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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 4 septembre 1997, n° 95-3763

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mac Cold (SA), Coq'In (SARL)

Défendeur :

Distribution Commerciale (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beraudo

Conseillers :

M. Baumet, Mme Comte

Avoués :

SCP Perret, Pougnand, SCP Calas, Balayn

Avocat :

Me Spinella.

T. com. Grenoble, du 17 févr. 1995

17 février 1995

Attendu que le jugement déféré a condamné la société Mac Cold, mandant, à payer à la société SDC, agent commercial, la somme de 46 764,15 F en principal, à titre de commission et a débouté la société SDC de sa demande de dommages et intérêts pour rupture illégitime du contrat d'agence commerciale ;

Attendu que les sociétés Mac Cold et Coq'In concluent ainsi qu'il suit :

" Plaise à la Cour

I - Rappel des faits et de la procédure

La Société Mac Cold est appelante d'un jugement du Tribunal de commerce de Grenoble en date du 17 février 1995 qui a:

- condamné Mac Cold à payer à SDC la somme de 46 764,15 F majorée des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement,

- prononcé la résiliation du contrat d'agent commercial du 19 mars 1992,

- dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires au présent jugement, les en a déboutées,

- condamné Mac Cold à payer à SDC, la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens de la procédure.

La Cour réformera le jugement pour les motifs exposés ci-dessous.

Le 19 mars 1992, un contrat d'agent commercial à durée indéterminée a été signé entre la société Mac Cold et la SARL SDC.

Aux termes de ce contrat, la société SDC en sa qualité de mandataire s'obligeait à procéder à la présentation des produits distribués par la société Mac Cold, suivant une liste figurant en annexe et à conclure les contrats de vente dans le secteur précisé dans la même annexe.

Il était précisé au § 7-2 que le droit à la commission n'était définitivement acquis par le mandataire qu'après acceptation des ordres par le mandant, livraison des marchandises objet de ces ordres, et règlement des factures les concernant et ce, au fur et à mesure des encaissements ou au prorata de ceux-ci.

La société Mac Cold rencontrait d'énormes difficultés à encaisser les ventes réalisées par son mandataire et, malgré l'intervention d'un organisme de recouvrements, la plupart des factures devaient rester impayées.

Le 8 novembre 1993, un incendie détruisait entièrement les locaux de la société Mac Cold, entraînant le chômage technique de la totalité du personnel et des dégâts considérables s'élevant à une dizaine de millions de francs.

La société SDC en était informée par courrier recommandé le 24 février 1994.

Le 26 avril 1994, la société SDC déposait une requête auprès de Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Grenoble, aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe la société Mac Cold.

Elle l'assignait le 16 mai 1994 en demandant au Tribunal de Commerce de constater la résiliation du contrat de mandat à ses torts exclusifs, de la condamner à lui payer la somme de 58 688,15 F au principal au titre des commissions restant dues, et celle de 250 000 F à titre d'indemnité de résiliation, outre 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Le Tribunal rendait alors le jugement dont appel.

II- Discussion

A- Sur les commissions réclamées par la SDC

Le recours à un intermédiaire de profession doit donner de sérieuses garanties, sinon il ne se justifie pas, comme l'observe la doctrine (cf. Jurisclasseur, fasc. 1240, n° 122 in fine).

C'est pour cela que la Jurisprudence apprécie avec une rigueur toute particulière, le comportement de l'agent.

Ainsi, l'agent est responsable de l'inexécution des engagements pris par le cocontractant dès lors qu'elle peut être imputée à sa négligence ou à son manque de précaution.

Il est clair en l'espèce que la société SDC a failli dans ses obligations à l'égard de la société Mac Cold.

En effet, la concluante a versé à la procédure les factures de la société de recouvrements à laquelle elle a été contrainte de s'adresser qui s'élèvent au total à plus de 20 000 F.

Il s'est avéré que la plupart des créances étaient irrécouvrables.

En conséquence, non seulement la société SDC ne peut, du fait de l'article 7-2 du contrat, solliciter de commissions sur les factures non encaissées, mais elle a aussi engagé sa responsabilité à l'égard de son mandant.

A titre de dommages et intérêts, elle devra se voir être privée du droit à percevoir la moindre commission sur le fondement de ce contrat.

