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Décisions

CJCE, assemblée plénière, 4 novembre 1997, n° C-337/95

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Parfums Christian Dior BV (SA)

Défendeur :

Evora BV

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Ragnemalm, Schintgen

Rapporteur :

M. Gulmann

Avocat général :

M. Jacobs

Juges :

MM. Mancini, Moitinho de Almeida, Kapteyn, Murray, Edward, Puissochet, Hirsch, Jann, Sevón

Avocats :

Mes Gielen, van der Woude, Verkade, Brouwer, Wytinck

CJCE n° C-337/95

4 novembre 1997

LA COUR,

1. Par arrêt du 20 octobre 1995, parvenu à la Cour le 26 octobre suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, six questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 30, 36 et 177, troisième alinéa, du même traité, ainsi que des articles 5 et 7 de la première directive 89-104-CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la "directive").

2. Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant Parfums Christian Dior SA, société de droit français établie à Paris (ci-après "Dior France"), et Parfums Christian Dior BV, société de droit néerlandais établie à Rotterdam (ci-après "Dior Nederland"), à Evora BV, société de droit néerlandais établie à Renswoude (ci-après "Evora"), au sujet de la publicité faite par cette dernière pour des produits Dior qu'elle a mis en vente.

3. Dior France élabore et produit des parfums et autres produits cosmétiques qui se vendent à des prix relativement élevés et qui sont considérés comme faisant partie du marché des produits cosmétiques de luxe. Pour la vente de ses produits hors de France, elle a désigné des représentants exclusifs, dont Dior Nederland aux Pays-Bas. Tout comme d'autres représentants exclusifs de Dior France en Europe, Dior Nederland a recours pour la distribution des produits Dior aux Pays-Bas à un système de distribution sélective, qui implique que les produits Dior ne sont vendus qu'à des revendeurs sélectionnés, lesquels sont liés par l'obligation de ne vendre qu'à des acheteurs finaux et de ne jamais rétrocéder à d'autres revendeurs, à moins qu'ils ne soient également sélectionnés pour la vente des produits Dior.

4. Dans le Bénélux, Dior France est l'unique titulaire des marques emblématiques Eau sauvage, Poison, Fahrenheit et Dune, notamment pour les parfums. Ces marques consistent en des représentations de l'emballage dans lequel les flacons contenant les parfums ainsi dénommés sont vendus. Dior France est en outre titulaire des droits d'auteur tant sur ces emballages que sur ces flacons, ainsi que sur les emballages et les flacons des produits vendus sous la dénomination Svelte.

5. Evora exploite sous le nom de sa filiale Kruidvat une importante chaîne de magasins d'articles de droguerie. Les magasins Kruidvat, bien que n'ayant pas été désignés en tant que distributeurs par Dior Nederland, vendent des produits Dior qu'Evora s'est procurés par l'intermédiaire d'importations parallèles. La licéité de la revente de ces produits n'est pas contestée dans le cadre du litige au principal.

6. Lors d'une promotion durant la période de Noël 1993, Kruidvat a offert à la vente les produits Dior Eau sauvage, Poison, Fahrenheit, Dune et Svelte et a, à cette occasion, reproduit, dans ses dépliants publicitaires, les emballages et les flacons de certains d'entre eux. Selon l'arrêt de renvoi, la représentation des emballages et des flacons visait exclusivement, de manière directe et claire, le produit offert à la vente et avait été effectuée sous un mode usuel pour les revendeurs dans ce secteur commercial.

7. Considérant que cette publicité ne correspondait pas à l'image de luxe et de prestige des marques Dior, Dior France et Dior Nederland (ci-après "Dior") ont assigné Evora en référé devant le Rechtbank te Haarlem pour atteinte à ces marques afin qu'il soit ordonné à Evora de cesser et de s'abstenir de faire usage des marques emblématiques de Dior et de toute divulgation ou reproduction de ses produits dans des catalogues, brochures, annonces ou de toute autre façon. Dior a notamment fait valoir que l'emploi fait par Evora de ses marques était contraire aux dispositions de la loi uniforme Bénélux sur les marques de produits dans sa version en vigueur à cette époque et avait lieu d'une manière susceptible de porter préjudice à leur image de luxe et de prestige. Dior a en outre soutenu que la publicité faite par Evora portait atteinte à ses droits d'auteur.

