CA Limoges, ch. civ. sect. 1, 24 juin 1997, n° 2128-95
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Tronche
Défendeur :
Gérard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Braud
Conseillers :
MM. Vernudachi, Trassoudaine
Avoués :
Mes Coudamy, Garnerie
Avocats :
Mes Eybert, Jouhanneaud, Romand.
LA COUR : Vu le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 22 novembre 1995, Vu la déclaration d'appel de Monsieur Charles Tronche du 8 décembre 1995, Vu la constitution d'avoué de Monsieur Daniel Gérard du 10 janvier 1996, Vu les conclusions de Monsieur Charles Tronche du 4 avril 1996, Vu les conclusions de Monsieur Daniel Gérard du 24 juin 1996, Vu l'ordonnance du clôture du Conseiller de la Mise en Etat de la Cour d'Appel de Limoges du 28 avril 1997, Vu la loi n° 91-593 du 25 juin 1991.
LES FAITS ET LA PROCEDURE :
Monsieur Charles Tronche, agent commercial dans le domaine de la confection, a rencontré à plusieurs reprises, lors de ses démarchages, Monsieur Daniel Gérard qui exerçait la même activité professionnelle.
Par télécopie en date du 6 avril 1993, Monsieur Charles Tronche a proposé à Monsieur Daniel Gérard de travailler en collaboration avec lui en vue de prospecter de nouveaux clients sur un secteur territorial bien défini.
Par courrier du 10 septembre 1993 adressé à Monsieur Daniel Gérard , Monsieur Charles Tronche a mis fin au travail en collaboration qu'il a qualifié " de période d'essai ".
Suivant exploit d'huissier en date du 26 avril 1994, Monsieur Daniel Gérard a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Limoges, Monsieur Charles Tronche pour l'entendre condamner à lui verser la somme de 23 351,19 F hors taxes à titre de commissions, celle de 7 000 F hors taxes à titre d'indemnité de préavis, celle de 50 000 F hors taxes à titre d'indemnité de rupture, celle de 1856,28 F au titre de la taxe à la valeur ajoutée sur les commissions déjà réglées, celle de 4 343,38 F sur les commissions impayées et celle de 8 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il sollicitait également la condamnation de Monsieur Charles Tronche aux dépens.
Par jugement du 22 novembre 1995, le Tribunal de Grande Instance de Limoges a condamné Monsieur Charles Tronche à payer à Monsieur Daniel Gérard les sommes de 23 351,59 F hors taxes au titre des commissions, de 3 000 F au titre de l'indemnité de préavis et de 5 000 F au titre de l'indemnité de cessation de contrat, en précisant que chacune de ces trois sommes portaient intérêts aux taux légal à compter du présent jugement. Cette juridiction a également débouté Monsieur Daniel Gérard de sa demande en paiement de la taxe sur la valeur ajoutée sur ses commissions et Monsieur Charles Tronche de sa demande en paiement de la facture non réglée par le client Legleut, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et a condamné Monsieur Charles Tronche aux dépens.
Monsieur Charles Tronche a interjeté appel de cette décision, suivant déclaration du 8 décembre 1995, Monsieur Daniel Gérard a constitué avoué le 10 janvier 1996.
Chacune des parties a conclu.
L'ordonnance de clôture du Conseiller de la Mise en Etat de la Cour d'Appel de Limoges est intervenue le 28 avril 1997.
Prétentions et moyens des parties :
Monsieur Charles Tronche sollicitant la réformation de la décision entreprise conclut au principal, au débouté de Monsieur Daniel Gérard de toutes ses demandes, subsidiairement à l'application de l'article 2004 du code civil qui l'autorise à révoquer sa procuration " quand bon lui semble " et à titre infiniment subsidiaire, à la responsabilité de Monsieur Daniel Gérard qui a commis une faute dans l'exécution de son mandat le privant de tout droit à réclamation au titre d'indemnités. L'appelant réclame également la condamnation de Monsieur Daniel Gérard à lui payer une somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter la charge des dépens.
Monsieur Charles Tronche, à l'appui de sa demande principale, prétend que Monsieur Daniel Gérard ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contre d'agent commercial entre lui et l'appelant, en l'absence d'écrit obéissant aux dispositions de l'article 1325 du code civil relatif aux actes sous-seing privés contenant des conventions synallagmatiques.
