Cass. com., 14 octobre 1997, n° 95-16.937
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Vogelsang France (SA)
Défendeur :
Lacauste
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
Mes Roger, Parmentier.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Toulouse, 28 février 1995), que M. Lacauste, prétendant que la société Vogelsang France (société Vogelsang) avait abusivement rompu le contrat d'agent commercial les liant, a assigné celle-ci en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Vogelsang reproche à l'arrêt d'avoir qualifié le contrat liant les parties de "contrat d'agent commercial" et de l'avoir condamnée à payer à M. Lacauste la somme de 364 000 F à titre d'indemnité de rupture alors, selon le pourvoi, d'une part, que le jugement est prononcé par l'un des juges qui l'ont rendu même en l'absence des autres et du ministère public; qu'en effet, cette prescription n'a pas été respectée, comme le démontre d'ailleurs l'absence de toute indication dans l'arrêt et qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 452 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que le jugement est signé par le président et par le secrétaire ; que ce qui est prescrit par l'article 456 du nouveau Code de procédure civile doit être observé à peine de nullité et qu'en l'espèce, la signature du secrétaire n'apparaît pas dans l'arrêt ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 456 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt porte que la cause a été débattue à l'audience publique du 31 janvier 1995 devant M. Brignol, président, et MM. Lebreuil et Boutte, conseillers, et que l'arrêt a été prononcé à l'audience publique du 28 février 1995 par M. Brignol, président ;
Attendu, d'autre part, que la société Vogelsang n'établit pas que la minute de l'arrêt n'ait pas été signée par le greffier ; D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, est mal fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Vogelsang fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le pourvoi, qu'est agent commercial le mandataire qui, à titre de profession habituelle et indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, négocie et éventuellement conclut des achats, des ventes, des locations ou des prestations de services au nom et pour le compte de producteurs industriels ou de commerçants; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, comme le soutenait la société Vogelsang dans ses conclusions, M. Lacauste n'était qu'un simple dépositaire et non un mandataire, puisqu'il n'a jamais ni prospecté ni conclu de contrat au nom de la société Vogelsang, a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er, alinéa 1er, du décret du 23 décembre 1958 ;
Mais attendu que, par motifs propres, l'arrêt relève que le contrat litigieux du 1er janvier 1987 portait, dans son article 1er, que M. Lacauste était l'agent commercial de la société Vogelsang pour la distribution de ses produits, que l'article 2 stipulait la nature des produits à distribuer et le secteur géographique accordé, que l'article 3 précisait les conditions de travail et accordait à M. Lacauste la possibilité de distribuer d'autres produits, à condition qu'il ne s'agisse pas de produits similaires ou concurrents, que l'article 4 stipulait que, pour le stockage des produits, M. Lacauste devait disposer d'un local dont il assurait les frais, que l'article suivant prévoyait une rémunération à la commission sur les articles distribués ; que l'arrêt constate encore que le contrat était conclu pour une durée indéterminée, avec faculté de rupture après préavis de trois mois et contenait une clause de non-concurrence pendant deux années ; qu'il relève aussi que M. Lacauste s'était fait inscrire au registre spécial des agents commerciaux "depuis le 2 septembre 1987" ; qu'il relève enfin, par motifs adoptés sur ce point, que le stock des produits à distribuer "serait approvisionné en fonction des demandes faites par M. Lacauste" ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu estimer que le contrat litigieux était, conformément à la dénomination que les parties lui avait donnée, un contrat d'agent commercial ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Vogelsang fait enfin le même reproche à l'arrêt alors, selon le pourvoi, que, pour fixer l'indemnité due, les juges ne sauraient se référer dans une espèce déterminée à des règles établies à l'avance pour justifier leur décision ; qu'en se référant "aux usages et à la jurisprudence constante", la cour d'appel a violé l'article 5 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'indemnité n'est pas due lorsque l'activité du mandataire n'a pas entraîné la conclusion de nouveaux contrats; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, comme le soutenait la société Vogelsang, M. Lacauste n'a apporté aucun contrat, et n'avait donc droit à aucune indemnité, a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du décret de 1958; et alors, enfin, que l'agent commercial n'a droit qu'à une indemnité compensatrice du préjudice subi ; qu'en constatant elle-même que les sommes perçues par M. Lacauste sont en constante diminution, pour passer de 215 154 francs en 1988 à 149 160 F en 1990, et en lui accordant cependant une indemnité de 182 000 F X 2, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui en découlaient et a ainsi violé l'article 3 du décret de 1958 ;
Mais attendu, en premier lieu, quel'arrêt retient que la rupture du contrat est intervenue à l'initiative de la société Vogelsang pour " restructuration des réseaux "; qu'ainsi, en l'absence de faute justifiant la résiliation, l'agent commercial ne peut être privé de l'indemnité compensatrice prévue à l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 au seul motif que son activité n'a pas entraîné la conclusion de nouveaux contrats ;
Attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, se référant à des usages dont le contenu n'est pas contesté par le moyen, a fixé le montant du préjudice subi par M. Lacauste ; D'où il suit que la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.