B- Sur la résiliation du contrat d'agent commercial et sur l'indemnité de résiliation

Suite au courrier en date du 24 février 1994 de la société Mac Cold, la société SDC a cru pouvoir demander au Tribunal de prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société Mac Cold.

Il est important de souligner ici que la société SDC n'a pas sollicité la résiliation du contrat d'agent commercial en raison du sinistre intervenu dans les locaux de la société Mac Cold, mais au prétexte des commissions qui ne lui auraient pas été payées.

En agissant de la sorte, la société SDC a agi de manière abusive.

En effet, elle a prétendu ensuite dans la procédure, ne pas être au courant des difficultés qu'avait la société Mac Cold à recouvrer les factures qu'elle lui avait adressées, avant le 24 février 1994.

Or, il ressort précisément de ce courrier que, auparavant, les deux sociétés avaient eu de nombreux entretiens, sans que cela soit formalisé par des correspondances écrites, ce qui est courant en matière commerciale.

En conséquence, et dès lors qu'elle savait ne pas avoir droit à ces commissions, la société SDC a agi de manière abusive en diligentant de manière prématurée une telle procédure.

Elle devra être condamnée en conséquence en raison du préjudice subi du fait de la rupture à allouer à la société Mac Cold une indemnité qui ne saurait être inférieure à 50 000 F.

En toute hypothèse, si la Cour n'estimait pas devoir prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société SDC, elle confirmerait le jugement en ce qu'il a décidé que l'incendie intervenu dans les locaux de la société Mac Cold, était une cause de résiliation pour cas de force majeure et que dans cette hypothèse, aucune indemnité ne pouvait être due au mandataire.

Elle allouera la somme de 10 000 F à la société Mac Cold sur le fondement de l'art. 700 du NCPC et condamnera la même aux entiers dépens de la procédure.

Par ces motifs, Voir déclarer recevable et bien fondé l'appel de la société Mac Cold ; Voir réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Grenoble en date du 19 février 1995 ; Voir constater que la société SDC a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Mac Cold et voir dire en conséquence qu'elle a perdu tout droit à percevoir des commissions sur le fondement du contrat d'agent commercial en date du 19 mars 1992 ; Voir constater que la société SDC a sollicité de manière abusive la résiliation du contrat d'agent commercial et en conséquence la voir condamner à allouer des dommages et intérêts à la société Mac Cold qui ne pourront être inférieurs à la somme de 50 000 F ; Voir constater en toute hypothèse que la société Mac Cold ne saurait être condamnée à allouer une indemnité de résiliation à son mandataire en raison de l'incendie intervenu dans ses locaux, constitutif de force majeure ; Voir condamner la société SDC à allouer à la société Mac Cold, la somme de 10 000 F au titre de l'art. 700 du NCPC ; Voir condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire que ceux d'appel seront recouvrés par la SCP Perret & Pougnand, conformément aux dispositions de l'art. 699 du NCPC ; Sous toutes réserves. "

Attendu que la société SDC conclut ainsi qu'il suit :

Attendu la SA Mac Cold a cru bon de relever appel du jugement du Tribunal de commerce de Grenoble, en date du 17 février 1995, aux termes duquel elle était condamnée à payer à la concluante la somme de 46 764,15 F, majorée des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement.

Que cette décision prononçait en outre la résiliation du contrat d'agent commercial en date du 19 mars 1992, et déclarait les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires au présent jugement et les en déboutait.

Que la SA Mac Cold était enfin condamnée à payer à la SARL Distribution Commerciale la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Attendu qu'il conviendra de confirmer parte in qua la décision déférée.

Discussion

Attendu qu'il n'est pas dénué d'intérêt de rappeler que suivant convention en date du 19 mars 1992, il était convenu et arrêté entre les parties un contrat d'agent commercial, pour une durée indéterminée, aux termes duquel la société SDC devait assurer la présentation et la mise en vente des produits distribués par la société Mac Cold, moyennant une commission sur les affaires réalisées dans le secteur défini.

Attendu cependant que la société Mac Cold, ne s'acquittait plus du règlement des commissions dues à la concluante, depuis le mois de juillet 1993, et ce en dépit de diverses mises en demeure dans un premier temps verbales puis par courriers notamment des 31 janvier et 24 février 1994.