Monsieur Charles Tronche ajoute que les relations existant entre Monsieur Daniel Gérard et lui peuvent être qualifiées de mandat de représentation soumis aux règles des articles 1984 et suivants du code civil et considéré comme un préalable à la négociation d'un contrat sous-agent commercial qui n'a pas lieu.
Enfin, Monsieur Charles Tronche expose à titre infiniment subsidiaire que si la Cour estimait que les relations entre les parties étaient régies du mandat d'intérêt commun, il y aurait lieu, alors, de tenir compte de la faute du mandataire, à l'origine de la rupture des relations, constituée en la cause, par la négligence de Monsieur Daniel Gérard qui s'est désintéressé du règlement des marchandises négociées avec le client Legleut. L'appelant en déduit que s'agissant d'un mandat d'intérêt commun, en la cause, aucune indemnité de rupture n'est due par le mandant à son mandataire en cas de faute de ce dernier, dans l'exécution de son mandat.
Monsieur Daniel Gérard conclut au débouté de Monsieur Charles Tronche de l'ensemble de ses demandes, à la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a condamné Monsieur Charles Tronche à verser à Monsieur Daniel Gérard la somme de 23 351,19 F au titre des commissions, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 1994. Formant appel incident, l'intimé sollicite également la condamnation de Monsieur Charles Tronche à lui verser la somme de 7 000 F hors taxes à la valeur ajoutée sur les commissions déjà) réglées et sur les commissions impayées, celle de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il réclame également la condamnation de Monsieur Charles Tronche aux dépens.
Monsieur Daniel Gérard prétend en premier lieu, que la télécopie du 6 avril 1993 constitué un contrat de sous-agent commercial à durée indéterminée soumis à la loi du 25 juin 1991, ce contrat pouvant depuis ce dernier texte, être prouvé par tous moyens. Il ajoute que cette interprétation est confortée par son inscription au registre des agents commerciaux. Il indique qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir l'existence d'une collaboration à l'essai entre Monsieur Charles Tronche et lui-même.
Monsieur Daniel Gérard prétend que le principe de la rupture du contrat entre Monsieur Charles Tronche et lui, étant imputable au premier, il peut réclamer les indemnités qui figurent dans ses conclusions qu'il n'a commis aucune faute.
A titre subsidiaire, Monsieur Daniel Gérard expose que s'il ne peut pas lui être fait application du statut d'agent commercial, il y a lieu d'analyser les relations contractuelles existant entre les parties comme étant celles du mandat d'intérêt commun qui l'autorise à réclamer notamment les commissions impayées y compris pour les commandes de Monsieur Legleut et ce, en application des dispositions de l'article 699 du code civil.
A l'appui de sa demande de paiement des commissions, Monsieur Daniel Gérard invoque l'article 9 de la loi du 25 juin 1991 et précise que ses commissions étaient toujours réglées hors taxes alors qu'elles étaient dues toutes taxes comprises. L'intimé fonde sa demande d'indemnité de préavis sur l'article 11 de la loi du 25 juin 1991 et celle des indemnités de rupture sur l'article 12 du même texte.
Discussion :
I - Sur la nature des relations contractuelles ayant existé entre Monsieur Charles Tronche et Monsieur Daniel Gérard :
Il résulte des diverses pièces régulièrement versées aux débats et en particulier d'une attestation d'inscription au registre spécial des agents commerciaux du 10 avril 1989 et d'une télécopie du 6 avril 1993,
- que Monsieur Daniel Gérard est immatriculé au registre spécial des agents commerciaux sous le n° 89 AC 57 depuis le 10 avril 1989,
- que suite à une télécopie du 6 avril 1993, une collaboration a été instituée entre Monsieur Charles Tronche et Monsieur Daniel Gérard, tous deux agents commerciaux,
- qu'il était défini dans cette télécopie, les secteurs et les clientèles à prospecter,
- qu'aucune limitation de temps n'était prévue à cette collaboration.
Il n'est pas contesté également par les parties qu'une télécopie adressée le 10 septembre 1993 par Monsieur Charles Tronche à Monsieur Daniel Gérard a mis fin à cette " collaboration " en faisant allusion pour la première fois, à une période d'essai.
De l'examen attentif de ces documents et de leur analyse, il ressort que la collaboration instituée entre Monsieur Charles Tronche et Monsieur Daniel Gérard s'exerçait dans le cadre d'un contrat de sous-agence commercial à durée indéterminée soumis aux dispositions de la nouvelle loi du 25 juin 1991 laquelle a supprimé l'exigence de l'écrit pour la validité du contrat, tout en rappelant que l'écrit conservait son utilité et son importance comme moyen de preuve.
