Cass. com., 18 novembre 1997, n° 95-20.808
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Garage du Progrès (SA), Gery (ès qual.), Sulzer (ès qual.)
Défendeur :
VAG France (SA), VAG Financement (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Huglo
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
SCP Boré, Xavier, SCP Peignot, Garreau.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Paris, 6 septembre 1995), que, le 19 décembre 1990, la société VAG France a procédé à la résiliation dite " ordinaire " du contrat de distribution automobile la liant à la société Garage du Progrès, avec préavis d'un an expirant le 31 décembre 1991, puis, le 12 avril 1991, a procédé à la résiliation dite " extraordinaire " du même contrat, avec effet immédiat ; que la société Garage du Progrès a assigné la société VAG France devant le tribunal de grande instance de Paris, en invoquant le caractère abusif de ces résiliations ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Garage du Progrès fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, que la résiliation extraordinaire ne peut opérer que pour des manquements graves du cocontractant à des obligations essentielles découlant du contrat ; que la cour d'appel en se contentant d'examiner si les conditions contractuelles de mise en œuvre de la résiliation " extraordinaire " étaient remplies, sans rechercher, ainsi que les exposants l'y invitaient, si ces conditions étaient conformes à l'article 85 du Traité CEE et au règlement 123-85 de la commission du 12 décembre 1984, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la résiliation " extraordinaire " était prévue à l'article XV du contrat en cas de protêts des effets, chèques impayés ou non règlement de tout autre moyen de paiement accepté par le concessionnaire, que le Garage du Progrès n'avait pas payé à la société VAG neuf véhicules que celle-ci avait livrés ainsi qu'un certain nombre de châssis livrés à des clients et qu'onze lettres de change étaient demeurées impayées à leur échéance ; qu'ainsi la cour d'appel a relevé que la résiliation " extraordinaire " intervenue avait été prononcée en application des clauses du contrat, lesquelles étaient de nature à bénéficier de l'exemption prévue par le règlement n° 123-85 de la Commission des Communautés européennes; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Garage du Progrès fait encore grief à l'arrêt, d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que le caractère abusif de la résiliation d'un contrat à durée indéterminée fonde un droit à réparation au profit du cocontractant auquel est opposée cette résiliation ; que ce caractère abusif résulte notamment de la contradiction entre la récompense octroyée au concessionnaire peu de temps avant la résiliation et celle-ci et de l'ancienneté des relations liant les parties ; qu'en décidant que la résiliation ordinaire exercée par VAG France n'était pas entachée d'abus, tout en constatant que la société Garage du Progrès était un concessionnaire dynamique et performant et la longévité des relations unissant les cocontractants, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que seule la résiliation ordinaire, assortie d'un délai suffisant, fixé à une année par l'article 5 point 2, 2°) du règlement 123-85 CEE, n'a pas à être motivée ; qu'en décidant que la résiliation ordinaire exercée par VAG France n'était pas abusive, alors que l'exercice par cette même société de la résiliation extraordinaire sans préavis dans le délai d'un an, constaté par la cour d'appel, avait abouti à priver la société Garage du Progrès du délai protecteur prévu par le règlement 123-85, la cour d'appel a violé les dispositions combinées de l'article 85 du Traité CEE, l'article 5 règlement 123-85 et de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que, depuis 1989, VAG France justifie avoir demandé à la société Garage du Progrès de prendre les mesures nécessaires pour améliorer sa situation financière et s'abstenir de procéder à des ventes parallèles et hors concession ; qu'en 1990, quatre lettres lui furent adressées pour lui demander de cesser de vendre des véhicules hors de son secteur, que le bilan au 30 avril 1990, et l'évaluation faite du fonds de la société Garage du Progrès en décembre 1990, montraient que les résultats étaient obérés par des charges excessives et un manque de production de certains postes, la cour d'appel a pu en déduire que la résiliation " ordinaire " du contrat faite le 19 décembre 1990, n'avait pas de caractère abusif ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt constate que, les 11 février 1991 et 15 mars 1991, VAG France adressait à la société Garage du Progrès deux mises en demeure de payer neuf véhicules et un certain nombre de châssis livrés à des clients et restés impayés, faute de quoi la résiliation extraordinaire du contrat serait notifiée ; que la cour d'appel ayant ainsi retenu que la résiliation extraordinaire avait été prononcée pour des motifs visés au contrat, le moyen manque en fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.