Attendu qu'au 31 janvier 1994 Mac Cold était redevable à SDC d'une somme totale de 58.688,15 FR8 au titre des commissions des mois de juillet, août et septembre 1993, suivant le décompte ci-après :

- juillet 1993 : Facture n° 44/3 : 24 644,80 F

- août 1993 : Facture n° 45/3 : 28 447,71 F

- septembre 1993 : Facture n° 50/93 : 5 595,64 F

Total : 58.688,15 F

Attendu que c'est dans ces conditions que la société SDC était contrainte d'attraire l'appelante par devant le Tribunal de commerce de Grenoble, aux fins de l'entendre condamner à lui payer :

- d'une part la somme susdite au titre des commissions, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 janvier 1994,

- ainsi que la somme de 250 000 F à titre d'indemnités de résiliation du contrat litigieux,

- et 5.000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Attendu que par jugement en date du 17 février 1995, la Cour d'appel de Grenoble condamnait Mac Cold à payer à SDC la somme de 46 764,15 F majorée des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement, et prononçait la résiliation du contrat d'agent commercial du 19 mars 1992.

Attendu, d'une part, que pour réduire la demande de dommages-intérêts, les premiers juges ont tenu compte des justificatifs des impayés produits par Mac Cold aux débats.

Attendu, d'autre part, que le Tribunal de commerce a cru bon de retenir que l'incendie ayant détruit partiellement les locaux de Mac Cold présentent la qualité de " force majeure ", lui interdisant de poursuivre ses obligations.

Qu'en conséquence, la résiliation du contrat a été prononcée, la concluante étant pour sa part déboutée de sa demande d'indemnité pour résiliation fautive.

1° Sur les commissions :

Attendu que certaines des commandes passées par SDC se seraient heurtées à des difficultés de paiement, sa responsabi1ité de mandataire serait engagée au point qu'elle devrait être privée du droit à percevoir la moindre commission sur le fondement de ce contrat.

Attendu que cette thèse nouvelle ne résiste pas à l'analyse.

Attendu en effet que tout au long de leur collaboration depuis, le 19 mars 1992, la société SDC a enregistré de très nombreuses commandes au profit de la société Mac Cold, lesquelles ont pu quelquefois être émaillées d'incidents de paiement dans des proportions que justifient les difficultés de la conjoncture économique actuelle.

Attendu que Mac Cold était bien loin d'engager sa responsabilité de mandataire quand elle lui écrivait le 24 février 1994 :

" Nous apprécierions que vous nous confirmiez votre désir de reprendre des relations commerciales normales avec nous, dès que nous serons en mesure de fonctionner à nouveau, c'est à dire dans les six mois environ. "

Attendu que la nouvelle version donnée par la société Mac Cold de ses relations avec la concluante est contredite totalement par les termes de son propre courrier.

Qu'il y aura lieu en conséquence de la condamner au paiement de la somme de 46.764,15 F majorée des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement.

2° Sur l'indemnité de rupture :

Que les difficultés enregistrées par la société Mac Cold sont largement postérieures à l'incendie dont elle prétend avoir été victime, sans apporter de justifications de son ampleur ni de sa situation actuelle.

Que force est de constater que celui-ci s'est révélé sans influence sur la rupture des relations contractuelles.

Qu'il y aura lieu par voie de conséquence de faire droit à la demande de la concluante.

Par ces motifs, Confirmer le jugement entrepris parte in qua ; Condamner en outre la société Mac Cold au paiement de la somme de 250 000 F à titre d'indemnités de rupture du contrat du 19mars 1994 ; La condamner au paiement de la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Sous toutes réserves ".

Attendu que la société Coq'In qui absorbé la société Mac Cold intervient volontairement au procès et fait siennes les conclusions antérieures de la société Mac Cold ;

Sur ce :

Attendu, sur les commissions réclamées par la société SDC, que l'article 7-2 du contrat d'agent commercial stipule ceci :

" 7.2. - Le droit à la commission n'est définitivement acquis par le mandataire qu'après acceptation des ordres par le mandant, livraison des marchandises objet de ces ordres et règlement des factures les concernant et ce, au fur et à mesure des encaissements ou au prorata de ceux-ci.

