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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 14 novembre 1997, n° 95-00404

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sud Est Conseil Automobiles (SA), Mariani (ès qual.), Matheron (SARL), Agma (Sté), Banque Populaire Provençale et Corse (Sté)

Défendeur :

Fiat Auto (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Desgrange

Conseillers :

Mme Cabat, M. Betch

Avoués :

SCP Roblin Chaix de Lavarene, Mes Ribaut, Hyugue, SCP d'Auriac Guizard

Avocats :

Mes Bourgeon, Meyung Marchand, Huerre, Icard.

T. com. Paris, 4e ch., du 17 nov. 1994

17 novembre 1994

LA COUR statue sur l'appel formé par la société Sud Est Conseil Automobiles, ci-après dénommée " SECA " par Maître Mariani pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés SECA et Matheron et par la société Matheron, d'un jugement rendu le 17 novembre 1994 par le Tribunal de commerce de Paris qui les a déboutées de leurs demandes formées contre la SA Fiat auto France en les condamnant à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ce après avoir reçu la société Agma et Maître Mariani en leur intervention volontaire, avoir constaté que les engagements de cautions de la " Banque Populaire Provençale et Corse " et de la société Agma étaient éteints pour l'avenir à la date du 8 octobre 1992, date de la résiliation par la société Fiat auto France des contrats de concession, avoir dit cette dernière redevable et bien fondée en son action contre la Banque Populaire Provençale et Corse et avoir commis un huissier constatant avec mission " de faire les comptes entre la SECA et Fiat auto France par la Banque Populaire Provençale et Corse au titre de son engagement de caution en faveur de la SECA vis à vis de la société Fiat auto France ".

La Cour se réfère pour l'exposé des faits et de la procédure à la relation exacte qu'en ont fait les premiers juges ;

Il suffit de rappeler que la société SECA avait conclu avec la société Fiat auto France, deux contrats de concession automobile pour l'exploitation de garages situés à Port de Bouc et Istres ; la résiliation de ces contrats a été notifiée le 8 octobre 1992 à la société SECA par la société Fiat auto France dans les conditions que la société SECA et la société Matheron laquelle a acquis les actions de la société SECA, et Maître Mariani ès qualité, estiment abusives.

Les Premiers Juges ont estimé que le non paiement réitéré de plusieurs factures justifiait l'application de la clause résolutoire à effet immédiat prévue par l'article 7-2 des contrats de concession.

Ils ont dit en outre que le budget prévisionnel versé aux débats n'avait pu surprendre le consentement de M. Matheron pour l'acquisition des parts sociales et pour les garanties financières qu'il a consenties, puisque ce budget n'était pas inexact et que rien ne démontrait qu'il émanait de la société Fiat auto France.

Ils ont jugé en outre que cette dernière n'était pas à l'origine du montage financier de M. Matheron et que la perte considérable de 1 033 289 F subie par la société SECA en 1991 ne pouvait s'expliquer que par la mauvaise gestion de M. Matheron.

Suivant arrêt du 24 mai 1996, la Cour de ce siège a ordonné la réouverture des débats avec rabat de l'ordonnance de clôture et a :

- délivré injonction à Maître Mariani de fournir tous éléments permettant de se prononcer sur sa qualité pour agir en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société SECA, de fournir tous justificatifs de l'état actuel des sociétés SECA et Matheron avec copie des décisions les concernant ayant pu intervenir depuis le 26 janvier 1994 ainsi que de leurs extraits K-Bis respectifs ;

- délivré injonction à Maître Mariani de conclure sur les points au vu des pièces produites et récapitulativement au sens des dispositions de l'article 594 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile ;

et

- délivré injonction à la société Fiat auto France de conclure en réplique et récapitulativement ;

Après communication des pièces visées par l'arrêt, les parties appelantes ont conclu récapitulativement le 2 septembre 1996 ; pour preuve de la qualité à agir de Maître Mariani, elles indiquent la chronologie des décisions du Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, relatives aux procédures collectives ouvertes contre la société SECA et la société Matheron, en soulignant que la dernière d'entre elles, intervenue le 20 juillet 1994, a arrêté le plan de cession de ces sociétés et a nommé Maître Mariani en qualité de commissaire de l'exécution de ces plans.

