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Décisions

Cass. com., 20 janvier 1998, n° 96-18.353

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

SCAO (Sté)

Défendeur :

Automobiles Citroën (Sté), Société commerciale Citroën

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Delaporte, Briard.

T. com. Paris, 18e ch., du 12 oct. 1994

12 octobre 1994

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 4 juillet 1996), que, par contrat des 18 juillet et 1er septembre 1990, à durée indéterminée, la société Automobiles Citroën et la société commerciale Citroën (les sociétés Citroën) ont cédé leur concession déficitaire à la société SCAO constituée à cet effet ; que les sociétés Citroën ayant résilié le contrat le 28 août 1992, avec effet au 31 août 1993, la société SCAO les a assignées en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive ; que le Tribunal a accueilli cette demande et condamné solidairement les sociétés Citroën à payer à la société SCAO la somme de 5 000 000 francs à titre de dommages-intérêts ; qu'en cours d'instance d'appel, le magistrat de la mise en état a accordé l'exécution provisoire du jugement ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1147 du Code civil ; - Attendu que, pour infirmer le jugement et rejeter la demande de la société SCAO, l'arrêt retient qu'en raison de la poursuite de la chute des ventes de véhicules neufs, les sociétés Citroën étaient en droit de mettre fin au contrat deux ans après l'avoir conclu, moyennant un préavis d'une année;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir retenu que les sociétés concédantes avaient subordonné la conclusion du contrat à la constitution d'une société au capital de 1 500 000 francs entièrement libéré, au blocage en comptes courants de 2 500 000 francs d'apports d'associés et à l'obtention de 8 600 000 francs de crédits divers, que ces conditions ont été remplies par le concessionnaire, que le contrat portait dès l'origine sur une concession " déficitaire ", que " le redressement espéré de la concession impliquait, compte tenu des investissements exigés de la société SCAO, que le concessionnaire bénéficie d'une période relativement longue d'exploitation pour assurer la pérennité de son entreprise " et que le pacte de préférence ainsi que la promesse de revente d'une durée de dix années attestaient que " les parties avaient envisagé des relations contractuelles de longue durée ", la cour d'appel, dès lors que les sociétés concédantes ne prétendaient pas que la durée de deux années constituait la période relativement longue d'exploitation prévue au contrat, mais se bornaient à soutenir que le concédant, en résiliant un contrat à durée indéterminée moyennant le préavis contractuel, ne commettait aucun abus de droit puisque la société SCAO connaissait, au moment de la conclusion du contrat, " la précarité des liens contractuels ", n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu les articles 1147 et 1134 du Code civil ; - Attendu que, pour infirmer le jugement et rejeter la demande de la société SCAO, l'arrêt retient qu'en raison de la poursuite de la chute des ventes de véhicules neufs, les sociétés concédantes étaient en droit de mettre fin au contrat deux ans après l'avoir conclu, moyennant un préavis d'une année ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi sans relever ni que le redressement des ventes de véhicules neufs, dans un certain délai, figurait parmi les diverses conditions du contrat, ni que les sociétés Citroën avaient informé le concessionnaire, soit lors de la conclusion du contrat, soit lors du renouvellement du 1er janvier 1992, de leur intention de ne maintenir le contrat que si ces ventes atteignaient un certain quota, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1147 du Code civil ; - Attendu que, pour infirmer le jugement et rejeter la demande de la société SCAO, l'arrêt retient qu'en raison de la poursuite de la chute des ventes de véhicules neufs, les sociétés concédantes étaient en droit de mettre fin au contrat deux ans après l'avoir conclu, moyennant un préavis d'une année ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir retenu que la chute des ventes de véhicules neufs était partiellement due au " marasme général du marché de l'automobile " et que le redressement qui a suivi la prise d'effet de la résiliation avait été " facilité par la sortie de nouveaux modèles ", sans préciser en quoi la poursuite de la chute des ventes de véhicules neufs était imputable au concessionnaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société SCAO à restituer à la société Automobiles Citroën et à la société commerciale Citroën la somme de 5 000 000 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 1995, l'arrêt rendu le 4 juillet 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.