8. Le président du Rechtbank a fait droit à la demande de Dior, en sorte qu'il a ordonné à Evora de cesser immédiatement tout emploi des marques emblématiques de Dior ainsi que toute divulgation ou reproduction des produits Dior en question dans des catalogues, des brochures, des annonces et de toute autre manière qui ne correspond pas au mode de publicité usuel de Dior. Evora a interjeté appel de cette ordonnance devant le Gerechtshof te Amsterdam.

9. Cette juridiction a annulé l'ordonnance attaquée et a refusé d'octroyer les mesures sollicitées. Elle a notamment rejeté l'argument de Dior selon lequel cette dernière pouvait s'opposer à la commercialisation ultérieure des produits au titre de l'article 7, paragraphe 2, de la directive, selon lequel le titulaire d'une marque peut s'opposer à l'usage de la marque pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire, lorsque des motifs légitimes le justifient, notamment lorsque l'état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce. Le Gerechtshof a estimé que cette disposition vise exclusivement l'atteinte à la réputation de la marque par une altération de l'état physique de l'article de la marque concerné.

10. Dior a formé un pourvoi en cassation contre cette décision devant le Hoge Raad. Elle a notamment soutenu que "l'état des produits" au sens de l'article 7, paragraphe 2, de la directive inclut également l'état "psychique" du produit, à savoir l'allure et l'image de prestige du produit ainsi que la sensation de luxe qui émane de celui-ci en raison du mode de présentation et de publicité choisi par le titulaire de la marque au titre de l'exercice de ses droits de marque.

11. Evora a notamment indiqué que sa publicité - faite selon le mode usuel pour les détaillants de ce secteur commercial - ne portait pas atteinte aux droits exclusifs de Dior et que les dispositions de la directive ainsi que les articles 30 et 36 du traité s'opposent à ce que Dior invoque ses droits de marque et ses droits d'auteur pour lui interdire de faire de la publicité pour les produits Dior qu'elle commercialise.

12. Dans ces conditions, le Hoge Raad a considéré qu'il convenait de poser à la Cour de justice du Bénélux (ci-après la "Cour Benelux") des questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la loi uniforme Bénélux sur les marques de produits et à la Cour de justice des Communautés européennes des questions préjudicielles relatives au droit communautaire. Dans ce contexte, le Hoge Raad a soulevé la question de savoir quelle est, en l'espèce, de la Cour Bénélux ou de lui-même, la juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne et qui, à ce titre, est tenue de saisir la Cour de justice au titre de l'article 177, troisième alinéa, du traité.

13. Le Hoge Raad a en outre relevé que, bien que les États du Bénélux n'eussent pas encore adapté, au moment de son arrêt de renvoi, leur législation à la directive, malgré l'expiration du délai prévu à cet effet, l'interprétation de la directive ne serait pas sans pertinence, étant donné la jurisprudence de la Cour selon laquelle, lorsqu'un justiciable invoque une directive qui n'a pas été transposée dans l'ordre juridique national dans le délai prescrit, il convient d'interpréter dans toute la mesure du possible les règles nationales à la lumière du texte et de la finalité de la directive (voir, notamment, arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91-92, Rec. p. I-3325). Par ailleurs, pour le cas où il ne serait pas possible d'interpréter les règles nationales en cause conformément à la directive, se poserait une question d'interprétation des articles 30 et 36 du traité.

14. Le Hoge Raad a dès lors décidé de surseoir à statuer et a posé à la Cour les questions suivantes:

"1) Si, dans le cadre d'une procédure en matière de droit des marques qui se déroule dans l'un des pays du Benelux, portant sur l'interprétation de la loi uniforme Bénélux sur les marques, une question est soulevée quant à l'interprétation de la première directive du Conseil des Communautés européennes, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (89-104-CEE), convient-il de considérer que c'est la Cour suprême nationale ou la Cour de justice Bénélux qui est la juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne et qui, à ce titre, est tenue de saisir la Cour de justice conformément à l'article 177, troisième alinéa, du traité CE?