Elles soutiennent sur le fond du litige que la société Fiat auto France s'est affranchie de son obligation d'exécution de bonne foi pour la mise en jeu de la clause résolutoire en se prévalant avec une légèreté et une soudaineté blâmables des difficultés financières de la société SECA, ce après avoir notoirement aggravé celles-ci en n'apportant pas un soutien loyal à la restructuration engagée en 1992 par la SECA et alors que Fiat auto France avait une parfaite connaissances des modalités financières retenues par M. Matheron pour l'achat de la SECA et qu'elle savait que l'insuffisance des ventes réalisées par rapport à celles retenues dans le prévisionnel qu'elle avait établi pour l'année 1991, cause de la dégradation financière de la SECA, n'était pas imputable à une mauvaise gestion de M. Matheron ;

Elles font valoir que Fiat auto France a été l'auteur du budget prévisionnel de 1991 et qu'en application de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989, elle avait l'obligation de communiquer à son partenaire des informations sincères telles que son projet de restructuration par fusion-absorption des sociétés Alfa Roméo et Lancia ; enfin, elles attribuent la cause de la résiliation au changement brutal de la politique commerciale du groupe Fiat et non à la situation de la concession SECA.

Pour ce qui concerne le préjudice subi par chacune des sociétés, les appelantes font valoir :

- que le dommage de la SECA est égal à la marge brute que cette société aurait pu retirer de la poursuite de l'activité concédée, durant la durée de préavis d'un an, soit 5 000 000 F, pour la 1re concession et, au prix qu'elle aurait pu retirer de la 2e concession sous déduction de prix obtenu lors de la réalisation de l'actif ;

- que le dommage de la société Matheron consiste en la privation des ressources escomptées pour rembourser l'emprunt contracté.

Aussi, les appelants prient-ils la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a désigné un huissier constatant, de l'infirmer pour le surplus, et de dire que la société Fiat auto France a résilié abusivement à effet des 5 et 6 octobre 1992, les deux contrats de concession à durée indéterminée qui la liaient à la SECA pour ses établissements de Port de Bouc et d'Istres, de condamner en conséquence la société Fiat auto France à régler à Maître Mariani ès qualité, la somme de 5 000 000 F et de 490 000 F à titre de dommages-intérêts, de dire que ces dommages-intérêts se compenseront à due concurrence avec toutes sommes connexes qui pourraient rester dues par la SECA à Fiat auto France au titre de l'apurement des comptes entre les parties, de dire qu'en résiliant abusivement les contrats qui la liaient à la SECA, la société Fiat auto France a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de la SARL Matheron, de condamner en conséquence Fiat auto France à régler à Maître Mariani ès qualités la somme de 2 880 000 F à titre de dommages-intérêts, et de condamner la même à régler aux appelants la somme de 50 000 F HT sur le fondement de l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Banque Populaire Provençale et Corse, intimée, conclut à la confirmation du jugement entrepris pour ce qui concerne la constatation faite par les premiers juges sur l'extinction de ses engagements de caution et de ceux de la société Agma, consécutive à la résiliation à la date du 8 octobre 1992 des deux contrats de concession ; elle demande à la Cour de faire droit aux demandes des appelants et de condamner la société Fiat auto France à lui régler la somme de 20 000 F HT au titre de ses frais irrépétibles ; à ces fins, elle fait siennes les écritures prises par les sociétés SECA, Matheron et par Maître Mariani.

La société AGMA, intimée, conclut dans le même sens que La Banque Populaire Provençale et Corse, sauf à voir condamner la société concédante au paiement de 15 000 F au titre de l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Fiat auto France, intimée demande à la Cour de déclarer les appelants irrecevables, subsidiairement mal fondés en leur appel, de dire que la résiliation du 8 octobre 1992 a été légitime et conforme aux stipulations contractuelles, de débouter les appelants de leurs demandes, de dire que la Banque Populaire Provençale et Corse est tenue de la garantir de toute dette née du chef de la société SECA au 1er avril 1993, de statuer ce que de droit sur le bien fondé de la mesure d'expertise ordonnée par la tribunal eu égard à l'absence de toute contestation de sa créance notifiée et aux pièces justificatives versées et relatives à la créance déclarée au passif de la société SECA, enfin, de condamner in solidum Maître Mariani ès qualité, les société SECA et Matheron, la Banque Populaire Provençale et Corse et la société Agma à lui régler la somme de 50 000 F au titre de ses frais irrépétibles.

