CA Nancy, 2e ch., 26 novembre 1997, n° 95-002896
NANCY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Aubry
Défendeur :
Pacini Frères (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lilti
Conseillers :
M. Malherbe, Mme Sammari
Avoués :
SCP Cyferman-Chardon, SCP Bonet-Leinster-Wisniewski
Avocats :
Mes Martin, Welzer.
Par déclaration en date du 21 septembre 1995, Monsieur Christian Aubry a interjeté appel du jugement rendu le 01 septembre 1995 par le tribunal de commerce de Mirecourt qui :
- l'a débouté de sa demande,
- l'a condamné à payer à la SA Pacini Frères, la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 500,00 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux dépens.
Monsieur Aubry expose que les faits qui lui sont reprochés, sont relatifs à des actes de concurrence concernant la gamme de salons produite par la société Création 2000, qu'il n'était lié contractuellement qu'avec la seule SA Pacini Frères, que les obligations que lui étaient imposées à raison de son contrat d'Agent Commercial concernaient la seule fabrication ou commercialisation des produits dont la représentation lui était concédée, que rien ne lui interdisait de présenter les salons diffusés pour le compte de la société ACR puisqu'il n'était lié ni avec la SA Pacini ni avec la société Création 2000 pour ce type de produit et que dès lors la preuve d'une faute grave justifiant le non versement de l'indemnité prévue à l'article 3 du Décret du 23 décembre 1958 n'est pas rapportée.
Il demande en conséquence à la Cour de :
- infirmer la décision entreprise en toutes dispositions et statuant à nouveau :
- condamner la SA Pacini Frères à verser à Monsieur Aubry, une somme de 1 633 139,78 F au titre de l'indemnité légale du rupture du contrat d'Agent Commercial,
- la condamner également au paiement d'une somme de 182 806,83 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- la condamner enfin au paiement d'une somme de 75 361,68 F H.T. au titre des commissions restant dues à Monsieur Aubry, sous réserve de décomptes non produits à ce jour par la SA Pacini Frères,
- condamner la SA Pacini Frères au paiement d'une somme de 10 000,00 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- la condamner en outre au paiement d'une somme de 15 000,00 F au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- la condamner enfin aux entiers dépens d'instance et d'appel lesquels seront recouvrés directement par la SCP Bonnet Leinster - Wisniewski, Avoués Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.
La SA Pacini Frères réplique que Monsieur Aubry avec d'autres agents commerciaux a créé une société concurrente de la SA Pacini Frères et de sa nouvelle enseigne Créations 2000, la société ACR ayant pour objet la diffusion de produits concurrents et qu'il a également dénigré ses produits.
Elle estime que ces manquements justifient la rupture du contrat de représentation aux torts exclusifs de Monsieur Aubry sans indemnité.
Elle conclut dans ces conditions à la confirmation de la décision entreprise.
Faisant valoir que la concurrence déloyale commise par plusieurs agents commerciaux lui a causé un préjudice certain et considérable, elle interjette appel incident et demande à la Cour de lui allouer la somme de 500 000,00 F en réparation de ce préjudice.
Elle demande enfin le montant de 10 000,00 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Dans ses dernières écritures, Monsieur Aubry fait remarquer que son contrat d'Agent Commercial ne lui impose aucune obligation à l'égard des filiales de la SA Pacini Frères est que celle-ci n'établit pas le préjudice dont elle fait état.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 03 juin 1997 et l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 01 octobre 1997.
Motifs de la décision :
Le 07 octobre 1986 a été conclu entre la SA Pacini Frères et Monsieur Aubry, un contrat d'Agent Commercial aux termes duquel la SA Pacini Frères confiait à Monsieur Aubry le mandat de la représenter auprès de la clientèle qu'il visite dans le secteur ainsi défini : départements 62 - 59 - 08 - 02 - 80 - 76 - 27 - 60 - 51 - 52 et Monsieur Aubry offrait à la vente les produits fabriqués, importés ou diffusés par la SA Pacini Frères.
Le 16 mars 1993, la SA Pacini Frères a notifié à Monsieur Aubry la fin de leurs relations commerciales pour fautes lourdes justifiant la rupture du mandat sans aucune indemnité.
Trois fautes étaient invoquées par la SA Pacini Frères dans le courrier du 16 mars 1993 : création d'une société concurrente ; dénigrement auprès de la clientèle de la nouvelle enseigne de la société Pacini, la société Création 2000 ; baisse du chiffre d'affaires.