2) Dans le cas de la revente de produits qui ont été mis en circulation dans la Communauté sous une marque par le titulaire de la marque ou avec son autorisation, est-il conforme à l'économie de la directive précitée et plus particulièrement à ses articles 5 à 7 de tolérer que le revendeur ait également la faculté d'employer cette marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure?

3) Dans l'hypothèse où la deuxième question appelle une réponse affirmative, cette règle tolère-t-elle des exceptions?

4) Dans l'hypothèse où la troisième question appelle une réponse affirmative, une exception est-elle possible pour le cas où la fonction publicitaire de la marque est mise en danger en ce que, par la manière dont le revendeur emploie la marque dans l'annonce susvisée, il porte préjudice à l'image de luxe et de prestige de ladite marque?

5) Peut-il être question de "motifs légitimes" au sens de l'article 7, paragraphe 2, de la directive lorsque la manière dont le revendeur fait de la publicité pour les produits modifie ou altère "l'état psychique" de ces produits - à savoir l'allure, l'image de prestige et la sensation de luxe qui émanent des produits par suite du mode de présentation et de publicité choisi par le titulaire de la marque au titre de l'exercice de ses droits à la marque?

6) Les dispositions des articles 30 et 36 du traité CE s'opposent-elles à ce que le titulaire d'une marque (emblématique) ou le titulaire d'un droit d'auteur portant sur les flacons et emballages qu'il emploie pour ses produits, en excipant de ce droit à la marque ou de ce droit d'auteur, empêche un revendeur qui a la faculté de continuer à commercialiser ces produits de faire de la publicité pour ce produit sous un mode usuel aux détaillants de la branche concernée? En est-il également ainsi lorsque, par la façon dont le revendeur emploie la marque dans sa publicité, celui-ci porte préjudice à l'image de luxe et de prestige de cette marque ou lorsque la divulgation et la reproduction s'effectuent dans des conditions susceptibles de causer un préjudice au titulaire du droit d'auteur?"

Sur la première question

15 .Il ressort de l'arrêt de renvoi

que la Cour Bénélux a été instituée par un traité, signé à Bruxelles le 31 mars 1965, entre le royaume de Belgique, le grand-duché de Luxembourg et le royaume des Pays-Bas, et qu'elle est composée de juges des Cours suprêmes de chacun de ces trois États, et

que, conformément aux dispositions combinées des articles 6, paragraphe 3, dudit traité et 10 de la convention Bénélux en matière de marques de produits, conclue le 19 mars 1962 entre ces trois États membres du Benelux, le Hoge Raad est en principe tenu de soumettre, à titre préjudiciel, à la Cour Benelux, les questions d'interprétation de la loi uniforme Bénélux sur les marques de produits, annexée à ladite convention.

16.L'article 6 du traité instituant la Cour Bénélux est rédigé ainsi:

"1. Dans les cas spécifiés ci-après, la Cour Bénélux connaît des questions d'interprétation des règles juridiques désignées en vertu de l'article premier, qui se posent à l'occasion de litiges pendants soit devant les juridictions de l'un des trois pays, siégeant dans leur territoire en Europe...

2. Lorsqu'il apparaît qu'une décision dans une affaire pendante devant une juridiction nationale implique la solution d'une difficulté d'interprétation d'une règle juridique désignée en vertu de l'article premier, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, surseoir même d'office à toute décision définitive afin que la Cour Bénélux se prononce sur la question d'interprétation.

3. Dans les conditions déterminées dans l'alinéa précédent, une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne est tenue de saisir la Cour Benelux..."

17. L'article 7, paragraphe 2, de ce même traité dispose en outre:

"Les juridictions nationales qui statuent ensuite dans la cause sont liées par l'interprétation résultant de la décision rendue par la Cour Benelux.

18. C'est au regard de ce système de droit que, par sa première question, la juridiction nationale demande si, lorsqu'une question relative à l'interprétation de la directive est soulevée dans le cadre d'une procédure se déroulant dans l'un des États membres du Bénélux et portant sur l'interprétation de la loi uniforme Bénélux sur les marques de produits, c'est la Cour suprême nationale ou la Cour Bénélux qui est la juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne et qui, à ce titre, est tenue de saisir la Cour conformément à l'article 177, troisième alinéa, du traité.

