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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 25 juin 1997, n° 9504451

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Hoty Finistère (Sté), Kemper Chaises (Sté), Vannes Chaises (Sté)

Défendeur :

Confort Décor (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

Mme Lhenoret, M. Poumarède

Avoués :

Mes Bazille, Génicon, Chaudet, Brebion

Avocats :

Mes Chevallier, Maire.

T. com. Rennes, du 28 avr. 1995

28 avril 1995

FAITS ET PROCEDURE :

Statuant sur :

1- la demande de la société Confort Décor, dirigée contre les sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises tendant à faire constater la résolution des contrats de franchise les liant avec elle, pour l'exploitation de la marque " 4 Pieds ", interdire leur utilisation sous quelque forme, de cette marque, supprimer sous astreinte tous supports de celle-ci, interdire l'exploitation d'une activité de meubles pendant trois ans dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Vannes, condamner enfin les défenderesses séparément, puis pour la dernière somme " in solidum " à lui payer 39 491 F, 1 785,53 F, 80 526,77 F, montant d'indemnités contractuelles, et 30 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

2- la demande reconventionnelle des sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises en résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de la demanderesse, et tendant à la condamnation de celle-ci à supporter le coût d'enlèvement de tous les signes " 4 Pieds ", rembourser les frais d'entrée (total 200 000 F) des stocks dans les trois magasins, une indemnité provisionnelle de 500 000 F, dans l'attente du résultat d'une expertise à ordonner sur le montant du préjudice causé par la rupture du contrat de franchise,

Le Tribunal de commerce de Rennes, par jugement du 28 avril 1995, rejetant la demande reconventionnelle, a fait partiellement droit à la demande principale, estimant infondée la prétention de la société Confort Décor relative à l'application de la clause de non-concurrence dirigée contre la société Vannes Chaises ;

Les sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises, ont interjeté appel de ce jugement ; la société Confort Décor a relevé appel incident ;

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Appelantes, les sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises, font grief au jugement d'avoir ainsi statué aux motifs :

D'une part, que la clause résolutoire de l'article 19 du contrat de franchise devait, avec les conséquences prévues à l'article 20 de chacune des conventions, s'appliquer de plein droit aux sociétés défenderesses qui, liées à la société Confort Décor, soit par un contrat formel (Hoty Finistère et Vannes Chaises) soit par un contrat moral de franchise (Kemper Chaises) avaient manqué aux obligations prescrites aux articles 16 et 18 (remise de documents comptables et paiement de la redevance) puis refusé de déférer aux mises en demeure délivrées à cet égard par leur franchiseur.

Et d'autre part, que manifestement excessive " par son caractère général et extensif ", la clause de non-concurrence ne pouvait être invoquée à l'encontre de la société Vannes Chaises,

ALORS :

Que seule était possible une résiliation facultative, le non-paiement de la redevance et le défaut de communication des pièces comptables, n'entrant pas dans le cas autorisant la résiliation de plein droit, selon l'article 19, et que n'ayant pas fait jouer la clause résolutoire dans le mois des mises en demeure, le franchiseur, dont l'attitude subséquente était restée très ambiguë quant à son intention réelle de rompre, (envoi de documents confidentiels, poursuite des livraisons), devait obtenir la résiliation judiciaire pour rendre effective la rupture et non cesser unilatéralement ses relations plusieurs mois plus tard ;

Que payées par la société Kemper Chaises, condamnée de ce chef à tort, les redevances avaient fait l'objet d'une exonération temporaire amiable pour compenser le préjudice causé par " de graves manquements " du franchiseur ... " permettant de lui imputer, le cas échéant, la responsabilité de la rupture... et qu'ainsi elles ne pouvaient justifier la résiliation aux torts des franchisés ;