II - Sur les circonstances de la rupture des relations contractuelles ayant existé entre Monsieur Charles Tronche et Monsieur Daniel Gérard :
A bon droit, le premier juge a estimé que la télécopie adressée le 10 septembre 1993 par Monsieur Charles Tronche à Monsieur Daniel Gérard et ainsi rédigée : " votre manque de confiance et le peu de résultats obtenus, nous oblige à ne pas prolonger cette période d'essai " a mis fin au contrat de sous-agence commercial conclu entre les parties et a fait naître au profit de Monsieur Daniel Gérard, un droit à indemnisation en application des articles 11 et 12 de la loi du 25 juin 1991, dans la mesure où Monsieur Charles Tronche, le donneur d'ordres, ne rapporte pas la preuve de fautes commises par son agent commercial.
Or en l'espèce, " force est de constater, comme l'a apprécié à juste titre le tribunal, que Monsieur Charles Tronche ne démontre pas une baisse du chiffre d'affaires directement imputable à Monsieur Daniel Gérard ou un manquement de quelque nature que ce soit de celui-ci dans l'exécution de son contrat, susceptible de caractériser la faute alléguée ". Monsieur Daniel Gérard est donc fondé à réclamer une indemnisation à la suite de la rupture de son contrat de sous-agence commercial.
III - Sur les conséquences de la rupture des relations contractuelles ayant existé entre Monsieur Charles Tronche et Monsieur Daniel Gérard :
En premier lieu, en l'absence d'une contestation précise de la part de Monsieur Charles Tronche, Monsieur Daniel Gérard a droit au paiement des commissions pour les affaires qu'il a réalisées, qui ne sont pas réglées à ce jour et qui s'élèvent à la somme de 23 351,19 F hors taxes soit 27 694,51 F toutes taxes comprises, Monsieur Daniel Gérard a droit également au règlement de la somme de 1 856,28 F au titre de la taxe sur la valeur ajoutée sur les commissions déjà réglées, eu égard aux document produits dans son dossier.
En second lieu, conformément aux dispositions des articles 11 et 12 de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991, Monsieur Daniel Gérard a droit, en cas de cessation d'un contrat de sous-agence commercial à durée indéterminée, à une indemnité de préavis d'une durée d'un mois pour la première année du contrat et à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
En l'espèce, à défaut de pièces précises versées aux débats, il y a lieu d'allouer forfaitairement à Monsieur Daniel Gérard, compte-tenu des éléments recueillis dans les dossiers des parties, une somme de 5 000 F au titre de l'indemnité de préavis et une autre du même contrat en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture des relations contractuelles.
Monsieur Daniel Gérard, qui a été contraint à défendre en appel, des intérêts légitimes, est justifié à réclamer sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, à Monsieur Charles Tronche, une somme d'argent qu'il équitable de fixer au vu des éléments du dossier, à un montant de 5 000 F.
Monsieur Charles Tronche qui a succombé en appel, est condamné aux dépens, comme il avait été en première instance.
Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort ; Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 22 novembre 1995. Condamne Monsieur Charles Tronche à payer à Monsieur Daniel Gérard, les sommes de : 1°) de vingt trois mille trois cent cinquante et un francs dix neuf centimes (23 651,19 F) hors taxes au titre des commissions, avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 1995, 2°) de mille huit cent cinquante six francs vingt huit centimes (1 856,28 F) au titre de la taxe à la valeur ajoutée sur les commissions déjà réglées, 3°) de quatre mille trois cent quarante trois francs trente deux centimes (4 343,352 F) au tire de la taxe à la valeur ajoutée sur les commissions à payer, 4°) de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'indemnité de préavis, 5°) de cinq mille francs (5 000 F) au titre de la rupture du contrat, 6°) de cinq mille francs (5 000 F) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 22 novembre 1995 en ce qu'il a débouté Monsieur Charles Tronche de sa demande de paiement de la facture non réglée par le client Monsieur Legleut et en ce qu'il a condamné Monsieur Charles Tronche aux dépens de première instance. Condamne Monsieur Charles Tronche, aux dépens d'appel, avec le droit au profit de maître Jean-Pierre Garnerie, avoué à la Cour d'Appel de Limoges, de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux dont il a fait l'avance, sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.