19. Afin de répondre à cette question, il convient d'examiner d'abord si une juridiction telle que la Cour Bénélux a la faculté de poser des questions préjudicielles à la Cour et si, le cas échéant, elle peut être tenue de le faire.

20. En premier lieu, il apparaît que la question posée par la juridiction nationale part à juste titre de la prémisse qu'une juridiction telle que la Cour Bénélux est une juridiction qui peut soumettre des questions préjudicielles à la Cour.

21. En effet, il n'existe aucun motif valable qui justifierait qu'une telle juridiction commune à plusieurs États membres ne puisse soumettre des questions préjudicielles à la Cour à l'instar des juridictions relevant de chacun de ces États membres.

22. A cet égard, il y a notamment lieu de tenir compte du fait que la Cour Bénélux est chargée d'assurer l'uniformité dans l'application des règles juridiques communes aux trois États du Bénélux et que la procédure devant elle constitue un incident dans les procédures pendantes devant les juridictions nationales à l'issue duquel l'interprétation définitive des règles juridiques communes au Bénélux est établie.

23. Permettre à une juridiction telle que la Cour Benelux, lorsqu'elle est amenée à interpréter des règles communautaires dans l'accomplissement de sa mission, de faire application de la procédure prévue par l'article 177 du traité correspond donc à l'objectif de cette disposition, qui est de sauvegarder l'interprétation uniforme du droit communautaire.

24. S'agissant ensuite de la question de savoir si une juridiction telle que la Cour Bénélux peut être tenue de saisir la Cour, il convient de rappeler que, conformément à l'article 177, troisième alinéa, du traité, lorsqu'une question préjudicielle est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice.

25. Selon la jurisprudence de la Cour, cette obligation de saisine s'inscrit dans le cadre de la coopération, instituée en vue d'assurer la bonne application et l'interprétation uniforme du droit communautaire dans l'ensemble des États membres, entre les juridictions nationales, en leur qualité de juges chargés de l'application du droit communautaire, et la Cour de justice (voir, notamment, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit et Lanificio di Gavardo, 283-81, Rec. p. 3415, point 7). Il résulte également de la jurisprudence que l'article 177, troisième alinéa, a notamment pour but de prévenir que s'établisse, dans un État membre quelconque, une jurisprudence nationale ne concordant pas avec les règles du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 24 mai 1977, Hoffmann-La Roche, 107-76, Rec. p. 957, point 5, et du 27 octobre 1982, Morson et Jhanjan, 35-82 et 36-82, Rec. p. 3723, point 8).

26. A cet égard, il apparaît que, dans la mesure où il n'existe aucun recours juridictionnel contre la décision d'une juridiction telle que la Cour Benelux, qui tranche définitivement les questions d'interprétation du droit uniforme Benelux, une telle juridiction peut être tenue de saisir la Cour au sens de l'article 177, troisième alinéa, dès lors qu'une question relative à l'interprétation de la directive est soulevée devant elle.

27. S'agissant, par ailleurs, de la question de savoir si le Hoge Raad peut être tenu de poser des questions préjudicielles à la Cour, il est constant qu'une telle juridiction suprême nationale, dont les décisions ne sont pas non plus susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, ne peut rendre son jugement sans saisir préalablement la Cour en vertu de l'article 177, troisième alinéa, du traité, lorsqu'une question relative à l'interprétation du droit communautaire est soulevée devant elle.

28. Il n'en découle toutefois pas nécessairement que, dans une situation telle que celle visée par le Hoge Raad, les deux juridictions sont effectivement tenues de saisir la Cour.

29. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, si l'article 177, dernier alinéa, oblige sans aucune restriction les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne à soumettre à la Cour toute question d'interprétation soulevée devant elles, l'autorité de l'interprétation donnée par celle-ci en vertu de l'article 177 peut priver cette obligation de sa cause et la vider ainsi de son contenu. Il en est notamment ainsi quand la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue (voir, notamment, arrêts Cilfit et Lanificio di Gavardo, précité, point 13, et du 27 mars 1963, Da Costa e.a., 28-62, 29-62 et 30-62, Rec. p. 59). A fortiori, il en est ainsi également quand la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans le cadre de la même affaire nationale.