Qu'au contraire, la résiliation devait être mise à la charge de la société Confort Décor qui, en méconnaissance de ses obligations de franchiseur, n'avait pas déployé tous les moyens nécessaires pour procurer à ses franchisés toute l'assistance technique et commerciale à eux due (ristournes insuffisantes, voire détournées, absence de visite dans les magasins, fourniture d'un logiciel de gestion contrefait et inefficace, non-distribution de lots à la clientèle malgré un concours annoncé, refus de fournir un catalogue destiné aux acheteurs professionnels) ; que cette carence était d'autant plus reprochable qu'elle procédait de l'intention manifeste de récupérer les magasins, ainsi mis sciemment en difficulté, pour les exploiter directement, comme en témoigne l'évolution en ce sens, du réseau " 4 Pieds " ;

Que le dommage subi justifiait une expertise et dans l'attente du résultat, l'allocation d'une indemnité provisionnelle de 500 000 F ;

Qu'enfin, la clause de non-concurrence invoquée contre la société Vannes Chaises était abusive, puisque son application conduirait à interdire à cette société et à son dirigeant l'exercice de leur activité, contrairement au règlement européen n° 4087/88, qui limite à un an une telle clause à partir de l'expiration du contrat, sur les seuls territoires où la franchise a été exploitée et que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

Les appelants demandent en conséquence à la Cour de :

Infirmer le jugement déféré du 28 avril 1995,

En conséquence,

Constater la résiliation des contrats de franchise conclus entre les sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises d'une part, et la société Confort Décor d'autre part, aux torts exclusifs de la société Confort Décor, le franchiseur,

Condamner en conséquence, la société Confort Décor à prendre en charge les frais nécessaires à l'enlèvement de tous les signes distinctifs du réseau " 4 Pieds " des magasins appartenant aux sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises,

Condamner la société Confort Décor à restituer aux trois sociétés franchisées le droit d'entrée dont elles se sont contractuellement acquittées lors de leur adhésion au réseau " 4 Pieds ", soit la somme totale de 180 000 F HT, majorée des intérêts de droit à compter de la date de leur règlement,

Condamner la société Confort Décor à reprendre les stocks existants au jour de la décision à intervenir dans les magasins respectifs ou tout lieu où ils se trouvent, à leur valeur d'achat,

Dire et juger la société Confort Décor entièrement responsables du préjudice subi par trois sociétés franchisées, du fait de ses agissements déloyaux et de la résiliation des contrats de franchise,

Condamner la même à payer à chacune d'elle une indemnité provisionnelle de 500 000 F à valoir sur leur préjudice,

Commettre tel expert qu'il plaira à la Cour de désigner avec pour mission :

- de réunir les parties, d'entendre tout sachant, de consulter tous documents,

- de rechercher le préjudice direct et indirect subi par chacune des trois sociétés franchisées, tant du fait des carences, négligences, et manquement de la société Confort Décor que de la résiliation du contrat de franchise,

- de chiffrer ce préjudice,

- de dresser un rapport,

Condamner en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la société Confort Décor à payer solidairement aux sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises, la somme de 15 000 F chacune, outre les frais d'expertise ;

Intimée, la société Confort Décor conclut à la confirmation du jugement, sauf les dispositions relatives à la clause de non-concurrence concernant la société Vannes Chaises, dont il relève appel incident, elle fait siens les motifs ci-dessus rappelés du Tribunal relatifs à la rupture, et ajoute à cet égard, que sa tolérance après la résiliation avait pour seul but de préserver les intérêts économiques du franchiseur, qui auraient pu être affectés par un désengagement trop brutal, l'intention de rompre étant par ailleurs dépourvue d'équivoque ; qu'il n'a pas existé de manquement du franchiseur à l'origine d'une exonération temporaire de redevance, elle-même imaginaire ;

Qu'en raison de l'étendue et de la durée de son application limitée à cinquante kilomètres et trois ans, la clause, raisonnable dans son énoncé et ses conséquences, destinée à éviter l'utilisation d'un savoir-faire par un concurrent proche, était valable et devait s'appliquer à compter de la cessation d'activité, non encore intervenue...