A ces fins, elle affirme que les jugements intervenus dans le cadre des procédures collectives de la SECA et de la société Matheron et de l'extension à M. Matheron par effet des confusions de patrimoines, de ces procédures collectives, soulèvent une double difficulté née de l'application des articles 67 et 88 de la loi du 25 janvier 1985, l'administrateur judiciaire ayant seul disposé du pouvoir de poursuivre l'instance engagée le 16 novembre 1992, et la mission du commissaire à l'exécution du plan de cession prenant fin au jour du paiement du prix de cession.

Sur le fond du litige, la société concédante fait siens les motifs des premiers juges en soulignant que les données du document " prévisionnel " ont été établies par M. Matheron, que les prévisions y contenues ont été modifiées par la chute du marché automobile en 1991, ce dont Fiat auto France n'est pas responsable, que M. Matheron n'a nullement pris sa décision de rachat de la société SECA en fonction de cette prévision, que les dispositions de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989 ne sont pas applicables à ce rachat, antérieur au surplus à l'entrée en vigueur de ce texte et de son décret d'application, que Fiat auto France n'avait pas le devoir d'informer M. Matheron de ses négociations en cours ayant abouti à se restructuration alors que la société SECA n'était ni concessionnaire de la marque Lancia ni de la marque Alfa Roméo, que M. Matheron a commis de graves fautes de gestion en s'abstenant notamment de tenir une comptabilité durant le premier semestre 1992, et qu'il a opéré son montage financier sans l'approbation du conseil d'administration de la société SECA et sans celle du concédant ; elle reproche enfin à M. Matheron de n'avoir jamais envisagé ni proposé d'apporter à la société SECA les capitaux propres qui lui étaient devenus indispensables en 1992, et d'avoir seulement compté sur une augmentation de ses ventes, sur la vente de l'établissement secondaire d'Istres et sur une compression de la masse salariale alors que la situation financière était sans espoir et que le banquier de la société SECA avait perdu confiance en celle-ci.

Pour ce qui concerne la garantie de la Banque Populaire Provençale et Corse, la société Fiat auto France indique que cette dernière a pris un engagement à durée indéterminée qui s'étend jusqu'au mois d'avril 1993.

En réplique à la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée, les appelants affirment que l'action introduite en première instance par les sociétés SECA et Matheron a été reprise par Maître Mariani en sa qualité d'administrateur judiciaire, que l'appel a été interjeté par Maître Mariani en sa nouvelle qualité de commissaire à l'exécution du plan, que l'article 90 du décret du 27 décembre 1995 prévoit que les instances auxquelles était partie l'administrateur et qui ne sont pas terminées lorsque la mission de celui-ci a pris fin sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ; les appelants demandent donc à la Cour de déclarer Maître Mariani recevable en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, subsidiairement, " vu l'article 126 du nouveau code de procédure civile et le caractère indivisible de la matière en la présente espèce, en raison de l'appel des sociétés SECA et Matheron ", de déclarer Maître Mariani recevable en son intervention en sa qualité d'administrateur aux redressements judiciaires des deux sociétés.

La société Fiat auto France conclut à l'irrecevabilité de cette intervention du fait que les sociétés SECA et Matheron avaient fait l'objet d'un plan de cession et non d'un plan de continuation lorsque l'appel a été interjeté.

Sur ce, LA COUR,

1) SUR LA QUALITE A AGIR DE MAITRE MARIANI :

Considérant que pour le contrôle par la Cour de cette qualité, il est nécessaire de vérifier la chronologie des actes de la procédure en cours et des décisions prises par le tribunal de la procédure collective des société SECA et Matheron (c'est-à-dire Aix-en-Provence et Marseille).