30. Il en découle que, si une juridiction telle que le Hoge Raad a, préalablement à la saisine de la Cour Benelux, fait usage de sa faculté de soumettre la question soulevée à la Cour de justice, l'autorité de l'interprétation donnée par celle-ci peut soustraire une juridiction telle que la Cour Bénélux à son obligation de poser une question matériellement identique avant de rendre son jugement. Inversement, en l'absence de saisine préalable de la Cour de justice par une juridiction telle que le Hoge Raad, une juridiction telle que la Cour Bénélux est tenue de soumettre la question soulevée à la Cour, dont la décision peut alors soustraire le Hoge Raad à l'obligation de poser une question matériellement identique avant de rendre son jugement.

31. Il convient donc de répondre à la première question que, lorsqu'une question relative à l'interprétation de la directive est soulevée dans le cadre d'une procédure se déroulant dans l'un des États membres du Bénélux et portant sur l'interprétation de la loi uniforme Bénélux sur les marques de produits, une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, comme le sont tant la Cour Bénélux que le Hoge Raad, est tenue de saisir la Cour de justice en vertu de l'article 177, troisième alinéa, du traité. Cette obligation est toutefois privée de sa cause et ainsi vidée de son contenu quand la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans le cadre de la même affaire nationale.

Sur la deuxième question

32. Par sa deuxième question, la juridiction nationale demande en substance si les articles 5 à 7 de la directive doivent être interprétés en ce sens que, lorsque des produits revêtus d'une marque ont été mis sur le marché communautaire par le titulaire de la marque ou avec son consentement, un revendeur a, outre la faculté de revendre ces produits, également celle d'employer la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure desdits produits.

33. Pour répondre à cette question, il convient d'abord de rappeler les dispositions pertinentes des articles de la directive auxquels la juridiction nationale de renvoi a fait référence.

34. L'article 5 de la directive, qui détermine les droits conférés par une marque, dispose, d'une part, en son paragraphe 1, que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, de sa marque, et, en son paragraphe 3, sous d), qu'il peut être interdit à tout tiers d'utiliser la marque dans la publicité.

35. L'article 7, paragraphe 1, de la directive, qui concerne l'épuisement du droit conféré par une marque, prévoit, d'autre part, que ce droit ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de la marque pour des produits qui ont été mis en circulation dans la Communauté sous cette marque par lui-même ou avec son consentement.

36. Il y a lieu ensuite de constater que, si le droit conféré au titulaire d'une marque, conformément à l'article 5 de la directive, d'interdire l'usage de sa marque pour des produits est épuisé dès lors que ceux-ci ont été mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement, il en va de même s'agissant du droit d'employer la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure desdits produits.

37. Il découle en effet de la jurisprudence de la Cour que l'article 7 de la directive doit être interprété à la lumière des règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises, notamment de l'article 36(voir arrêt du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a., C-427-93, C-429-93 et C-436-93, Rec. p. I-3457, point 27), et que la règle d'épuisement vise à éviter qu'il soit permis aux titulaires de marque de cloisonner les marchés nationaux et de favoriser ainsi le maintien des différences de prix pouvant exister entre les États membres(voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, point 46). Or, si le droit d'employer la marque afin d'annoncer la commercialisation ultérieure n'était pas épuisé de la même manière que le droit de revente, cette dernière serait rendue sensiblement plus difficile et l'objectif de la règle d'épuisement prévue à l'article 7 serait ainsi compromis.

38. Il s'ensuit qu'il convient de répondre à la deuxième question que les articles 5 et 7 de la directive doivent être interprétés en ce sens que, lorsque des produits revêtus d'une marque ont été mis sur le marché communautaire par le titulaire de la marque ou avec son consentement, un revendeur a, outre la faculté de revendre ces produits, également celle d'employer la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure desdits produits.

Sur les troisième, quatrième et cinquième questions

39. Par ses troisième, quatrième et cinquième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction nationale demande en substance si la règle découlant de la réponse à la deuxième question autorise des exceptions, notamment

- lorsque la fonction publicitaire de la marque est mise en danger par le fait que, par la manière dont le revendeur emploie la marque dans l'annonce, il porte préjudice à l'image de luxe et de prestige de ladite marque, et

- lorsque la manière dont le revendeur fait de la publicité pour les produits modifie ou altère l'état "psychique" de ces produits, à savoir l'allure et l'image de prestige des produits ainsi que la sensation de luxe qui émane de ceux-ci en raison du mode de présentation et de publicité choisi par le titulaire de la marque au titre de l'exercice de ses droits de marque.