Il ne peut être dû aucune commission sur les commandes acceptées et non livrées ou non encaissées pour quelque cause que ce soit.

Les commissions sont dues mensuellement sur toutes les affaires menées à bonne fin. "

Que dans la mise en œuvre de cette stipulation, il appartient au mandant, seul destinataire des paiements, de justifier qu'une commande n'a pas été payée pour refuser le droit à la commission ;

Que la société Mac Cold justifie qu'elle n'a pas été payée :

- de 43 325,49 F par la SARL Rascle,

- de 5 674,73 F par Cash Surgelé,

- de 5 394,03 F par Cash surgelé,

- de 750 F par Soprogel,

- de 1 839,23 F par Soprogel,

- de 9 277,31 F par Soprogel, Cash Surgelé et SARL Rascle,

- de 43 745,66 F par Force 5,

- de 1 000 F par Bandol Distribution,

- de 742,58 F par Rascle,

- de 474,13 F par Rascle,

- de 1.216,71 F par Rascle,

- de 112.025,64 F par Bandol Distribution ;

Attendu que les pièces ont été communiquées à la société SDC ;

Que celle-ci n'indique pas au vu de ces preuves d'impayés le solde de commissions qui lui serait dû ;

Qu'elle ne contredit donc pas utilement les affirmations prouvées de la société Mac Cold que rien ne lui est dû ;

Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu de réformer le jugement et de débouter la société SDC de sa demande de commissions ;

Attendu, sur la rupture du contrat d'agent commercial, qu'il est constant entre les parties que les locaux de la société Mac Cold ont été détruits par un incendie le 8 novembre 1993 ; Que le 24 février 1994, la société Mac Cold a adressé à la société SDC la lettre suivante :

" Monsieur,

" Nous faisons suite à nos divers entretiens.

" Sachant que notre outil de production a été entièrement sinistré dernièrement, il ne nous sera malheureusement pas possible de satisfaire les commandes pour la saison 94.

" L'intervention trop lente des assureurs, ne nous met pas en mesure de redémarrer avant plusieurs mois, ce que nous regrettons vivement.

" Nous apprécierions, que vous nous confirmiez votre désir de reprendre des relations commerciales normales avec nous, dès que nous serons en mesure de fonctionner à nouveau, c'est à dire dans les six mois environ.

" Dans l'attente,

" Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments distingués ".

Que le 16 mai 1994, la société SDC a sollicité la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts de la société Mac Cold ;

Que La Cour fait siens les motifs du jugement qui a qualifié l'incendie des locaux de la société Mac Cold de cas de force majeure ;

Qu'elle juge que la société Mac Cold a pu à bon droit suspendre l'exécution du contrat d'agent commercial ;

Qu'elle déboute donc la société SDC de sa demande de dommage et intérêts ;

Qu'il est de fait que la société SDC a refusé de reprendre l'exécution du contrat lorsque la société Mac Cold a pu fabriquer à nouveau des produits que la société SDC devait présenter conformément au contrat du 19 mars 1992;

Que la rupture du contrat est donc imputable à la société SDC ;

Que la Cour chiffre à 10.000 F le préjudice subi par la société Mac Cold du fait de cette rupture ;

Attendu, sur la somme de 10.000 F réclamée par la société Mac Cold au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, que la Cour observe qu'elle est égale à la somme demandée par la société SDC du même chef ; Qu'elle correspond donc au coût du procès ; Que la Cour y fait droit ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Reforme partiellement le jugement déféré ; Juge que les sociétés Mac Cold et Coq'In ont fait la preuve que les commandes, prises par la société SDC n'ont pas été payées ; Déboute, en conséquence, la société SDC de sa demande de commissions ; Juge que l'incendie des locaux a été pour la société Mac Cold un cas de force majeure l'autorisant à suspendre l'exécution du contrat d'agent commercial ; Constate que la société SDC a refusé de reprendre son activité ; Juge que la rupture du contrat lui est imputable ; La condamne à payer à la société Coq'In 10 000 F (dix mille francs) à titre de dommages et intérêts ; La condamne à payer à la société Coq'In 10 000 F (dix mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens dont distraction au profit de la SCP d'avoués Perret et Pougnand.