La société Confort Décor demande en conséquence à la Cour de :

Débouter les sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Confirmer, purement et simplement le jugement déféré en toutes ses dispositions, exception faite de celle par laquelle les premiers juges ont débouté la société Confort Décor de sa demande tendant à voir interdire à la société Vannes Chaises de continuer à gérer et exploiter personnellement ou par personne interposée, une activité de vente de meuble et d'articles d'ameublement et même de s'intéresser, fut-ce indirectement, à une telle activité, et ce dans un rayon géographique de cinquante kilomètres autour de Vannes pendant trois ans, sous astreinte de 30 000 F par infraction constatée,

Condamner in solidum les sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises à payer une somme de 40 000 F à titre de juste indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

INCIDENT :

Par conclusions du 15 mai 1997, la société Confort Décor demande le rejet de la pièce communiquée par les appelantes la veille, postérieurement à la clôture intervenue le 20 mars précédent, en l'absence de cause grave de révocation ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision et aux conclusions déposées ;

MOTIFS :

SUR L'INCIDENT :

Considérant que l'ouverture d'un magasin par l'intimée sous l'enseigne " 4 Pieds " à Brest en remplacement de celui exploité antérieurement par l'une des appelantes, la société Hoty Finistère, ne constituant pas une cause grave de révocation, doit être écarté des débats le document publicitaire produit près de deux mois après l'ordonnance de clôture à établir cette ouverture ;

Qu'en effet selon l'article 783 du nouveau code de procédure civile, " après l'ordonnance de clôture, aucune conclusions ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office " ;

SUR LE FOND :

Considérant que, par acte sous seing privé du 12 novembre 1986, la société Confort Décor, titulaire des droits d'exploitation afférents à la marque " 4 Pieds ", concluait un contrat de franchise avec la société Hoty Finistère pour l'ouverture d'un magasin de vente de meubles à Brest ;

Que les associés de la société Hoty Finistère, ayant créé une SARL, dénommée Kemper Chaises, aux fins d'exploiter à Quimper une activité semblable, la société Confort Décor acceptait verbalement de concéder à cette dernière le droit d'utiliser la même marque et de la faire bénéficier du savoir-faire et de l'organisation de la franchise dans les conditions du contrat précédemment signé avec la société Hoty Finistère ;

Que, par actes sous seing privé du 27 août 1990, la société Confort Décor concluait également un contrat de franchise avec la société Vannes Chaises, contenant en son article 20-3 une clause de non-concurrence ;

Que dirigées par une même personne, les trois sociétés, franchisées, soit par contrat écrit, soit par convention tacite, se trouvaient donc liées dans des conditions identiques avec la société Confort Décor, leur franchiseur ;

Que par lettres recommandées du 25 février 1994, la société Confort Décor, adressait aux trois sociétés une mise en demeure les enjoignant de lui faire parvenir leur bilan au 30 septembre 1993, leur déclaration de TVA des mois de novembre, décembre 1993 et janvier 1994 et de lui régler les redevances restant dues ; que ces injonctions, qui se référaient expressément aux obligations administratives des franchisées relatives aux documents comptables, réclamaient en outre à chacune d'elles les sommes de 80 526,77 F (SARL Vannes Chaises), 1 785,55 F (SARL Kemper Chaises) et 39 491,90 F (SARL Hoty Finistère) ; qu'il y était invariablement mentionné que :

" faute de recevoir les documents et règlements demandés ci avant dans le délai de un mois après cette mise en demeure, nous serons contraints de mettre en œuvre la clause résolutoire prévue à l'article 19 de notre contrat " ;

Que l'article 19 desdits contrats était ainsi conçu :

" le présent contrat de franchise pourra être résilié de plein droit, si bon semble au franchiseur, si le franchisé, sans le consentement du franchiseur, cesse son activité commerciale, transmet le contrat de franchise à un tiers, transforme sa situation juridique "...