40. Il importe à cet égard de rappeler que, selon l'article 7, paragraphe 2, de la directive, la règle de l'épuisement consacrée au paragraphe 1 n'est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire de la marque s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits revêtus de la marque, notamment lorsque l'état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce.

41. Il y a donc lieu d'examiner si les hypothèses visées par la juridiction nationale constituent des motifs légitimes au sens de l'article 7, paragraphe 2, de la directive, permettant au titulaire de la marque de s'opposer à ce qu'un revendeur emploie sa marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure des produits revêtus de cette marque.

42. A cet égard, il convient d'abord de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l'article 7 de la directive réglemente de manière complète la question de l'épuisement du droit de marque en ce qui concerne les produits mis dans le commerce dans la Communauté, et que l'emploi du terme "notamment" au paragraphe 2 démontre que l'hypothèse relative à la modification ou à l'altération de l'état des produits revêtus de la marque n'est donnée qu'à titre d'exemple de ce qui peut constituer des motifs légitimes(voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, points 26 et 39). En outre, cette disposition vise à concilier les intérêts fondamentaux de la protection des droits de marque et ceux de la libre circulation des marchandises dans le Marché commun(arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, point 40).

43. Ensuite, il y a lieu de constater que l'atteinte portée à la renommée de la marque peut, en principe, être un motif légitime au sens de l'article 7, paragraphe 2, de la directive justifiant que le titulaire s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits qu'il a mis dans le commerce dans la Communauté ou qui l'ont été avec son consentement. En effet, selon la jurisprudence de la Cour relative au reconditionnement des produits de marque, le titulaire d'une marque a un intérêt légitime, se rattachant à l'objet spécifique du droit de marque, à pouvoir s'opposer à la commercialisation de ces produits si la présentation des produits reconditionnés est susceptible de nuire à la réputation de la marque(voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, point 75).

44. Il en résulte que, lorsqu'un revendeur fait usage d'une marque afin d'annoncer la commercialisation ultérieure de produits revêtus de la marque, il y a lieu de mettre en balance l'intérêt légitime du titulaire de la marque à être protégé contre les revendeurs employant sa marque à des fins de publicité d'une manière qui pourrait porter atteinte à la renommée de la marque et celui du revendeur à pouvoir revendre les produits en question en utilisant les modes de publicité qui sont usuels dans son secteur d'activité.

45. S'agissant d'une espèce telle que celle en cause au principal, qui concerne des produits de luxe et de prestige, le revendeur ne doit pas agir d'une façon déloyale à l'égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque. Il doit donc s'efforcer d'éviter que sa publicité n'affecte la valeur de la marque en portant préjudice à l'allure et à l'image de prestige des produits en cause ainsi qu'à la sensation de luxe qui émane de ceux-ci.

46. Cependant, il convient également de constater que le fait qu'un revendeur, qui commercialise habituellement des articles de même nature, mais pas nécessairement de même qualité, utilise pour des produits revêtus de la marque les modes de publicité qui sont usuels dans son secteur d'activité, même si ceux-ci ne correspondent pas à ceux utilisés par le titulaire lui-même ou par ses revendeurs agréés, ne constitue pas un motif légitime, au sens de l'article 7, paragraphe 2, de la directive, justifiant que le titulaire puisse s'opposer à cette publicité, à moins qu'il ne soit établi que, compte tenu des circonstances propres à chaque espèce, l'emploi de la marque dans la publicité du revendeur porte une atteinte sérieuse à la renommée de la marque.

47. Une telle atteinte sérieuse pourrait ainsi survenir du fait que le revendeur n'aurait pas, dans le dépliant publicitaire qu'il diffuse, pris soin de ne pas placer la marque dans un voisinage qui risquerait d'amoindrir gravement l'image que le titulaire a réussi à créer autour de sa marque.

48. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux troisième, quatrième et cinquième questions que le titulaire d'une marque ne peut s'opposer, au titre de l'article 7, paragraphe 2, de la directive, à ce qu'un revendeur, qui commercialise habituellement des articles de même nature, mais pas nécessairement de même qualité, que les produits revêtus de la marque, emploie, conformément aux modes qui sont usuels dans son secteur d'activité, la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure de ces produits, à moins qu'il ne soit établi que, compte tenu des circonstances propres à chaque espèce, l'utilisation de la marque à cette fin porte une atteinte sérieuse à la renommée de ladite marque.

Sur la sixième question

49. Par sa sixième question, la juridiction nationale demande en substance si les articles 30 et 36 du traité s'opposent à ce que le titulaire d'un droit de marque ou le titulaire d'un droit d'auteur portant sur les flacons et emballages qu'il emploie pour ses produits, en excipant de ce droit de marque ou de ce droit d'auteur, empêche un revendeur de faire de la publicité pour la commercialisation ultérieure de ces produits sous un mode usuel aux détaillants de la branche concernée. Elle demande en outre s'il en est également ainsi lorsque, par la manière dont le revendeur emploie la marque dans sa publicité, celui-ci porte préjudice à l'image de luxe et de prestige de cette marque ou lorsque la divulgation et la reproduction de cette dernière s'effectuent dans des conditions susceptibles de causer un préjudice au titulaire du droit d'auteur.

50. Ces questions partent des prémisses:

que, selon le droit national en la matière, dans les hypothèses visées, le titulaire de la marque ou du droit d'auteur peut légitimement interdire à un revendeur de faire de la publicité pour la commercialisation ultérieure des produits, et

qu'une telle interdiction constituerait une entrave à la libre circulation des marchandises interdite par l'article 30 du traité, à moins qu'elle ne puisse être justifiée par l'un des motifs énoncés à l'article 36 de ce même traité.

51. Contrairement à ce que soutient Dior, c'est à juste titre que la juridiction nationale estime qu'une interdiction telle que celle visée au principal peut constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative en principe interdite par l'article 30. Il suffit à cet égard de relever que, selon l'arrêt de renvoi, il s'agit dans le litige au principal de produits que le revendeur s'est procurés par l'intermédiaire d'importations parallèles et qu'une interdiction de publicité telle que celle sollicitée dans le litige au principal rendrait la commercialisation et, par conséquent, l'accès au marché de ces produits sensiblement plus difficiles.

52. Il convient donc d'examiner si une interdiction telle que celle sollicitée au principal peut être admise conformément à l'article 36 du traité, selon lequel les dispositions des articles 30 à 34 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale, sous la réserve qu'elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

53. S'agissant de la question relative au droit du titulaire d'une marque, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l'article 36 du traité et l'article 7 de la directive doivent être interprétés de manière identique (arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, point 40).

54. Par conséquent, et eu égard aux réponses données aux deuxième, troisième, quatrième et cinquième questions, il convient de répondre à cette partie de la sixième question que les articles 30 et 36 du traité doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d'une marque ne peut s'opposer à ce qu'un revendeur, qui commercialise habituellement des articles de même nature, mais pas nécessairement de même qualité, que les produits revêtus de la marque, emploie, conformément aux modes qui sont usuels dans son secteur d'activité, la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure de ces produits, à moins qu'il ne soit établi que, compte tenu des circonstances propres à chaque espèce, l'utilisation de la marque à cette fin porte une atteinte sérieuse à la renommée de ladite marque.

55. En ce qui concerne la partie de la sixième question portant sur le droit d'auteur, il convient de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, les raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale au sens de l'article 36 incluent celles de la protection que confère le droit d'auteur (arrêt du 20 janvier 1981, Musik-Vertrieb membran et K-tel International, 55-80 et 57-80, Rec. p. 147, point 9).

56. Or, les œuvres littéraires et artistiques peuvent faire l'objet d'une exploitation commerciale soit par la voie de représentations publiques, soit par la voie de la reproduction et de la mise en circulation des supports matériels qui en sont issus, et les deux prérogatives essentielles de l'auteur, le droit exclusif de représentation et le droit exclusif de reproduction, ne sont pas mises en cause par les règles du traité (arrêt du 17 mai 1988, Warner Brothers et Metronome Video, 158-86, Rec. p. 2605, point 13).