Selon les dispositions de l'article 3 du contrat d'Agent Commercial, Monsieur Aubry s'engageait notamment à faire tous les efforts nécessaires pour promouvoir le développement des ventes visées à l'article I et pour défendre les intérêts de la SA Pacini Frères ; il s'interdisait également toute activité se rapportant à la fabrication et à la commercialisation de tous articles susceptibles de concurrencer ceux dont la représentation lui est ainsi concédée.
Le 02 février 1993 a été créée entre plusieurs agents commerciaux dont Monsieur Aubry, une société dénommée " Agents Commerciaux Réunis " ACR " ayant pour objet la distribution, la représentation, le négoce en qualité de mandant des producteurs et distributeurs de tous matériels, produits et marchandises quelconques, Monsieur Aubry détenant 20 % des parts.
Antérieurement à partir de 1992, la SA Pacini Frères a commercialisé une nouvelle gamme de produits, de salons, d'abord présentés sous l'enseigne " Création 2000 " et ensuite par la SA Création 2000.
La SA Pacini Frères a proposé à Monsieur Aubry d'intégrer dans son activité la nouvelle gamme de salons produite par la société Création 2000 ; Monsieur Aubry a refusé cette proposition par courrier du 14 décembre 1992 en faisant état d'un pourcentage insuffisant.
Il est ainsi établi que Monsieur Aubry savait que la nouvelle gamme de produits " Création 2000 " était commercialisée par la SA Pacini Frères.
La SA Pacini Frères établit que les activités de " Création 2000 " et de la société ACR étaient concurrentes pour la production d'un bon de commande à entête de la société ACR, ayant pour objet des salons.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le refus de Monsieur Aubry de commercialiser les salons proposés par la SA Pacini Frères n'était pas véritablement fondé sur une rémunération trop faible mais était motivé par le désir de commercialiser les mêmes produits pour le compte de la société ACR dont il était un des associés.
La volonté de Monsieur Aubry de concurrencer la SA Pacini Frères et de lui porter atteinte est également établie par l'attestation de Monsieur Jean-Claude Gustin versée aux débats et les attestations de Messieurs Franquin et James.
La preuve est dès lors rapportée que Monsieur Aubry a manqué à ses obligations de non concurrence et de loyauté définies à l'article 3 de son contrat d'Agent Commercial.
Il y a lieu de préciser à ce sujet que les salons " Création 2000 " se rattachent incontestablement aux produits déjà commercialisés par la SA Pacini Frères et visés par le contrat d'Agent Commercial et que le moyen de Monsieur Aubry selon lequel il n'est tenu d'aucune obligation envers la société " Création 2000 " ne saurait être retenu par la Cour dans la mesure où le devoir de loyauté de l'Agent Commercial concerne les produits commercialisés directement par le représenté mais également ceux qu'il représente et commercialise sous une autre enseigne ou par une filiale.
Ce comportement de la part de Monsieur Aubry est constitutif d'une faute lourde de nature à justifier la rupture sans indemnité du contrat d'Agent Commercial.
Monsieur Aubry sera en conséquence, débouté de son appel.
La SA Pacini Frères ne démontre pas avoir subi un préjudice susceptible de justifier l'allocation d'une somme supérieure à 20 000,00 F à titre de dommages-intérêts.
Son appel incident sera rejeté.
Il apparaît équitable de condamner Monsieur Aubry à payer à la SA Pacini Frères, la somme de 5 000,00 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La demande de Monsieur Aubry sur le même fondement et celle à titre de dommages-intérêts sont rejetées.
Il y a lieu enfin de condamner Monsieur Aubry aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Cyferman-Chardon, Avoués Associés.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare Monsieur Aubry Christian recevable en son appel principal et la SA Pacini Frères recevable en son appel incident, Les en déboute, Confirme le jugement du tribunal de commerce de Mirecourt en date du 01 septembre 1995 en toutes ses dispositions, Y ajoutant : Condamne Monsieur Aubry Christian à payer à la SA Pacini Frères, la somme de Cinq Mille Francs (5 000,00 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute Monsieur Aubry Christian de sa demande sur le même fondement et de celle à titre de dommages-intérêts, Condamne enfin Monsieur Aubry Christian aux entiers dépens d'appel et autorise la Société Civile Professionnelle Cyferman-Chardon, Avoués Associés, à faire application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.