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Décisions

Cass. com., 1 juillet 1997, n° 95-10.338

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Garage Gambetta (SA)

Défendeur :

Total raffinage distribution (SA), Bonnefond

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pasturel (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

Mes Hemery, de Nervo, SCP Peignot, Garreau.

T. com. Paris, 2e ch., du 12 févr. 1991

12 février 1991

LA COUR : - Joint, en raison de leur connexité, le pourvoi n° 95-10.338 formé par la société Garage Gambetta et le pourvoi n° 95-10.353 formé par M. Bonnefond, qui attaquent le même arrêt : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 14 octobre 1994), que, le 7 janvier 1972, la société Garage Gambetta (société Gambetta) a conclu des contrats d'approvisionnements exclusifs en carburants et lubrifiants avec la société Total, assortis de deux prêts sans intérêt remboursables par imputation de ristournes sur les achats de la société Gambetta à la société Total ; que le 7 juin 1974, la société Gambetta a vendu son fonds de commerce aux époux Bonnefond et qu'à cette occasion, d'un côté, les cessionnaires ont repris les engagements de la société Gambetta envers la société Total et, d'un autre côté, la société cédante s'est engagée à payer à la société Total et à première demande de celle-ci, sans bénéfice de division ni de discussion, tout solde non amorti par ses successeurs sur les deux prêts qu'elle avait contractés ; que le 21 mai 1985, la société Total a mis fin aux contrats la liant aux époux Bonnefond ; qu'un arrêt d'appel du 26 mai 1989, devenu irrévocable, a annulé la cession du 7 juin 1974 ; que, le 5 novembre 1989, la société Total a assigné la société Gambetta et M. Bonnefond en remboursement du solde des prêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi formé par la société Gambetta : - Attendu que la société Gambetta reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à rembourser à la société Total le solde des deux prêts, avec intérêts au taux contractuel de 8 % l'an à compter du 7 janvier 1972, en exécution de contrats de prêts et d'approvisionnements exclusifs dont elle demandait de constater la nullité alors, selon le pourvoi, d une part, que le juge doit en toutes circonstances observer lui-même le respect du contradictoire ; que la cour d'appel, en énonçant que la nullité et l'exécution des conventions du 7 janvier 1972 produiraient des effets identiques, pour en déduire qu'il n'était pas nécessaire de s'interroger sur la validité desdites conventions, s'est fondée sur un moyen qu'elle a soulevé d'office ; qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que les restitutions consécutives à l'annulation d'un contrat de prêt et d'approvisionnement exclusif ne peuvent équivaloir aux prestations prévues par ce contrat; qu'en énonçant que la nullité des conventions litigieuses produit les mêmes effets que leur exécution, de sorte qu'il importait peu de rechercher si elles étaient valables ou nulles, la cour d'appel a violé l'article 1234 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que, devant la cour d'appel, la société Total avait fondé ses demandes, à titre principal, sur la validité des contrats d'approvisionnement exclusif ainsi que des contrats de prêts accessoires et, à titre subsidiaire, sur la restitution du solde des sommes prêtées même en cas d'annulation des contrats ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a retenu que la restitution du solde des prêts est due et qu'à cet égard il importe peu que les contrats d'approvisionnement exclusif soient ou non nuls, la société Gambetta s'étant engagée, lors de la cession de son fonds, à verser à la société Total, à première demande de celle-ci, les soldes non amortis des prêts; que, dès lors que le taux d'intérêt applicable n'était pas contesté devant elle, elle a, ainsi, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;

Mais sur le pourvoi formé par M. Bonnefond : - Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu les articles 4 et 954, alinéa 4, du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que, pour infirmer le jugement et condamner in solidum M. Bonnefond avec la société Gambetta à payer à la société Total le montant des soldes non amortis des prêts, l'arrêt retient qu'il appartient à M. Bonnefond de faire juger à l'égard de la société Total " que les conventions initiales étaient nulles et à défaut que la cession du fonds de commerce et ses engagements accessoires l'étaient eux aussi " mais que la cour d'appel " n'est saisie d'aucune demande en ce sens " ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que le jugement, dont la confirmation était poursuivie, retient, dans une rubrique relative aux rapports entre la société Total et M. Bonnefond, que ce dernier n'a jamais été propriétaire du fonds dont la cession a été annulée et que, par suite, ses engagements, y compris ceux relatifs au solde des prêts, sont frappés de nullité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen : - Vu les articles 1234 et 1304 du Code civil ; - Attendu que pour condamner M. Bonnefond à payer à la société Total la somme de 6 000 francs au titre de l'indemnité d'immobilisation du matériel d'exploitation de la station-service mis à la disposition par la société Total, l'arrêt retient que cette dernière a vainement demandé en 1985 et 1986 la restitution de matériels divers mis gratuitement à la disposition de la société Gambetta puis des époux Bonnefond et que l'indemnité d'immobilisation de ce matériel, qu'elle a renoncé à récupérer en raison de sa vétusté, est due par les " seuls cocontractants qui les utilisaient " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en raison de la nullité, opposable à tous, dont la cession est entachée dès l'origine, la société Total n'était pas fondée à obtenir une indemnité correspondant au profit qu'a retiré l'acquéreur de l'utilisation du matériel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi formé par la société Garage Gambetta ; casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Bonnefond à payer à la société Total la somme de 44 056,56 francs, avec intérêts au taux de 8 % à compter du 7 janvier 1972, in solidum avec la société Garage Gambetta, ainsi que celle de 6 000 francs, l'arrêt rendu le 14 octobre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.