Que la simple lecture de cette clause permet de dire qu'elle n'était pas applicable à la non-communication des documents comptables invoqués dans les mises en demeure précitées ;

Qu'en revanche, le paragraphe suivant du même article 19, prévoyait la " résiliation du contrat par l'une ou l'autre des parties, en cas d'inexécution par l'autre de l'une des clauses... et ce un mois après mise en demeure restée sans effet par lettre recommandée avec accusé de réception et précisant l'intention de faire jouer la présente clause résolutoire " ;

Qu'au nombre des clauses contractuelles de rupture par l'autre partie, figuraient expressément le non-paiement de la redevance et le refus de satisfaire aux obligations administratives et publicitaires définies au contrat ;

Considérant que les mises en demeure, dont les termes utiles viennent d'être rappelés, visaient des infractions spécialement prévues comme causes de rupture par l'autre partie ; qu'elles impartissaient un délai d'un mois au destinataire pour exécuter ses obligations ; que l'intention de mettre en œuvre la clause résolutoire en cas d'inexécution était clairement exprimée ; que, contrairement aux affirmations des appelantes, l'expiration du délai d'un mois, sans exécution des clauses visées dans les mises en demeure, faites régulièrement par lettre recommandées, suffisait à rendre effective la rupture annoncée ; que celle-ci aurait en conséquence dû intervenir le 25 mars 1994, un mois plus tard ;

Considérant que, contredisant toutefois sa propre intention de rupture, la société Confort Décor, continuait ses prestations au profit de ses franchisées pendant plusieurs mois ; que, le 8 avril suivant, elle leur annonçait, par la personne de Mme Sicard, leur gérante commune, l'envoi d'un dossier sur la mise en place d'un nouveau concept des magasins ; qu'elle les invitait ainsi à soumettre pour acceptation les plans des fournisseurs en vue d'un chantier de travaux devant durer deux mois ; que le 10 mai 1994, le franchiseur envoyait à ses contractants, les appelantes comprises, un tableau de bord comparatif intégrant leur activité du mois d'avril, postérieure à la date supposée de la rupture, ce document étant lui-même annexé à une lettre adressée à Mme Sicard, invitée en post-scriptum à " bien utiliser les tableaux à partir du mois de mai " ; que les trois magasins concernés ont continué d'être livrés, y compris par les fournisseurs référencés, comme en attestent les bons et factures produits ;

Que ces éléments concordants, qui ne sauraient s'expliquer par la volonté de la société Confort Décor de faciliter le retrait de ces franchisées sans inquiéter la clientèle, révélaient la renonciation, par celle-ci, au bénéfice de la clause résolutoire, de façon non-équivoque ;

Que c'est seulement le 22 décembre 1994 que l'intimée décidait de la rupture définitive, dont elle fixait la date au 1er janvier 1995, soit neuf mois plus tard ;

Qu'il y a donc eu rupture du contrat de franchise à l'initiative du franchiseur, avec effet au 1er janvier 1995 ; que la résiliation du contrat sera donc prononcée ;

Considérant que la rupture a eu pour origine le non-paiement des redevances et le défaut de communication des pièces comptables au franchiseur ; que se trouvaient ainsi invoqués des manquements à des obligations essentielles du contrat de franchise, les redevances, dont le calcul rendait nécessaire la connaissance du chiffre d'affaires des franchisées, constituant la cause même de l'engagement du franchiseur ; que ces violations contractuelles, au demeurant prouvées par les documents versés, ne sont pas contestées dans leur matérialité ; que les appelantes prétendent seulement les justifier par l'inexécution de ses propres obligations par leur cocontractant ; qu'elles soulignent en outre, qu'en raison de ses graves manquements, le franchiseur aurait renoncé conventionnellement à la perception desdites redevances ;

Considérant que si, en effet, le paiement des redevances restait subordonné à l'exécution par le franchiseur de ses propres obligations, il n'est aucune trace de la renonciation de celui-ci à les réclamer ; que la convention invoquée à cet égard, apparaît en fait purement imaginaire ;

