Cass. com., 14 octobre 1997, n° 95-16.733
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Produits pétroliers alpins (SARL)
Défendeur :
Chabas (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
SCP Lesourd, SCP Peignot, Garreau.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Grenoble, ch. com., 16 mars 1995), que, par contrat du 19 janvier 1989, la société Pétroles Chabas a donné en location-gérance un fonds de commerce de station-service à la société Produits pétroliers alpins (la société) ; qu'après résiliation du contrat par chacune des deux parties les 10 et 15 janvier 1992, la société Pétroles Chabas a assigné, en paiement des sommes qu'elle disait lui être dues, la société ainsi que M. et Mme Blanchard qui s'étaient portés cautions solidaires de celle-ci ; qu'en cours d'instance de cassation, la société Les Fils Charvet a déclaré venir aux droits de la société Pétroles Chabas ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société ainsi que les époux Blanchard reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande reconventionnelle en annulation du contrat du 19 janvier 1989, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans les contrats portant sur une obligation de faire, assortis d'une clause d'exclusivité, le prix doit être déterminé ou déterminable dès l'origine par des éléments sérieux et objectifs indépendants de la volonté des parties, et spécialement du fournisseur ; que, par ailleurs, la preuve de la détermination du prix conformément à ces exigences incombe au fournisseur ; que, dès lors, en écartant la nullité du contrat d'approvisionnement exclusif en lubrifiants sans constater que la société pétrolière eût rapporté cette preuve, la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 1129 et 1591 du Code civil ; alors, d'autre part, à titre subsidiaire, que la cour d'appel ne pouvait affirmer globalement que la fixation des prix des carburants et des lubrifiants était soumise à une forte concurrence, de sorte que les prix pratiqués par la société pétrolière n'auraient pas été éloignés du marché, donc exempts de tout profit illégitime, sans distinguer les marchés concernés, celui de la distribution de détail des carburants, d'un côté, celui de la distribution de gros ou demi-gros des lubrifiants, d'un autre côté, ni rechercher si la société pétrolière établissait que le prix de vente des lubrifiants, objet de la clause d'approvisionnement exclusif, était fixé par référence à des éléments sérieux et objectifs excluant tout profit illégitime à son profit, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel, alléguant au contraire l'existence d'un abus et d'une fixation arbitraire des prix ; qu'en l'absence de cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, 1129 et 1591 du Code civil ; et alors, enfin, à titre plus subsidiaire, que, dans ses conclusions d'appel, la société soutenait non seulement qu'elle se trouvait dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la société pétrolière, mais alléguait aussi l'existence d'un déséquilibre contractuel créé par la société pétrolière à son préjudice, caractérisé notamment par l'insuffisance des commissions au regard des frais occasionnés par la vente de carburants et par le montant excessif du profit réalisé par la société pétrolière sur les lubrifiants et autres produits pétroliers ; que, dès lors, en ne recherchant pas si était par là-même caractérisée une exploitation abusive d'un état de dépendance économique imputable à la société pétrolière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 1134, alinéa 3, du Code civil, 8 et 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société " n'allègue pas que des prix aient été fixés de façon discrétionnaire à son égard " ou que " la société Pétroles Chabas ait abusé de l'exclusivité qui lui était réservée par le contrat de gérance pour majorer son tarif, son barème ou ses prix dans le but d'en tirer un profit illégitime "; que, par ces appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas d'autre recherche à effectuer, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société ainsi que les époux Blanchard reprochent encore à l'arrêt d'avoir commis un expert chargé de dire s'il existe, à l'issue de la location-gérance, une créance de restitution au profit de la société Pétroles Chabas, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en énonçant que le distributeur se rendait coupable de rétention abusive en ne réglant pas une somme correspondant à une créance dont elle admettait que la preuve n'était pas rapportée, puisqu'elle ordonnait une mesure d'expertise pour faire les comptes entre les parties, la cour d'appel a entaché son raisonnement d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que celui qui invoque l'existence d'une obligation doit la prouver ; que, par ailleurs, le juge ne saurait pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve en ordonnant une expertise ; que, dès lors, en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 1315 du Code civil et 146, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt ne dit pas que la société s'est rendue coupable de rétention abusive ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que la société Pétroles Chabas verse aux débats des factures de janvier 1991 à janvier 1992 établies par la société pour ses commissions et qu'à partir de ces commissions, elle reconstitue le montant des ventes d'où elle soustrait les remises en banque et les paiements par carte de crédit, tandis que la société ne produit aucun document de nature à établir le montant de ses paiements ; qu'en l'état de ces constatations et dès lors que des éléments de preuve, qu'elle n'a donc pas estimés suffisants, avaient été versés aux débats, la cour d'appel a pu ordonner une mesure d'instruction en vue de faire les comptes entre les parties ; D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : rejette.