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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 21 janvier 1998, n° 2387-95

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lagraulet

Défendeur :

Labo Industrie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lambremon-Latapie

Conseillers :

M. Mahieux, Mme Rouvière

Avoués :

SCP Thoma & Le Runigo, SCP Six & Guillaume

Avocats :

Mes Auguet, Martin.

TGI Chalons-en-Champagne, du 31 mai 1995

31 mai 1995

LA COUR,

Vu l'appel formé par M. Francis Lagraulet à l'encontre d'un jugement rendu le 31 mai 1995 par le Tribunal de grande instance de Châlons-sur-Marne qui l'a condamné en qualité de caution de la SARL Super Car à verser à la SA Labo Industrie :

- 225 843,28 F à titre principal,

- 4 888,14 F au titre des intérêts contractuels,

- 4 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Faits et procédure :

Par acte sous seing privé du 18 mars 1992, la SARL Super Car représentée par son gérant M. Eric Colin, souscrivait auprès de la société Labo Industrie un contrat de fourniture de lubrifiant sur la base de 3 500 litres par an.

En contrepartie de cet engagement, la société Labo Industrie consentait à la société Super Car une avance de 180 000 F remboursable en 5 annuités de 49 933,80 F outre des intérêts au taux de 12 % par compensation avec les remises applicables pour chaque livraison effectuée.

Le même jour, M. Francis Lagraulet se portait caution de la société Super Car pour la somme de 180 000 F outre les intérêts conventionnels et pour le montant des marchandises livrées au titre du contrat précité.

Le 6 avril 1993, la société Labo Industrie réduisait le volume d'achat minimum à 2 500 litres par an et allongeait la durée du contrat de 2 ans.

Le 15 avril 1993 la société Super Car était placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire le 30 juin 1993.

La créance de la société Labo Industrie était déclarée le 26 mai 1993.

Par lettre du même jour, cette société mettait en demeure M. Francis Lagraulet en qualité de caution de lui régler 229 102,04 F.

Cette mise en demeure restant vaine, la société Labo Industrie obtenait le 23 juin 1993 du Président du Tribunal de commerce de Châlons-sur-Marne, une ordonnance portant injonction de payer contre laquelle M. Francis Lagraulet formait opposition.

Le Tribunal de Commerce se déclarait incompétent au profit du tribunal de Grande Instance de Châlons-sur-Marne devant lequel la société Labo Industrie réitérait sa demande, sollicitant en outre 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Moyens des parties :

Pour s'opposer au paiement, M. Lagraulet reprend les arguments exposés devant le tribunal :

- réclamant le bénéfice de l'article 2037 du Code civil, il prétend rapporter la preuve de l'existence d'un stock de bidons d'huile en provenance de la société Labo Industrie qu'elle aurait pu utilement revendiquer dans le cadre de la procédure collective,

- se prévalant de l'article 1 de la loi Doubin, il prétend que la société Labo Industrie a manqué à son obligation d'information ce qui entraîne la nullité du contrat pour dol,

- il soutient que même si cette loi est inapplicable, le défaut d'information des cautions sur la rentabilité de l'opération constitue une réticence dolosive,

- il prétend être libéré de son engagement en raison de la novation intervenue le 6 avril 1993, soulignant la prorogation de durée du contrat alors que la durée est un élément déterminant de l'engagement de caution.

Il sollicite 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Labo Industrie conclut à la confirmation du jugement soutenant que M. Lagraulet ne rapporte pas la preuve de ce que la société Super Car détenait au moment du dépôt de bilan un stock significatif et identifiable d'huile en provenance de chez elle, ne produisant pas la fiche de vente aux enchères qui, en tout état de cause ne fait état que d'un stock d'une valeur de 2 500 F, somme seule déductible de la dette due pour fournitures, en application de l'article 2037 du Code civil, la clause de réserve de propriété n'étant pas applicable à l'avance de 180 000 F ;

Elle réclame 10 000 F pour frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 1997.