57. Il découle en outre de la jurisprudence que, si l'exploitation commerciale du droit d'auteur constitue une source de rémunération pour son titulaire, elle constitue également une forme de contrôle de la commercialisation par le titulaire et que, de ce point de vue, l'exploitation commerciale du droit d'auteur soulève les mêmes problèmes que celle d'un autre droit de propriété industrielle ou commerciale (voir arrêt Musik-Vertrieb membran et K-tel International, précité, point 13). La Cour a ainsi constaté que le droit exclusif d'exploitation conféré par le droit d'auteur ne peut être invoqué par le titulaire de celui-ci pour empêcher ou restreindre l'importation des supports de son incorporant des œuvres protégées qui ont été licitement écoulées sur le marché d'un autre État membre par le titulaire lui-même ou avec son consentement (voir arrêt Musik-Vertrieb membran et K-tel International, précité, point 15).

58. Eu égard à cette jurisprudence - et sans qu'il y ait lieu de prendre position sur la question de savoir si un droit d'auteur et un droit de marque peuvent être invoqués simultanément pour le même produit -, il suffit de constater que, dans des circonstances telles que celles en cause dans le litige au principal, la protection attribuée par le droit d'auteur en ce qui concerne la reproduction des œuvres protégées dans les publicités du revendeur ne peut en tout état de cause être plus étendue que celle qui est conférée dans les mêmes conditions au titulaire d'un droit de marque.

59. Il convient donc de répondre à la sixième question que les articles 30 et 36 du traité doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d'un droit de marque ou d'un droit d'auteur ne peut s'opposer à ce qu'un revendeur, qui commercialise habituellement des articles de même nature, mais pas nécessairement de même qualité, que les produits protégés, emploie ceux-ci, conformément aux modes qui sont usuels dans son secteur d'activité, afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure de ces produits, à moins qu'il ne soit établi que, compte tenu des circonstances propres à chaque espèce, l'utilisation de ces produits à cette fin porte une atteinte sérieuse à leur renommée.

Sur les dépens

60. Les frais exposés par les gouvernements français, italien et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

statuant sur les questions à elle soumises par le Hoge Raad der Nederlanden, par arrêt du 20 octobre 1995, dit pour droit:

1.Lorsqu'une question relative à l'interprétation de la première directive 89-104-CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, est soulevée dans le cadre d'une procédure se déroulant dans l'un des États membres du Bénélux et portant sur l'interprétation de la loi uniforme Bénélux sur les marques de produits, une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, comme le sont tant la Cour de justice du Bénélux que le Hoge Raad der Nederlanden, est tenue de saisir la Cour de justice en vertu de l'article 177, troisième alinéa, du traité CE. Cette obligation est toutefois privée de sa cause et ainsi vidée de son contenu quand la question soulevée est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans le cadre de la même affaire nationale.

2.Les articles 5 et 7 de la directive 89-104 doivent être interprétés en ce sens que, lorsque des produits revêtus d'une marque ont été mis sur le marché communautaire par le titulaire de la marque ou avec son consentement, un revendeur a, outre la faculté de revendre ces produits, également celle d'employer la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure desdits produits.

3.Le titulaire d'une marque ne peut s'opposer, au titre de l'article 7, paragraphe 2, de la directive 89-104, à ce qu'un revendeur, qui commercialise habituellement des articles de même nature, mais pas nécessairement de même qualité, que les produits revêtus de la marque, emploie, conformément aux modes qui sont usuels dans son secteur d'activité, la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure de ces produits, à moins qu'il ne soit établi que, compte tenu des circonstances propres à chaque espèce, l'utilisation de la marque à cette fin porte une atteinte sérieuse à la renommée de ladite marque.

4. Les articles 30 et 36 du traité CE doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d'un droit de marque ou d'un droit d'auteur ne peut s'opposer à ce qu'un revendeur, qui commercialise habituellement des articles de même nature, mais pas nécessairement de même qualité, que les produits protégés, emploie ceux-ci, conformément aux modes qui sont usuels dans son secteur d'activité, afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure de ces produits, à moins qu'il ne soit établi que, compte tenu des circonstances propres à chaque espèce, l'utilisation de ces produits à cette fin porte une atteinte sérieuse à leur renommée.