodra lui devait des sommes importantes, livrait des véhicules avant de les lui avoir payés et remettait en paiement des chèques sans provision, et qu'il résulte d'une ordonnance du juge commissaire du 17 décembre 1993 que la créance de la société Volkswagen sur la société Sodra s'élève à 5 106 941,95 francs; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que la société Volkswagen n'avait pas fait preuve de mauvaise foi en se prévalant du défaut de caution bancaire réclamée pour l'année 1991;

Attendu, en outre, que, la remise au fournisseur de lettres de change-relevé payables à 35 jours, même si elles constituent un instrument de crédit, est sans incidence sur l'application des stipulations contractuelles interdisant au concessionnaire de revendre et de livrer à un tiers tout bien ou marchandise qu'il n'aurait pas payé au concédant, lequel s'en réservait la propriété aussi longtemps que le paiement ne serait pas intervenu; que la cour d'appel n'était donc pas tenue de répondre aux conclusions invoquées, qui n'étaient pas susceptibles d'influer sur la solution du litige;

Attendu, au surplus, qu'ayant relevé que M. Ferrari se contentait de soutenir que les objectifs de vente n'étaient pas librement négociés mais qu'il ne rapportait aucunement la preuve qu'ils fussent excessifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, sans être tenue de procéder à la recherche inopérante visée par la quatrième branche ;

Attendu, enfin, qu'il ne résulte pas des conclusions invoquées que M. Ferrari ait soutenu en cause d'appel que la société Volkswagen avait rompu le contrat après avoir incité le concessionnaire à croire à son maintien ; d'où il suit que, manquant en fait en sa cinquième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.