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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 17 septembre 1997, n° 95-0001920

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Karlsbrau France(SA)

Défendeur :

Métayer

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guichard

Conseillers :

MM. Armingaud, Blanc-Sylvestre

Avoués :

SCP Touzery-Cottolorda, Me Rouquette

Avocat :

SCP Coste.

TGI Montpellier, du 13 déc. 1994

13 décembre 1994

Faits et procédure :

La SARL Karlsbrau France a relevé appel le 1er mars 1995, d'un jugement en date du 13 décembre 1994 rendu par le Tribunal de grande instance de Montpellier, dont l'exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens antérieurs des parties sont adoptés, qui a statué en ces termes :

Vu les jugements des 31 mars 1992, 29 juin 1993 et 7 décembre 1993,

Vu l'absence de production par la SARL Karlsbrau des pièces demandées,

Vu les pièces jointes,

Ecarte des débats les conclusions déposées par la SARL Karlsbrau le 26 septembre 1994 ; Vu l'article 1131 du code civil,

Déclare nulle la convention du 25 novembre 1985 ;

Déboute la SARL Karlsbrau de toutes ses demandes ;

La condamne à payer à Michel Métayer les intérêts au taux légal sur la somme saisie arrêtée entre le 5 septembre 1988 et le jour effectif de la mainlevée opérée ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

La condamne en outre à lui payer cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la SARL Karlsbrau aux dépens.

L'appelante a demandé à la Cour d'infirmer,

De condamner Michel Métayer à lui payer la somme de 87 224,94 F, avec les intérêts de droit à compter du 5 septembre 1988,

Pour assurer le recouvrement de ladite somme,

De déclarer bonne et valable la saisie-arrêt formée entre les mains de Maître Henri Cavalie, notaire, suivant exploit en date du 5 septembre 1988,

De dire, en conséquence, que les sommes dont le tiers-saisi se reconnaîtra ou sera jugé débiteur envers lui, seront versées par lui entre les mains de l'appelante en déduction et jusqu'à concurrence du montant de la créance en principal, intérêts et frais,

De condamner Michel Métayer à payer une indemnité de 6 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

De condamner Michel Métayer aux entiers frais et dépens des deux instances.

La société Karlsbrau France a repris son argumentation de première instance, et notamment, a fait valoir que, par le contrat de bière du 25 novembre 1988, elle a consenti à Michel Métayer un avantage financier d'un montant total de 16 435,04 F ;

Que la convention est claire et compréhensible ;

Que l'avantage de 15 000 F était accordé à fonds perdus, sous forme d'avance sur ristourne forfaitaire ;

Qu'ainsi, au lieu d'accorder des ristournes au fur et à mesure des approvisionnements, elle a accordé d'avance et forfaitairement, quelles que soient les livraisons, une somme ni révisable ni remboursable, de 15 000 F ;

Que ces 15 000 F ont été versés irrévocablement le 28 novembre 1985 ;

Que la preuve de la pose de l'enseigne lumineuse résulte des attestations de MM. Chapel, Caumel et Serre ;

Qu'en l'état de la saisie-arrêt sur le prix de vente du fonds de commerce, une mise en demeure préalable n'était pas nécessaire, Michel Métayer n'étant plus exploitant depuis septembre 1988 ;

Qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir fait pratiquer cette saisie-arrêt et d'en avoir demandé la validation ;

Que le contrat a bien une cause, à savoir un approvisionnement exclusif et un service de qualité, avec un avantage financier accordé au fourni, qui lui a permis d'acquérir immédiatement les biens d'équipement.

Michel Métayer a demandé à la Cour de confirmer le jugement,

De condamner l'appelante à 20 000 F de dommages et intérêts, 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, aux entiers dépens.

Il a maintenu que, par jugement en date du 29 juin 1993, non frappé par le présent appel, le Tribunal de grande instance de Montpellier a déclaré nulle la saisie-arrêt et ordonné sa mainlevée ;

Que la convention du 25 novembre 1995, spécialement la clause accordant un avantage au fourni, est léonine ;

Qu'en effet, rien ne permet de savoir à partir de quel degré de livraison l'avance sur ristourne de 15 000 F sera amortie, à partir de quel montant le fourni bénéficiera de réelles ristournes sur les livraisons ;

Que l'allégation de l'appelante selon laquelle l'avance forfaitaire sur ristourne de 15 000 F serait à fonds perdus, est contredite par le fait que cette somme était visée dans celles faisant l'objet de la saisie-arrêt ;

Qu'ainsi donc, son obligation était dépourvue de cause précise ;

Que les attestations qu'il verse aux débats, contraires en fait à celle de l'appelante, établissent que l'enseigne lumineuse n'a pas été livrée ;

Que la mise en demeure, préalable nécessaire de la procédure de saisie-arrêt, n'a pas été envoyée ;

Que cette saisie-arrêt, annulée par le jugement du 29 juin 1993, lui a occasionné des difficultés pécuniaires de tous ordres.