Que la preuve manque de ce que la société Confort Décor, tenue d'une obligation du résultat, n'ait pas apporté l'assistance technique prévue à ses franchisées, et de ce que, tenue d'une obligation de moyens, elle n'ait pas fait preuve d'une efficacité suffisante dans l'aide légitimement attendue ;

Considérant que les pièces produites, démontrent que contrairement aux affirmations des appelantes, l'exploitation en franchise de la marque " 4 Pieds ", permettait l'obtention de remises importantes en faveur des commerçants du réseau ; que les exemples isolés fournis par les franchisés, relatifs à des fournisseurs peu importants, vraisemblablement tentés par l'utilisation du réseau à leur profit, ne démentent en rien l'intérêt présenté par le contrat de franchise, dans les liens duquel les appelantes ne seraient pas, autrement, restées respectivement sept, cinq et quatre ans ;

Que les autres manquements ne sont pas davantage établis, puisqu'il se réfèrent à l'inexécution d'obligations n'incombant pas au franchiseur, tel que fourniture d'un système informatique, dont le choix reste en définitive au commerçant concerné ; que les critiques relatives aux campagnes de promotion auxquelles les franchisés étaient elles-mêmes convenues de renoncer, et aux tarifs postaux inapplicables en raison du faible nombre d'envois, sont infondées ;

Que la prise en gestion directe de plusieurs magasins du réseau, ne constitue en rien une faute du franchiseur, ni même l'indice d'une intention dolosive du franchiseur à l'égard de franchisées délibérément fragilisées par lui avant d'être rachetées ;

Qu'il apparaît que ces manquements dont il n'avait jamais été question auparavant pour justifier l'inexécution par les franchisées de leurs obligations essentielles, sont invoquées pour les seuls besoins du présent litige afin de masquer leur défaillance manifeste ;

Considérant que les sociétés Hoty Finistère et Vannes Chaises n'ont pas payé leur redevances, et ont négligé de communiquer les documents destinés à leur calcul; que la société Kemper Chaises a certes réglé les redevances facturées, mais en ne transmettant pas les documents comptables, n'a pas permis la facturation des redevances des mois de novembre, décembre 1993 et janvier 1994, malgré mise en demeure du 25 février 1994 ; qu'aucune des sociétés franchisées n'a profité du délai accordé expressément, puis implicitement, par leur cocontractant commun, pour régulariser sa situation, ni au demeurant, pour justifier de leur inexécution, les arguments en ce sens étant réservés aux juridictions ultérieurement saisies;

Considérant que la résiliation du contrat de franchise devait donc être prononcée aux torts exclusifs des appelantes; que tirant les conséquences de cette rupture, le tribunal a ordonné les mesures de cessation d'exploitation et de restitution qui s'imposaient, en quoi sa décision sera confirmée, les droits d'entrée restant acquis au franchiseur qui a respecté ses obligations ; que la demande reconventionnelle des franchisées, fondée sur des manquements non prouvés, a été justement rejetée ;

Considérant qu'aux termes du contrat de franchise la société Vannes Chaises :

" s'interdit, pendant la durée du présent contrat et pendant une durée de trois ans après sa cessation, pour quelle que cause qu'elle intervienne, de créer, de gérer ou d'exploiter, personnellement ou par personne interposée, une entreprise de vente de meubles et d'articles d'ameublement ou de s'intéresser, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, à une telle entreprise et ce, en raison du savoir-faire transmis par le franchiseur, de la publicité et du rôle de la marque dans la création de la clientèle du magasin...cette obligation de non-concurrence sera toutefois limitée dans la mesure où elle sera postérieure à la cessation du contrat, à la zone ayant cinquante kilomètre de rayon et la ville de Vannes et Lorient pour centre " ;

Que cette convention avait été établie dans la perspective de la création d'un magasin sous l'enseigne franchisée à Lorient ; qu'à défaut d'une telle création, l'interdiction limitée à la ville où la marque " 4 Pieds " s'était effectivement exploitée, concernait exclusivement Vannes ; que ce point est d'ailleurs admis par la société Confort Décor qui poursuit la violation de la clause à Vannes seulement ;

