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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 19 décembre 1997, n° 95-28578

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sièges d'Argentat (SA), Meynard (ès qual.)

Défendeur :

Deliencourt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

MM. Bouche, Breillat

Avoués :

SCP Bourdais-Virenque, SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet

Avocats :

Mes Larant, Berion.

T. com. Bobigny, 2e ch., du 14 sept. 199…

14 septembre 1995

Considérant que la société Sièges d'Argentat a fait appel le 11 décembre 1995 d'un jugement contradictoire du 14 septembre 1995 du Tribunal de commerce de Bobigny qui l'a condamnée avec exécution provisoire à payer à son agent commercial Alain Deliencourt 9 953,36 F d'arriéré de commissions avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 1993 et 72 170 F d'indemnité compensatrice de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 1993 ;

Considérant que l'appelante a exposé par conclusions du 10 avril 1996 qu'elle avait engagé Alain Deliencourt le 20 août 1991 pour une durée indéterminée et lui avait confié la représentation de sa fabrication de " canapés, fauteuils et salons " à Paris et dans sept départements de la région parisienne ramenés à quatre en novembre 1992, et que les résultats décevants obtenus par son agent l'avaient conduite à l'informer le 7 janvier 1993 de ce qu'il lui fallait apporter un minimum de 120 000 F de ventes et à mettre fin au contrat le 21 mai 1993 parce que le chiffre d'affaires était resté très en deçà de l'objectif ;

Qu'elle reprochait aux premiers juges d'avoir refusé de reconnaître qu'Alain Deliencourt avait accepté les modifications successives du contrat d'origine même si aucun avenant n'avait été signé ; qu'elle soutenait que l'insuffisance des résultats de la prospection de son agent, 208 404 F de commandes seulement pour les quatre premiers mois de 1993, constituait une faute grave, justifiant la rupture dont elle a pris l'initiative ;

Qu'elle prétendait enfin qu'elle avait versé les cotisations dues, les parties ayant convenu d'un taux de 8 % mais aussi d'une diminution de moitié de ce taux si des remises de plus de 10 % étaient consenties aux clients ou pour certaines ventes en particulier celles réalisées sur un salon ;

Qu'elle sollicitait de la Cour qu'elle déboute Alain Deliencourt de ses demandes et le condamne aux dépens ;

Considérant que Maître Jean Meynard commissaire à l'exécution du plan de la société Sièges d'Argentat est intervenu le 2 mai 1996 pour reprendre à son compte les demandes de l'appelante ;

Considérant qu'Alain Deliencourt expose quant à lui qu'il bénéficiait d'une exclusivité ; qu'il a obtenu en 21 mois de travail une progression constante des commandes, qu'il avait certes accepté en janvier 1993 un objectif d'un chiffre d'affaires mensuel de 120 000 F hors taxes mais que celui-ci s'est avéré irréaliste et n'a pu être réalisé, enfin qu'il avait été brutalement informé par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mai 1993 d'une rupture à effet du 30 mai 1994 avec dispense d'effectuer son préavis de deux mois ;

Qu'il nie toute " faute grave ", précise que les commandes sont passées des 48 676 F des quatre derniers mois de 1991 aux 238 404 F des quatre premiers mois de 1993 et prétend que les lettres de la société Sièges d'Argentat réduisant le taux des commissions et fixant l'objectif mensuel à 120 000 F n'ont aucune valeur contractuelle et que la société Sièges d'Argentat n'a pas pu contribué au faible niveau des ventes par ses retards voire même absences de livraison et défauts des articles livrés, ses suppressions de modèles catalogués et ses refus de fabrication de modèles spéciaux ;

Qu'elle réitère sa demande d'arriéré de commissions et d'indemnité de rupture et sollicite de la Cour la confirmation du jugement et 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que la société Sièges d'Argentat et Maître Jean Meynard ès qualités répliquent que les correspondances échangées valaient avenant contractuel, que par lettre du 28 novembre 1992 Alain Deliencourt a " confirmé la cession à un tiers d'une partie de son secteur commercial " et qu'il convient d'en tenir compte subsidiairement pour réduire l'indemnité de rupture ;

Qu'ils reprochent en outre à Alain Deliencourt d'avoir négligé ses obligations de prospection, précisent que leur agent disposait d'une autre carte et imputent le développement des ventes sur son secteur à des interventions des dirigeants de la société Sièges d'Argentat ;

Considérant que l'insuffisance des résultats obtenus par un agent commercial exclusif, ainsi que l'était Alain Deliencourt, constitue un motif légitime de rupture; que la société Sièges d'Argentat était contractuellement tenue de respecter un préavis ; qu'il n'est pas contesté que la société Sièges d'Argentat a versé une indemnité de préavis égale à deux mois de produit de son travail ; que la quasi-instantanéité de la rupture n'est pas répréhensible compte tenu de l'exclusivité concédée et de l'insignifiance des résultats obtenus ;

Considérant qu'Alain Deliencourt a " confirmé " par lettre du 20 novembre 1992 son souhait accepté le 18 décembre 1992, de voir son secteur réduit de façon sensible " dans l'intérêt commun " et de ne conserver que Paris et quatre départements voisins ; qu'il a signé pour approbation la lettre du 7 janvier 1993 de la société Sièges d'Argentat lui notifiant un objectif mensuel de 120 000 F hors taxes de chiffre d'affaires à défaut duquel il serait mis fin à sa collaboration avec un préavis de trois mois ;

Que cet échange épistolaire de consentements vaut avenant ; qu'Alain Deliencourt ne conteste pas qu'il n'a réalisé que la moitié environ de l'objectif convenu ; qu'il ne demande pas d'indemnité pour le mois de préavis manquant ;

Considérant que la société Sièges d'Argentat et Maître Jean Meynard justifient qu'en réalité dès novembre 1992 Alain Deliencourt s'était engagé à " rendre une partie du secteur qu'il n'avait pas ou ne prospectait plus " ; qu'ils produisent plusieurs attestations émanant de clients revendeurs certes récentes mais qui dénoncent toutes la quasi-inexistence de la prospection de l'intimé ; que les chiffres d'affaire qu'Alain Deliencourt énumère dans ses conclusions d'appel, témoignent à eux seuls, dès lors qu'Alain Deliencourt s'était vu confier un très vaste secteur au potentiel considérable et qu'il n'est pas établi que la mévente tient à des carences du fabricant, d'une insuffisance chronique d'activité de démarchage pour le compte de l'appelante qu'explique l'exercice concomitant d'une autre activité mi-sédentaire pour une autre entreprise; que cette faute grave exclut toute indemnisation des conséquences de la rupture;

Considérant qu'Alain Deliencourt a versé aux débats de première instance des relevés de commissions au 31 décembre 1992 et 31 août 1993 ; que les appelants ont eu tout loisir de les discuter et n'ont fourni, tant dans leurs conclusions que dans le dossier qu'ils ont fait remettre à la Cour, aucun élément étayant leur négation de la dette ; qu'il convient de déduire de cette carence que les opérations citées donnant lieu à commission existaient et que la rémunération correspondante n'a pas été versée ;

Considérant qu'il n'est justifié cependant d'aucune déclaration d'une créance quelconque d'Alain Deliencourt au passif de la société Sièges d'Argentat ; que la créance de 9 953,36 F est éteinte ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable que l'appelante conserve la charge de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Déclare Alain Deliencourt mal fondé en toutes ses demandes, Condamne Alain Deliencourt en tous les dépens de première instance et d'appel ; Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.