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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 4 décembre 1997, n° 96-0002498

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bonaudo

Défendeur :

Verjo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ottavy

Conseillers :

M. Derdeyn, Mme Ilhe- Delannoy

Avoués :

SCP Capdevila-Gabolde, SCP Argellies

Avocats :

Me Auby, SCP Chatel.

T. com. Montpellier, du 21 févr. 1996

21 février 1996

FAITS ET PROCEDURE

Au cours du dernier trimestre 1992 Bonaudo Maurice exploitant un salon de coiffure 5 place Jean Jaurès à Arles concluait avec Barber Guy un contrat de franchise, pour une durée de 5 ans, avec effet au 10 décembre 1992.

Par courrier du 4 octobre 1993 Bonaudo Maurice résiliait le contrat.

Sur assignation délivrée à la requête de Guy Barber à l'encontre de Bonaudo Maurice le Tribunal de Commerce de Montpellier a, par jugement du 23 novembre 1994, ordonné une expertise confiée à M. Dewintre.

A la suite du dépôt du rapport de l'expert, la même juridiction a, par jugement du 21 février 1996, condamné Bonaudo Maurice à payer à la société Verjo, venue aux droits de Barber Guy, la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts outre celle de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le 11 mars 1996 Bonaudo Maurice a relevé appel de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Maurice Bonaudo demande à la Cour de réformer la décision déférée et, à titre principal de dire nul le contrat de franchise conclu avec Guy Barber et de condamner la société Verjo à lui payer la somme de 150 000 F en réparation des préjudices subis, outre celle de 100 000 F à titre de provision sur les restitutions à intervenir et à chiffrer par expertise.

A titre subsidiaire Bonaudo Maurice demande à la Cour de constater l'existence d'un contrat de franchise entre Barber et la société Somat et de condamner la société Verjo pour inexécution des obligations contractuelles à leur payer la somme de 150 000 F à titre de dommages et intérêts.

Enfin en toutes hypothèses Bonaudo Maurice demande à la Cour de condamner la société Verjo à lui payer la somme de 150 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions Bonaudo Maurice soutient, à titre principal, que le contrat de franchise est nul parce qu'il y a eu violation de la loi du 31 décembre 1989, violation de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et insuffisance des éléments caractéristiques du contrat de franchise, notamment du savoir-faire transmis et de la politique commerciale appliquée.

A titre subsidiaire Bonaudo Maurice soutient que Guy Barber aux droits duquel est venue la société Verjo n'a pas respecté ses engagements contractuels, qu'il n'y avait aucune formation ni assistance commerciale sérieuse et que, de plus, il ne s'est pas comporté avec loyauté comme l'exigent les dispositions de l'Article 1134 al. 3 du Code Civil.

La société Verjo demande à la Cour de confirmer en son principe le jugement déféré mais de le réformer quant aux sommes allouées et de condamner Bonaudo Maurice à lui payer la somme de 67 500 F au titre du préjudice résultant de la rupture anticipée, celle de 140 000 F au titre de la violation de l'obligation du secret et de non divulgation du savoir-faire à un tiers, celle de 169 000 F au titre du préjudice commercial, outre celle de 20 000 F au titre de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Verjo demande également de condamner Bonaudo Maurice à une amende civile.

Au soutient de ses demandes la société Verjo fait valoir que le franchiseur a rempli ses obligations au regard de la loi du 31 décembre 1989 et qu'il n'a pas violé les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Elle fait également valoir qu'il y avait transmission d'un réel savoir-faire, tant technique que financier ou commercial.

Enfin, la société Verjo fait valoir que Bonaudo Maurice a manqué à ses obligations contractuelles lui créant d'importants préjudices.

DISCUSSION

Sur l'application de la loi du 31 décembre 1989 dite Loi Doubin :

Bonaudo soutient que le contrat de franchise est nul au motif qu'il n'aurait pas reçu, dans le délai prévu par la Loi, les documents précontractuels.

Au contraire, la société Verjo soutient que les dispositions légales et réglementaires ont parfaitement été respectées.

Il convient tout d'abord de constater que, si le contrat prévoit, en son article 12, qu'il commence à prendre effet au 10 décembre 1991, il n'est pas daté. Toutefois, il s'induit des mentions manuscrites, figurant sous l'article 19, concernant le paiement du droit d'entrée à effectuer au jour de la signature du contrat, que celui-ci a été signé le 18 novembre 1992 date du chèque de 7 790 F.

Il est inopérant sur ce point de savoir que la " Bible Barber Shop " n'a été transmise que le 25 Novembre 1992 à Bonaudo car cette bible qui correspond à la transmission, au moins partielle, du savoir-faire n'est pas l'un des documents précontractuels visé par le Décret du 4 Avril 1991 pris pour l'application de l'article 1er de la Loi Doubin.