25 janvier 1993 : jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire de la société SECA et désignant Maître Mariani en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission d'assistance ;

9 juin 1993 : jugement adoptant le plan de continuation de la société SECA et désignant Maître Mariani en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan ;

26 janvier 1994 : jugement prononçant la résolution du plan de continuation et ouvrant une nouvelle procédure de redressement judiciaire de la société SECA et désignant Maître Mariani en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission d'assistance ;

17 mars 1994 : mise en délibéré du jugement déféré et prononcé le 17 novembre 1994 ;

18 mai 1994 : jugement d'extension de la procédure de redressement judiciaire de la société SECA, à la SARL Matheron et à M. Matheron et ordonnant la confusion de leur patrimoine et maintien des organes de la procédure ;

20 juillet 1994 : jugement homologuant le plan de cession du seul fonds de commerce situé à Istres proposé par M. Vitasse nommant Maître Mariani en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan de cession et ordonnant que tous les biens qui n'entrent pas dans le cadre de ce plan de cession, soient cédés par les soins du commissaire à l'exécution du plan ;

prononcé le :

17 novembre 1994 du jugement entrepris intervenu entre la société SECA, la SARL Matheron, et la société Agma intervenant volontairement, Maître Mariani étant intervenant volontaire et ayant agi en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société SECA, la Banque Populaire Provençale et Corse et la SA Fiat auto France, après clôture des débats du 17 mars 1994 ;

12 décembre 1994 : appel formé par la société SECA, la société Matheron et Maître Mariani ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés SECA et Matheron.

Considérant que l'action a été introduite à une date antérieure à l'ouverture de la première comme de la seconde procédure de redressement judiciaire de la société SECA.

Considérant que la fin de non-recevoir soulevée par la société Fiat auto France concerne la qualité en laquelle Maître Mariani a formé appel le 12 décembre 1994 ; qu'elle ne vise pas la qualité en laquelle il a suivi la procédure devant le premiers juges.

Considérant que comme le soulignent utilement les appelants, les dispositions de l'article 126 du nouveau code de procédure civile permettent à la Cour d'écarter l'irrecevabilité si sa cause a disparu au moment où elle statue, dans les cas où le situation donnant lieu à la fin de non-recevoir, est susceptible d'être régularisée.

Or considérant que la société Fiat auto France fait valoir à bon droit que les dispositions de l'article 67 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985 qui prévoient la poursuite par les commissaires à l'exécution du plan, des actions introduites avant le jugement et qui arrêtent le plan, soit par l'administrateur, soit par le représentant des créanciers ne concernent pas les instances qui étaient en cours à la date d'ouverture du redressement judiciaire ; qu'il s'ensuit que Maître Mariani ne pouvait former appel en qualité de commissaire à l'exécution du plan, l'assignation introductive d'instance remontant à une date antérieure à l'ouverture du premier et du second redressement judiciaire de la société SECA.

Considérant que néanmoins, l'intervention de Maître Mariani en sa qualité d'administrateur judiciaire suivant conclusions du 14 novembre 1996 constitue la régularisation de l'acte d'appel du 12 décembre 1994, peu important en l'espèce qu'au moment où cet appel était formé, les société SECA et Matheron aient été sans qualité pour former leur recours aux côtés de Maître Mariani ;

Que l'appel de ce dernier s'avère donc recevable.

2) SUR LE FOND DU LITIGE :

a) Sur la demande en dommages-intérêts :

Considérant que pour preuve de l'application de mauvaise foi par la société Fiat auto France de la clause résolutoire des deux contrats de concession respectivement signés en 1985 et 1990, les appelants se fondent en premier lieu sur la parfaite connaissance qu'aurait eue la société concédante des modalités financières retenues par M. Matheron pour l'achat des parts sociales de la société SECA et sur l'absence d'informations suffisantes, devant être données à la SARL Matheron et à M. Matheron avant cette acquisition, sur le budget prévisionnel de la société SECA conformément à la loi du 31 décembre 1989, et sur la volonté de Fiat auto France de regrouper en 1991, les marques Fiat, Alfa Roméo et Lancia suivant des contrats de concession concernant deux ou trois de ces marques.

Considérant que pour ce qui concerne ces deux sortes d'informations, la société Fiat auto France fait utilement observer que ni M. Matheron ni la SARL Matheron n'ont jamais eu la qualité de concessionnaire Fiat, la société SECA ayant seule conservé cette qualité; qu'il s'ensuit que même si l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989 avait été applicable avant la publication de son décret d'application du 4 avril 1991, il n'aurait pu concerner la SARL Matheron ou M. Matheron dès lors qu'aucun de ceux-ci n'a conclu un contrat visé par ce texte, mais qu'ils ont seulement acheté des parts sociales d'un concessionnaire, avec l'agrément de la société concédante rendu nécessaire par le fait que le contrat de concession lui-même avait attaché à la personne physique du dirigeant de la concession, un caractère " intuitu personae ".

