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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 10 septembre 1997, n° 667-96

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Dombret Becq (SARL)

Défendeur :

Boizard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lambremon-Latapie

Conseillers :

M. Mahieux, Mme Rouvière

Avoués :

SCP Genet-Braibant, SCP Chalicarne-Delvincourt-Jacquemet

Avocats :

Mes Blocquaux, Reveilhac de Maulmont.

T. com. Charleville-Mézières, du 30 janv…

30 janvier 1996

LA COUR :

Vu l'appel formé par la SARL Dombret Becq à l'encontre d'un jugement rendu le 30 janvier 1996 par le Tribunal de Charleville-Mézières qui :

- lui a donné acte de règlement de 836,35 F pour solde dû à la société Boizard ;

- dit que le taux de commissions de cette société s'élève à 5 % et qu'elle bénéficie du principe d'une indemnisation pour rupture abusive du contrat ;

- a renvoyé l'affaire devant un de ses magistrats pour tenter une conciliation après production par la société Boizard des documents justifiant des ventes et du montant du chiffre d'affaires réalisé pour le compte de l'appelante pour les années 1991 à 1995 comprises.

Faits et procédure :

Le 1er janvier 1988, la société Dombret Becq confiait à la société Boizard la représentation commerciale de sa société auprès de la SNCF sur la base d'une rémunération de 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé,

Par lettre du 23 février 1993 elle demandait à la SA Boizard de lui envoyer chaque semaine diverses informations,

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 janvier 1994, elle avisait la SA Boizard de ce qu'elle réduisait le montant de sa commission sur les affaires SNCF à 1 %, lui rappelant par ailleurs les termes du courrier précédent et, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 1994, elle mettait fin à ses relations commerciales avec la SA Boizard à effet du 31 octobre 1994 pour les commandes SNCF,

Assignée en référé, la société Dombret Becq remettait à la société Boizard un acompte provisionnel de 13 542 F HT (13 954 F TTC) et par ordonnance du 6 avril 1995, les parties étaient renvoyées à mieux se pourvoir en raison d'une contestation sérieuse,

Le 2 mai 1995, la SA Boizard assignait la SARL Etablissements Dombret Becq en paiement de :

- 49 816,95 F HT, somme portée à 135 968,08 F TTC par conclusions, au titre de rappel de commissions, déduction faite du versement intervenu,

- 50 000 F de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 200 000 F au titre de la résiliation abusive du contrat de mandat d'intérêt commun,

- 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le 5 mars 1996, le magistrat désigné par le Tribunal de commerce réunissait les parties : la SA Boizard remettait les documents demandés,

La société Dombret indiquait faire appel du jugement et son gérant quittait les lieux, appel relevé le 5 mars 1996,

Moyens des parties :

La SA Boizard demande au titre :

- du rappel sur commissions à 169 391,65 HT,

- des dommages et intérêts pour rupture abusive à 282 466,66 F arrondis à 282 500 F,

- du préavis : 70 616 F HT.

Elle sollicite en outre la somme 50 000 F de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement et appel abusif, ainsi que 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et les intérêts au taux légal à compter du 10 mars 1995 sur l'ensemble des sommes réclamées avec capitalisation des intérêts à compter du 12 décembre 1996,

Elle fait valoir que s'il peut être mis fin à un contrat à durée indéterminée sans motif, la résiliation ne doit pas cependant intervenir de façon trop brutale, ce qui caractérise un abus dans l'exercice de ce droit, comme en l'espèce où non seulement, elle a été mise devant le fait accompli, mais encore avec un préavis rétroactif,

La société Dombret Becq conclut à l'infirmation du jugement et s'oppose aux demandes de l'intimée soutenant que :

- celle-ci aurait accepté une modification du taux de ses commissions en ne répondant pas au courrier du 4 janvier 1994,

- elle était libre de résilier le contrat à tout moment et l'a fait tant en raison du manque de diligence de la société Boizard qui n'a pas tenu compte de sa lettre du 22 février 1993, que pour ses résultats décevants,

ce que conteste cette dernière,

- le délai de préavis ne s'imposait pas dans la mesure où il résulte de l'article 11 al. 3 de la loi du 25 janvier 1991, texte postérieur au contrat soumis aux dispositions du décret du 23 décembre 1958 qui n'en prévoyait pas.

