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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 4 juillet 1997, n° 1387-97

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prodim (SNC)

Défendeur :

Supercham (SARL), Établissements Ségurel et fils (Sté), Francap Distribution (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gillet

Conseillers :

Mmes Obram-Campion, Bourquard

Avoués :

SCP Lissarague Dupuis, SCP Lambert Debray Chemin

Avocats :

Mes Bednarski, Drouard.

T. com. Pontoise, ord. réf., du 6 janv. …

6 janvier 1997

I-1 Considérant que le 10 juillet 1991 la société Supercham, exploitante d'un fonds de commerce de détail situé à Bouffemont, a signé avec la société Prodim un contrat de franchise pour utilisation de l'enseigne " Shopi " et stipulant, dans son article 8 : " À la fin du présent accord ou en cas de rupture de celui-ci et qu'elle que soit la partie qui en est l'origine, le franchisé s'oblige ... à ne pas utiliser ... durant une période de trois ans à compter de la date de résiliation du présent contrat, une enseigne de renommée nationale ou régionale déposée ou non et de ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes (marques propres), ceci dans un rayon de cinq kilomètres du magasin Shopi faisant l'objet du présent accord " ;

I-2 Considérant que le 3 novembre 1995, il a été constaté que la société Prodim avait fait déposer l'enseigne Shopi et avait installé sur son fonds l'enseigne " Coccinelle " ; qu'était également constatée la mise en vente, dans le magasin, de produits de la marque " Bellefrance ", dont un responsable du magasin indiquera à l'huissier instrumentaire qu'ils étaient " réservés à la marque Coccinelle ", et de produits des marques " Fruquis ", " Chaville " et " Premiers Prix ", dont le même responsable dira qu'ils étaient " exclusivement réservés aux supermarchés Shopi " ;

I-3 Considérant que le 10 septembre 1996 la société Prodim, tenant l'apposition sur le fonds de l'enseigne Coccinelle pour trouble manifestement illicite au regard du contrat, a fait assigner la société Supercham et la société des Établissements Ségurel, titulaire présumé de la marque Coccinelle, pour que soit ordonnée sous astreinte l'enlèvement de cette enseigne ; que le 22 octobre 1996 elle a appelé en cause la société Francap Distribution, tenue en définitive pour propriétaire de la marque ; que par ordonnance du 6 janvier 1997, le juge des référés du Tribunal de commerce de Pontoise a rejeté cette demande et une demande de communication de pièces également formée par la société Prodim et concernant les actes ayant conduit à l'apposition de l'enseigne ;

II -

II-1 Considérant que la société Prodim, appelante, réitère sa demande d'enlèvement de l'enseigne Coccinelle, sous astreinte de 100 000 F par jour ; qu'elle demande que l'injonction à adresser à cet effet à la société Supercham soit déclarée commune aux sociétés Ségurel et Francap Distribution ; qu'elle demande qu'il soit enjoint à la société Francap Distribution de produire sous astreinte les actes ayant permis l'apposition d'enseigne et la commercialisation des produits mentionnés plus haut, de même que ceux " permettant à un ou plusieurs distributeurs d'exploiter la marque Coccinelle sur la région parisienne " ; qu'elle sollicite une somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

II-2 Considérant que la société Supercham conclut à la confirmation de l'ordonnance, avec constatation de ce que la clause de non-concurrence aurait " pris fin depuis le mois de novembre 1996 " et au renvoi des parties devant une juridiction arbitrale déjà constituée ; qu'elle sollicite une somme de 10 000 F pour frais hors dépens ;

II-3 Considérant que la société Francap Distribution conclut à la confirmation de l'ordonnance et sollicite une somme de 5 000 F pour frais irrépétibles ;

II-4 Considérant que la société des Établissements Ségurel conclut à la confirmation du jugement et sollicite une somme de 10 000 F pour frais hors dépens ;

III -

III-1 Considérant que le premier juge, pour refuser de tenir l'apposition de cette enseigne pour trouble manifestement illicite, a notamment relevé que la clause de non-concurrence citée au paragraphe I-1 ci-dessus et invoquée interdisait l'utilisation d'une enseigne de renommée nationale ou régionale, ce que n'était pas l'enseigne Coccinelle ;

III-2 Considérant qu'à l'appui de son appel, la société Prodim, qui développe par ailleurs des moyens relatifs à la validité de la clause tout en soutenant que le contrat de franchise est toujours en vigueur faute de respect des dispositions relatives à sa résiliation, fait valoir que l'enseigne Coccinelle " jouit d'une renommée suffisante " au sens de la même clause ; qu'elle ajoute, prospectus publicitaires à l'appui, que cette renommée est non seulement régionale mais nationale au travers de différentes appellations incluant le vocable de Coccinelle ; qu'elle précise qu'une revue professionnelle a recensé pour 1996, 550 magasins reprenant la même enseigne ;

III-3 Mais considérant que l'objet de la clause était de garantir le franchiseur contre les agissements d'un ex-franchisé qui dévierait au profit d'une enseigne concurrente le savoir-faire et la notoriété acquis au moyen de la franchise, la " renommée " d'une enseigne au sens de la même clause doit s'entendre d'une notoriété ou d'une connaissance dans l'esprit du consommateur, à un point tel que le même consommateur serait porté à créditer la nouvelle enseigne des aptitudes ou qualités jusque là prêtées à l'ancienne et que la clientèle ralliée à cette enseigne soit, sans retenue liée à une inférieure notoriété, portée à se rallier à la nouvelle enseigne ; que cela implique, en bon sens, une appréciation, en valeur absolue et de façon comparative, des échos trouvés par la nouvelle enseigne, au moment où elle est apposée, dans l'esprit d'un consommateur moyen, échos à rechercher, pour respecter les termes du contrat, au niveau national et à défaut au niveau régional ;

III-4 Considérant qu'il n'est pas possible de tenir pour suffisants à une telle recherche le nombre des enseignes implantées ou les mentions qu'en fait une revue professionnelle ; que les éléments fournis ne permettent donc pas de tenir la " renommée " prêtée à l'enseigne Coccinelle pour établie de façon manifeste au niveau national ou régional au point que soit manifestement illicite au regard de la clause de non-concurrence le trouble lié au fait, pour la société Supercham, de l'avoir apposée; que le premier juge doit être approuvé d'avoir rejeté la demande de la société Prodim, observation devant être faite d'une part que la rupture des relations de franchise est évidemment consommée par le changement d'enseigne et d'autre part que l'analyse ainsi faite dispense la Cour, juge des référés, de toute appréciation de la validité, amplement discutée par ailleurs, de la clause dont s'agit ; que perd tout intérêt, des suites de la même analyse, la question de savoir si les marques commercialisées sont ou non " liées " à l'enseigne Shopi au sens de la clause ; qu'il appartiendra aux parties de débattre plus amplement de leur litige au fond, et notamment devant la juridiction arbitrale effectivement constituée en application du contrat ;

IV -

Sur le surplus du litige :

IV-1 Considérant que le rejet de la prétention à enlèvement de l'enseigne, conséquence d'une absence de trouble manifestement illicite, commande de rejeter la demande de communication de documents motivée par l'imputation d'une telle illicéité ;

IV-2 Et considérant que l'ordonnance devant être confirmée et les prétentions présentées en sus devant la Cour devant être rejetées, les données de la cause ne font ressortir aucun motif particulier d'équité autorisant une application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme l'ordonnance entreprise ; Dit n'y avoir lieu à plus ample référé ; Condamne la société Prodim aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Lambert Debray Chemin, avoués ; Dit n'y avoir lieu à allocation d'une somme quelconque pour frais hors dépens.