Considérant qu'au moment où la société Fiat auto France a accordé cet agrément, c'est-à-dire, le 7 février 1991, le regroupement des marques Alfa Roméo et Lancia avec la marque Fiat n'était pas encore acquis, puisque la lettre avertissant les concessionnaires de ce regroupement et leur donnant la possibilité de se porter candidats pour deux ou trois marques, n'a été adressée que le 22 juin 1992 ; qu'il s'ensuit que la société Fiat auto France n'avait aucune obligation d'informer le candidat acheteur des parts sociales de la concession SECA, des négociations en cours avec les dirigeants des deux concurrents absorbés.

Considérant qu'en outre, les appelants ne démontrent ni que Fiat auto France ait eu pleine connaissance des modalités financières consécutives au rachat des parts sociales, ni que la même concédante ait donné son approbation à ces modalités au moment de son agrément du 7 février 1991 ; qu'en effet, l'acte de prêt n'est intervenu que le 20 février 1991 et le contrat de gestion passé entre la société SECA et la SARL Matheron n'a été signé qu'au mois de juillet 1991, tous actes postérieurs à l'agrément ; qu'au surplus, le budget prévisionnel de 1991 n'avait retenu aucune redevance de 400 KF alors que le contrat du 21 juillet 1991 fixait à un chiffre compris entre 500 et 600 KF la rémunération de la SARL Matheron du chef de cette gestion ; qu'enfin, il convient d'observer que dès lors qu'elle avait constaté que les garanties prévues dans ses conditions d'agrément avaient été avancées par la société Matheron, la société Fiat auto France n'avait pas l'obligation de conseiller l'acheteur des parts sociales du concessionnaire quant aux modalités exactes du fonctionnement de ces sociétés ; qu'elle ne répond d'aucune responsabilité de ce chef.

Considérant qu'en second lieu, les appelants imputent à Fiat auto France la responsabilité de la non-réalisation du chiffre d'affaires de 27 MF prévu pour 1991 sur la base de la vente de 381 véhicules neufs.

Considérant que même s'il n'existe en l'espèce aucune preuve des mauvaises qualités de gestionnaire de M. Matheron, éléments admis à tort par les premiers juges, il n'en résulte pas moins des statistiques annuelles versées aux débats qui comparent l'évolution du taux de pénétration des marques étrangères en France et de celui de Fiat auto France, durant les années litigieuses, que la non-réalisation du chiffre d'affaires prévu (27 MF) et l'obtention d'un chiffre d'affaires de 20 MF de même ordre que celui atteint en 1990, ont pour cause une baisse générale du marché automobile en 1991 laquelle a été suivie en 1992 et 1993, d'un effondrement.

Considérant que la société Fiat auto France qui a été ces années là la victime de cette baisse comme les autres constructeurs automobiles, ne répond donc pas envers son concessionnaire ou les acheteurs des parts sociales de ce concessionnaire, des conséquences de cette baisse.

Considérant que la société SECA n'a vendu que 276 véhicules neufs, en 1991 ; considérant que le maintien du chiffre d'affaires au montant de celui atteint en 1990 a eu en l'espèce un effet catastrophique pour la société SECA du fait qu'en 1991, ses charges financières ont augmenté du montant " des prestations de gestion accomplies par la SARL Matheron ", lequel visait au remboursement de l'emprunt contracté en vue de l'achat des parts sociales de la société SECA.

Considérant qu'ainsi, compte tenu de la baisse générale du marché et de l'augmentation des charges financières, le résultat courant, positif obtenu en 1990, prévu pour l'être encore en 1991, a été négatif en 1991 (1 MF).

Considérant qu'en soulignant que la situation de la société SECA n'était pas si prospère en 1990 du fait qu'elle reposait en réalité sur l'importance du compte courant de son ancien dirigeant, les appelants concluent de la même manière que l'expert Fiat, M. Perard, lequel en septembre 1992 exposait que M. Matheron n'avait pas apporté les fonds propres au fonctionnement de la société SECA, dont le fonds de roulement devait être maintenu au niveau des 1 200 000 F exigés en 1991 par le concédant ;

Qu'ainsi, ce dernier ne peut répondre ni des conséquences de la conjoncture économique ni des structures financières mises en place par la société ayant racheté les parts sociales.