Elle sollicite 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 1997.

Sur quoi :

Attendu que c'est par des motifs pertinents, que la Cour adopte, que le Tribunal a considéré que :

- la lettre du 4 janvier 1994 réduisant le taux des commissions ne valait pas preuve de l'accord des parties sur cette réduction de la rémunération de l'agent commercial, contredite qu'elle était par le fax de la société Boizard du 15 décembre 1994, le silence gardé pendant quelques mois ne pouvant nullement s'interpréter comme un accord en l'absence de tout précédent entre les parties tant sur une modification de taux qui se serait opérée de cette façon que sur l'acceptation par la société Boizard du paiement d'une commission sur la base de 1 %,

- aucune faute n'est établie à l'encontre de la société Boizard en l'absence de toute clause fixant un objectif à réaliser;

Attendu qu'il ne peut pas plus être valablement reproché à la société Boizard un manque d'information hebdomadaire que la société Dombret Becq a tenté de lui imposer en cours de contrat sans l'informer des conséquences éventuelles qu'elle entendait en tirer ;

Attendu en effet que la faute privative d'indemnité s'entend d'une faute grave consistant dans un manquement caractérisé à une obligation essentielle découlant du contrat et en rendant la continuation impossible, qu'en l'espèce une telle faute n'est pas caractérisée;

Attendu dès lors que c'est à bon droit que le tribunal a retenu le taux de 5 % comme montant des commissions et le principe d'une indemnisation pour rupture abusive;

Attendu que la SA Boizard a produit les documents réclamés par le tribunal, que le montant de ses demandes au titre des commissions comme des dommages intérêts pour rupture abusive du contrat ne fait l'objet d'aucune remarque, ni contestation par l'appelante ; que dès lors, il sera fait droit aux demandes de ces chefs ;

Attendu qu'en cause d'appel la société Boizard a chiffré une demande d'indemnité de préavis ;

Attendu qu'une telle indemnité n'était pas prévue par le décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958 applicable au contrat conclu antérieurement à la loi 91-593 du 25 juin 199, qu'il n'y a pas été suppléé par une clause contractuelle ; que dès lors, la demande de ce chef est injustifiée ;

Attendu que la société Boizard ne précise pas en quoi la résistance au paiement de l'appelante et l'exercice du droit d'appel lui ont causé un préjudice distinct de celui qui sera réparé par l'octroi :

- d'intérêts moratoires au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 mars 1995 mais uniquement sur le principal,

- d'une somme de 15 000 F pour frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de lui laisser supporter ;

Attendu que sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement et appel abusif sera donc rejetée ;

Attendu par contre qu'il sera fait droit à sa demande de capitalisation des intérêts à compter du 12 décembre 1996 en application de l'article 1154 du Code civil ;

Par ces motifs : Déclare recevable et mal fondé l'appel de la SARL Dombret Becq ; Confirme le jugement rendu le 30 janvier 1996 par le Tribunal de commerce de Charleville-Mézières en toutes ses dispositions ; Condamne la SARL Dombret Becq à payer à la SA Boizard : - cent soixante mille trois cent quatre vingt onze francs et soixante cinq centimes (163 391,65 F) à titre de rappel de commissions au taux de 5 % ; - deux cent quatre vingt deux mille cinq cent francs (282 500 F) de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 1995 avec capitalisation des intérêts à compter du 12 décembre 1996, - quinze mille francs (15 000 F) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette la demande d'indemnité de préavis ; Condamne la société Dombert Becq aux dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Chalicarne Delvincourt Jacquemet, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.