Cass. com., 7 octobre 1997, n° 95-14.158
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Maine Auto (Sté)
Défendeur :
Volvo
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Huglo
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Boré, Xavier, Mme Luc-Thaler
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 1995), que par acte du 30 janvier 1986, la société Volvo automobiles France (la société Volvo) a concédé à la société Maine auto la vente exclusive de ses véhicules pour la région de Cholet ; que par lettre recommandée du 17 avril 1989, la société Volvo a notifié à la société Maine auto sa décision de mettre fin au contrat de concession exclusive à compter du 17 avril 1990 ; que la société Maine auto a assigné la société Volvo devant le tribunal de commerce en dommages-intérêts pour rupture abusive ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches : - Attendu que la société Maine auto fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'intérêt commun qui préside à la conclusion et à l'exécution des contrats de collaboration justifie la reconnaissance au profit du concessionnaire d'un droit de présentation de son successeur au concédant en vue d'obtenir son agrément ou, à défaut, le paiement d'une indemnité compensatrice ; que, dès lors, en déclarant que la cession du fonds devait nécessairement entraîner la résiliation du contrat de concession, conclu intuitu personae, sans indemnité, la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 1er de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, 1135 du Code civil, ensemble l'article 5-2 du règlement n° 123-85 de la Commission du 12 décembre 1984 ; et alors, d'autre part, que les investissements réalisés par Maine auto en 1987 aux fins de développer un service après-vente complétant la vente des véhicules neufs avaient pour effet, sinon pour objet, de rendre la convention conforme aux exigences du règlement d'exemption n° 123-85 et de la faire échapper à la nullité prévue par l'article 85 du traité de Rome ; qu'ils présentaient dès lors un intérêt commun pour les deux parties et, à ce titre, même à supposer que le concessionnaire les ait exécutés de son propre chef, justifiaient l'octroi d'une indemnité de résiliation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé à nouveau les dispositions des articles 1er de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, 1135 du Code civil, ensemble l'article 5-2 du règlement n° 123-85 de la Commission du 12 décembre 1984 ; et alors, de troisième part, que, en énonçant par ailleurs que ces investissements auraient pour but de remédier aux résultats de l'année précédente sans répondre au moyen des conclusions soutenant qu'il ressortait au contraire d'une étude faite à cette époque à la demande du concédant que Maine auto " bénéficiait d'un indice de satisfaction largement au- dessus de la moyenne nationale du réseau Volvo ", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, de quatrième part, que, à titre subsidiaire, commet un abus dans l'exercice de son droit de résiliation le concédant qui agit avec une précipitation déloyale ; qu'en ne recherchant pas, ainsi que l'y invitait Maine auto dans ses conclusions d'appel, si le devoir de loyauté incombant au concédant lui imposait, au lieu de résilier le contrat à réception de la lettre du concessionnaire sollicitant l'agrément de son éventuel successeur dans son fonds, de mettre préalablement en demeure le concessionnaire de choisir entre la cession du fonds et la poursuite du contrat à titre personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; et alors, enfin, que, à titre subsidiaire encore, la cour d'appel a ajouté que la rupture était justifiée par la réorganisation du réseau du concédant sans répondre au moyen des conclusions soutenant que, postérieurement à la résiliation, Volvo avait offert tardivement à la société Maine auto de la réintégrer dans celui-ci, de surcroît en qualité d'agent commercial, et a, par conséquent, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que le contrat de concession exclusive ne constitue pas un mandat d'intérêt commun ;que, par ces motifs de pur droit, l'arrêt se trouve justifié au regard des deux premières branches du moyen ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant énoncé que le concédant peut résilier le contrat de concession sans donner de motifs, sous réserve de respecter le délai de préavis et sauf abus du droit de résiliation, la cour d'appel, en relevant que la société Maine auto ne rapportait pas la preuve que la société Volvo l'avait contrainte à exposer d'importants frais d'investissements et qu'au contraire, la société Maine auto y avait procédé spontanément en 1987 pour remédier aux résultats de l'année 1986 très nettement inférieurs aux objectifs convenus et aux résultats des autres concessionnaires de la même région, a, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, légalement justifié sa décision ;
Que le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ; - Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Attendu qu'après avoir infirmé partiellement le jugement, l'arrêt a condamné la société Maine auto à rembourser la somme perçue de la société Volvo en exécution du jugement avec intérêts à compter de la demande en justice ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a fixé au 28 juin 1993 le point de départ des intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 8 février 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; dit n'y avoir lieu à renvoi.