Considérant qu'un clause de non-concurrence, même limitée dans le temps et l'espace, ne doit être ni disproportionnée au regard des clauses du contrat, ni générale, ni absolue, ni avoir pour effet de priver son débiteur de la possibilité d'exercer sa profession ; qu'elle doit en revanche, présenter un caractère indispensable pour la protection de l'entreprise ; qu'il appartient au juge de procéder aux ajustements de la clause, dans le temps et l'espace, rendus nécessaires par la situation concrète et en tenant compte de la fonction qu'elle remplit ;

Que la clause litigieuse dont l'énoncé vient d'être rappelé, se fonde expressément sur le savoir-faire transmis par l'exploitation de la marque " 4 Pieds ", en matière de vente de meubles ; que la limitation dans le temps et dans l'espace se justifiait par la nécessité de protéger l'activité du franchiseur dont le maintien du franchisé dans la même zone de chalandise atteignait manifestement les intérêts légitimes ; qu'elle l'empêcherait en particulier d'y poursuivre de façon rentable l'exploitation de sa marque ; que la durée de trois ans et l'extension à cinquante kilomètres autour de Vannes, dans laquelle l'interdiction était enfermée, constituait une stipulation valable ne compromettant pas l'exercice de son activité par le franchisé, la ville de Lorient, cité plus importante que Vannes dans le département du Morbihan, lui restant accessible ; que l'implantation en ce lieu avait été, d'ailleurs, programmée à l'origine ;

Considérant que cette interdiction prend effet lors de la cessation du contrat, par sa résiliation le 1er janvier 1995 ; que malgré la clause de non-concurrence, la société Vannes Chaises continue d'exploiter la marque " 4 Pieds ", dans le même magasin, et à vendre des meubles ; qu'elle contrevient ainsi clairement à des obligations contractuelles, qui s'imposent à elles jusqu'au troisième anniversaire de la rupture soit le 1er janvier 1998 ;

Qu'elle sera par conséquent enjointe de cesser son activité à Vannes et autour de cette ville ; qu'en raison de la faible durée restant à courir et du fait que la société Confort Décor se réserve de réclamer ultérieurement indemnité, aucune astreinte ne sera fixée ;

Considérant que les sociétés Hoty Finistère, Kemper Chaises et Vannes Chaises, qui succombent, supporteront les dépens ; qu'elles ne peuvent de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que l'équité commande, en revanche, de faire droit, partiellement, à la demande de l'intimée, fondée sur ce texte ;

Par ces motifs, Vu l'article 783 du nouveau code de procédure civile ; Écarte des débats le document publicitaire produit par les appelantes, après l'ordonnance de clôture ; Réforme le jugement ; Prononce aux torts des sociétés appelantes, avec effet au 1er janvier 1995, la résiliation du contrat de franchise passé entre elles et la société Confort Décor ; Constate qu'en violation de la clause de non-concurrence, insérée dans le contrat de franchise la liant avec la société Confort Décor, la société Vannes Chaises se maintient à Vannes depuis le 1er janvier 1995 ; Interdit jusqu'au 1er janvier 1998 à la société Vannes Chaises de gérer et exploiter personnellement ou par personne interposée, une activité de vente de meubles et d'articles d'ameublements, de s'intéresser, fût-ce indirectement, à une telle activité dans un rayon géographique de cinquante kilomètres autour de Vannes ; Donne acte à la société Confort Décor de ce qu'elle se réserve de réclamer indemnité pour la violation de cette clause ; Confirme le jugement en ses autres dispositions frappées d'appel ; Y ajoutant, Déboute les sociétés appelantes de leurs demandes au titre des frais non répétibles ; Condamne celles-ci à payer à la société Confort Décor la somme de 20 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, qui s'ajoutera à celle allouée par les juges ; Condamne les sociétés Hoty Brest, Vannes Chaises et Kemper Chaises aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.