Considérant qu'en troisième lieu, les appelants reprochent à Fiat auto France l'absence de mesures d'accompagnement qui auraient constitué une exécution de bonne foi du contrat, durant l'année 1992 ;

Considérant qu'il résulte d'une lettre adressée au mois de juillet 1992 par M. Matheron à la société Fiat auto France, qu'à cette date, le bilan 1991 n'était pas encore établi et que la comptabilité de 1992 n'était pas à jour, alors que les contrats de concession prévoyaient un résultat sectoriel par trimestre.

Considérant que ce dirigeant n'était donc pas en mesure d'indiquer le nombre de ventes réalisées ; considérant que c'est la raison pour laquelle, M. Matheron a dû proposer à la Banque Populaire Provençale et Corse un budget pour 1992 s'appuyant sur une augmentation de ses ventes et une réduction de ses charges à obtenir par la vente de son établissement d'Istres et par une compression de la masse salariale.

Considérant que si la Banque Populaire Provençale et Corse ne renouvelait pas sa garantie au-delà du 20 février 1992, le concédant comme le concessionnaire savaient que contrat de concession prendrait fin.

Considérant qu'il ne peut utilement être reproché à la société Fiat auto France d'avoir alors soutenu le projet ainsi présenté à la Banque Populaire Provençale et Corse aux fins d'obtenir la prorogation de la garantie, laquelle a été accordée jusqu'au mois d'avril 1992, puis jusqu'au mois de mai 1992 pour être renouvelée jusqu'au 1er avril 1993, mais avec la caution solidaire d'Agma pour 750 000 F.

Considérant qu'il ne peut être davantage reproché à la même concédante d'avoir cru alors à la possibilité d'une augmentation des ventes pour 1992 fondée sur un plan de marketing nouveau destiné à présenter une série spéciale et un nouveau modèle, cette société comme ses concessionnaires, ayant été alors dans l'ignorance de la poursuite de la baisse amorcée en 1991.

Considérant que les appelants reprochent encore à la société concédante de les avoir privés de la vente d'une vingtaine de véhicules par la réduction progressive de ses encours de l'ordre de 3 MF en 1991 et égaux à 1,5 MF en juillet 1992, ce dernier montant étant égal à la caution de la Banque Populaire Provençale et Corse.

Considérant que cette réduction était néanmoins justifiée ; qu'en effet, le maintien de l'encours consenti pour l'établissement d'Istres ne pouvait être envisagé dès lors que depuis le mois de janvier 1992, cet établissement était présenté à la vente et que par un courrier du mois de mai 1992, le concessionnaire avait reconnu qu'il ne commandait plus de véhicules neufs pour ce garage ; qu'en outre, il convient de rappeler que l'absence de suivi de la comptabilité et les réticences manifestées à trois reprises par le banquier pour le renouvellement de sa garantie, justifiaient à elles seules la diminution du risque commercial de Fiat auto France.

Considérant qu'en quatrième lieu, les appelantes évoquent la légèreté et la soudaineté de la décision de résiliation à effet immédiat prise par la société Fiat auto France.

Considérant que contrairement à ce qu'il soutient, M. Matheron a pu avoir connaissance du rapport de M. Perard, nouveau conseiller de gestion de Fiat avant de recevoir la lettre de résiliation; qu'il l'a même évoqué dans son courrier du 1er octobre 1992.

Considérant que ce rapport n'avait rien de fantaisiste puisqu'il s'appuyait sur les données comptables enfin connues au milieu de l'année 1992, qu'il constatait que la société SECA ne disposait plus de fonds de roulement, et que compte tenu de la mévente de l'établissement d'Istres et de la persistance des charges attachées à ce fonds, le seuil de rentabilité de l'ensemble des deux établissements se situait à un niveau de vente de 461 véhicules, ce qui était irréalisable au vu de l'évolution de la conjoncture.

Considérant qu'en outre, la résiliation n'a revêtu en l'espèce aucun caractère abusif ou soudain; qu'en effet, depuis le mois de juillet 1992, le concessionnaire avait connu de graves difficultés de paiement constatées par les premiers juges, ce qui l'avait conduit à demander en juillet 1992 la reprise d'un stock de 800 KF de véhicules neufs et d'un stock de 1,5 MF d'un stock de véhicules d'occasion repris aux clients.