Sur ce,

Attendu, sur la demande de la société Karlsbrau France, tendant à ce que, par infirmation du jugement du 13 décembre 1994, soit déclarée bonne et valable la saisie-arrêt pratiquée par exploit de Maître Lacaze, huissier de justice à Clermont-l'Hérault, en date du 5 septembre 1988, entre les mains de Maître Cavalie, notaire à Saint-Pargoire, qu'à bon droit, Michel Métayer fait valoir que cette saisie-arrêt a été déclarée nulle par un précédent jugement du Tribunal de grande instance de Montpellier en date du 29 juin 1993, alors que la déclaration d'appel du 1er mars 1995 ne vise que le jugement du 13 décembre 1994 ;

Qu'en cet état, les moyens et demandes de l'appelante concernant la prétendue validité de cette saisie-arrêt, sont irrecevables et doivent être rejetés pour ce seul motif ;

Attendu au fond, sur la validité du contrat de bière du 25 novembre 1985 que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont admis que cette convention est nulle pour absence de cause ou fausse cause, la lecture de ce contrat ne permettant pas de connaître avec précision la cause de l'engagement d'approvisionnement exclusif pris pendant sept ans par Michel Métayer;

Qu'en effet, en contrepartie de l'engagement de s'approvisionner exclusivement pendant sept ans auprès de Karlsbrau Bière, Michel Métayer s'est vu accorder une avance forfaitaire sur ristourne de 15 000 F;

Qu'aucun élément du contrat ne permet de calculer cette ristourne;

Que, contrairement à ce que soutient l'appelante, ce qui est forfaitaire, ce n'est pas le montant de la ristourne elle-même, mais seulement l'avance qui en est faite par l'allocation de la somme de 15 000 F ;

Qu'il est constant que, pour s'assurer l'exclusivité, l'appelante a promis en contrepartie une ristourne, qui doit s'entendre d'une réduction sur le prix de la bière, sans préciser à son cocontractant les modalités de calcul de cette ristourne, donc, le véritable prix de la bière livrée ;

Que l'intimée soutient justement que le contrat est taisant sur les modalités selon lesquelles l'avance forfaitaire de 15 000 F sera amortie sur les premières livraisons, de sorte qu'il est dans l'impossibilité de calculer à partir de quelle quantité de bière il est en droit de bénéficier réellement de la ristourne, sans laquelle il n'aurait pas accepté un approvisionnement exclusif ;

Que l'appelante n'a pas versé aux débats de factures mettant en évidence l'application de cette ristourne ;

Que la prétention de l'appelante selon laquelle cette avance forfaitaire serait faite à fonds perdus, quelle que soit l'importance des livraisons et de manière non révisable, est contredite par la circonstance que cette somme a été incluse dans les sommes, objet de la saisie-arrêt, ce qui confirme que son versement était bien lié à l'exécution du contrat, constituait donc un paramètre indispensable au niveau de la détermination du prix ;

Attendu que le jugement mérite également confirmation en ce qui concerne l'enseigne lumineuse promise à Michel Métayer, d'une valeur de 1435,06 F ;

Qu'en effet, la portée des trois attestations produites par l'appelante est suffisamment contredite par les attestations contraires établies au profit de l'intimée ;

Attendu que, succombant dans son appel, la SARL Karlsbrau France supportera les entiers dépens, paiera une somme supplémentaire de 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'en revanche, Michel Métayer sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, faute d'établir l'existence d'un lien de causalité entre les difficultés qu'il invoque, sans en justifier, et la procédure de saisie-arrêt ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré ; Constate que l'appel ne concerne que le jugement du 13 décembre 1994 ; Déclare irrecevables les moyens et demandes concernant la procédure de saisie-arrêt ; Déboute la SARL Karlsbrau France de son appel et de ses demandes ; Ajoutant au jugement, La condamne en une somme supplémentaire de deux mille francs (2 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette les demandes plus amples ou contraires ; Condamne la SARL Karlsbrau France aux dépens d'instance et d'appel avec, pour ces derniers, application au profit de Maître Rouquette, avoué, des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.