Il résulte d'un courrier du 26 octobre 1992 de Guy Barber à Bonaudo Maurice qu'un certain nombre de documents dits précontractuels ont été transmis à cette date soit plus de 20 jours avant la signature du contrat.

De la teneur de ce courrier et de la liste des documents annexés qu'on été transmis à Bonaudo, la copie du dépôt de la marque Barber Shop, le projet de contrat, la liste des salons Barber Shop, les deux derniers bilans du franchiseur, les précisions quant à la durée du contrat, quant à la possibilité de rupture et quant à la cession ou la transmission de celui-ci.

Or force est d'observer que par rapport à l'énumération visée à l'article Premier du Décret du 4 Avril 1991 un certain nombre d'indications n'ont pas été données.

Ainsi en est-il de la ou des domiciliations bancaires (3 de l'article susvisé), de la date de la création de l'entreprise avec le rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, ainsi que les indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou les dirigeants (4 de l'article 1er du Décret du 4 avril 1991), de la présentation de l'état général et local du marché des produits et services devant faire l'objet du contrat ainsi que les perpectives du développement de ce marché (4 in fine de l'article 1er du Décret susvisé), de la mention du nombre d'entreprises liées au réseau qui, au cours de l'année précédente, ont cessé d'en faire partie (Article le 5 C du Décret du 4 Avril 1991), ou enfin de la précision de la nature et du montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque à engager avant le débat de l'exploitation (Art. 16 in fine du Décret du 4 Avril 1991).

Par ailleurs, la reconnaissance de la remise des documents précontractuels portés à l'article 21 du contrat signé par Bonaudo et Barber, du fait même de sa rédaction générale et parce qu'elle ne comporte aucune précision est insuffisante pour démontrer que Bonaudo Maurice a reçu l'information complète et précise visée par l'article 1er de la Loi Doubin et par l'article 1er de son Décret d'application, ce d'autant, que cette mention générale est en contradiction avec le courrier du 26 Octobre 1992.

L'obligation précontractuelle de renseignements prévue par la Loi du 31 décembre 1989 dite loi Doubin et par le Décret d'application du 4 avril 1991 est, en cas de non respect, pénalement sanctionnée, ce qui démontre le caractère d'ordre public de ces textes et il s'ensuit que l'inexécution, dans le délai légal, par le franchiseur de l'intégralité de cette obligation précontractuelle de renseignements entraîne la nullité du contrat.

Dès lors le contrat conclu entre Barber Guy et Bonaudo Maurice est nul puisque l'obligation d'informations précontractuelle de renseignements n'a pas été intégralement remplie par Barber Guy.

Sur les autres moyens soulevés :

Du fait même de la nullité du contrat par application des dispositions de l'article 1er de la Loi Doubin et de son Décret d'application du 4 avril 1991 il n'apparaît pas utile de se prononcer sur les autres moyens, devenus sans objet, soulevés par Bonaudo, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire ni sur les autres moyens de défense présentés par la société Verjo.

Sur les conséquences de la nullité :

La nullité du contrat conclu fin 1992 entre Barber Guy et Bonaudo Maurice entraîne que les choses doivent être remises en état comme si le contrat n'avait jamais existé.

Il doit donc y avoir restitutions des fournitures réciproque Barber Guy devant restituer les sommes perçues et Bonaudo Maurice les prestations qu'il a reçues. Or, à l'évidence, ce dernier ne peut restituer ces prestations puisque l'exécution du contrat pendant un peu moins d'une année rend en fait impossible toute restitution des prestations d'utilisation de la marque et des produits, de publicité, de formation, d'information ou d'exécution des modèles de coiffure Barber Shop.

Dès lors que ces restitutions ne sont plus matériellement possibles, il convient de préciser que la société Verjo, venue aux droits de Barber, ne sera pas elle-même tenue de restituer la contrepartie de ces prestations. En conséquence, la société Verjo ne sera tenue qu'à restitution du droit d'entrée.

Il n'apparaît pas utile, sur ce point du calcul des restitutions, de faire droit à la demande d'expertise de Bonaudo Maurice.

Bonaudo Maurice ne justifie pas des préjudices qu'il allègue concernant une désorganisation de son entreprise commerciale ou une atteinte à sa réputation professionnelle ou encore provoqué par la présente procédure. Sa demande en paiement de dommages et intérêts sera donc rejetée.

L'application des dispositions de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile conduit à allouer à Bonaudo Maurice une somme de 5 000 F.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, En la forme reçoit l'appel ; Au fond, Réforme le jugement déféré ; Dit nul le contrat de franchise conclu entre Barber Guy et Bonaudo Maurice ; Condamne la société Verjo à payer à Bonaudo Maurice la somme de Quinze mille francs (15 000 F) HT en remboursement du droit d'entrée dans le réseau ; Dit n'y avoir lieu à autres restitutions du fait de l'impossibilité matérielle de Bonaudo de restituer les prestations reçues ; Déboute Bonaudo Maurice de sa demande en paiement de dommages et intérêts.