Considérant que le refus de reprise de ces stocks n'a pas été fautif en l'espèce, ce même si en 1993, Fiat auto France a pu prendre de telles mesures en faveur de ses concessionnaires, puisque le concédant n'y était pas contractuellement contraint et que les espoirs de redressement de son concessionnaire étaient très faibles compte tenu du seuil élevé de rentabilité de cette concession.

Considérant que l'incident de paiement du mois de juillet 1992 a été suivi le 7 septembre 1992 de l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception, constituant mise en demeure de payer; qu'il n'y a donc eu aucune soudaineté dans la décision de résiliation.

Considérant qu'en l'absence de fautes contractuelles de Fiat auto France envers son concessionnaire et de fautes délictuelles de la même envers les détenteurs des parts sociales de la société SECA, il échet de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté les parties de leurs demandes en dommages-intérêts.

b) Sur la mesure d'instruction et sur la demande formée contre La Banque Populaire Provençale et Corse :

Considérant que la société Fiat auto France a eu le 9 juin 1993 déclaré une créance de 1 567 686,90 F au passif de la société SECA, déclaration unilatéralement ramenée à 1 414 658,44 F ; que l'ensemble des factures auxquelles correspond cette créance sont nées de l'exécution soit du contrat de concession résilié à compter du 8 octobre 1992 soit du contrat de fourniture de lubrifiants entre les mêmes parties.

Considérant qu'en constatant que les engagements de cautionnement solidaires de la Banque Populaire Provençale et Corse et de la société Agma s'étaient éteints pour l'avenir à la date de l'effet de résiliation du 8 octobre 1992, les premiers juges ont seulement voulu rappeler le principe du caractère accessoire au contrat principal, du contrat de cautionnement ; que cela est si vrai qu'ils ont en outre clairement dit que la Banque Populaire Provençale et Corse était tenue dans la limite de la somme de 1 500 000 F en ordonnant la mesure d'instruction confiée à un huissier de justice.

Considérant qu'il y a lieu d'apporter cette précision dans le dispositif du présent arrêt, les dettes pouvant être réclamées par la société Fiat auto France dans la limite susvisée, devant toutes être nées avant la date de la résiliation des contrats de concession ; les deux engagements des cautions visant seulement ces contrats.

Considérant que malgré le temps écoulé depuis le prononcé du jugement entrepris, aucune des parties n'est en mesure d'indiquer à la Cour si une décision d'admission définitive de la créance de Fiat auto France est intervenue ; qu'il échet en conséquence de maintenir la mesure ordonnée par les premiers juges.

3) SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que les appelants, la Banque Populaire Provençale et Corse, et la société Agma, qui succombent et qui seront condamnées aux dépens, ne peuvent utilement prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que l'équité ne commande pas pour autant de faire au profit de la société Fiat auto France, une nouvelle application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la somme fixée par le tribunal étant suffisante.

Considérant qu'étant donné le sort de l'appel, chacune des sociétés Agma et Banque Populaire Provençale et Corse supportera 1/4 des dépens du recours, l'autre moitié étant mise en frais privilégiés de la procédure collective des société SECA et Matheron.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : LA COUR, Déclare recevable l'appel de Maître Mariani pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SECA et de la société Matheron ; Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée à l'exception de celle qui a constaté que les engagements de caution de la Banque Populaire Provençale et Corse et de la société Agma s'étaient éteints pour l'avenir à la date du 8 octobre 1992 date de la résiliation par la société Fiat auto France des contrats de concession. Statuant de nouveau de ce seul chef, Dit que la Banque Populaire Provençale et Corse et la société Agma demeurent tenues de leurs engagements de cautions respectifs envers la société Fiat auto France du chef des dettes envers cette dernières, de la société SECA nées antérieurement au 8 octobre 1992 et en exécution des contrats de concession litigieux. Déboute les parties de leurs demandes incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue, en ce comprises celles formées devant la Cour en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Fait masse des dépens d'appel, les partage entre les parties à l'exception de la société Fiat auto France ; Dit que la Banque Populaire Provençale et Corse et la société Agma en auront respectivement la charge du 1/4, l'autre moitié étant admise en frais privilégiés des procédures collectives de la société SECA et la société Matheron ; Admet Maître Ribaut, titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.