Sur quoi,

Attendu que l'article 1 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 vise " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité " ;

Attendu qu'il n'établit donc pas de distinction entre les contrats de franchise ou concession et ceux de distribution mais suppose la réunion de deux conditions :

- l'assistance commerciale par laquelle le fournisseur met à la disposition d'un distributeur des produits de sa marque moyennant l'obligation pour ce dernier de faire figurer la marque de façon visible ;

- un engagement d'approvisionnement exclusif ou quasi exclusif ;

Attendu qu'en l'espèce ces deux conditions sont prévues par l'article 4 du contrat dont le caractère d'intérêt commun n'est pas discuté ;

Attendu en conséquence que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette loi est applicable ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que le document d'information dont le contenu a été fixé par décret d'application du 4 avril 1991 n'a pas été remis à la SARL Super Car ;

Attendu que la sanction de la violation de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989 est la nullité du contrat à moins que le consentement du cocontractant n'ait pas été vicié ;

Attendu que si, en l'espèce, la notoriété et la réputation de la société Labo Industrie ne sont pas discutées, il n'en demeure pas moins que la société Super Car qui devait écouler 3 500 litres d'huile par an, avait intérêt à connaître le nombre de distributeurs qui, dans son secteur géographique, bénéficiaient déjà du même type de contrat ce qui lui aurait fourni un élément d'appréciation sur la rentabilité envisageable de l'opération, indépendamment des données qui lui étaient personnelles et qu'elle connaissait donc et pour lesquelles il ne saurait être reproché à la société Labo Industrie un défaut d'information ;

Attendu qu'il y a bien eu réticence qui a conduit à l'annulation du contrat de fourniture de lubrifiants ;

Attendu qu'il n'en demeure pas moins que :

- un prêt de 180 000 F a été consenti à la SARL Super Car sur lequel il reste dû 162 937,84 F outre 3 258, 76 F d'intérêts au taux contractuel de 12 % arrêtés au 26 mai 1993 ;

- des lubrifiants ont été fournis qui ne sont pas payés pour 62 905,44 F ;

Attendu que la nullité de contrat de prêt n'est pas soulevée, que le fait qu'il soit la contrepartie du contrat de fourniture de lubrifiants, annulé, ne l'invalide pas pour autant ;

Attendu en tout état de cause que l'obligation de restituer inhérente au contrat demeure valable tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de la convention et l'annulation du contrat de fourniture n'éteint pas l'obligation de payer les livraisons effectuées ;

Attendu que le cautionnement subsiste tant que ces obligations valables ne sont pas éteintes ;

Attendu que M. Lagraulet connaissait les conditions de fonctionnement du garage, qu'il n'allègue pas qu'à la date de la souscription de son engagement, la situation du débiteur était irrémédiablement compromise et en justifie encore moins ce qui reviendrait d'ailleurs à dire que M. Eric Colin aurait obtenu un prêt avec la complicité de M. Lagraulet en sachant son remboursement impossible ;

Attendu en conséquence que M. Lagraulet n'établit pas le dol ayant vicié son consentement de caution ;

Attendu que pour les motifs sus exposés (montant du prêt remis à l'emprunteur et marchandises livrées) l'argument de novation est sans intérêt, les modifications intervenues le 6 avril 1993 étant en outre sans effet sur l'obligation de cautionnement puisque la dernière livraison de produits date de février 1993 ;

Attendu que M. Lagraulet ne peut par ailleurs sans contradiction se prévaloir de la clause d'un contrat dont il a soulevé et obtenu la nullité ;

Attendu que le contrat étant annulé, il ne peut qu'être considéré que la société Labo Industrie ne bénéficiait plus d'une clause de réserve de propriété sur les marchandises livrées ;

Attendu que le bordereau de vente aux enchères d'huile transmis à la Cour pendant le délibéré dont il n'est pas justifié qu'il ait été régulièrement communiqué à la société Labo Industrie, sera écarté des débats, étant en tout état de cause sans intérêt ;

Attendu en conséquence que le jugement sera confirmé par substitution de motifs ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser supporter à la société Labo Industrie les frais irrépétibles qu'elle a dû engager, qu'il sera fait droit à sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile dans la limite de 6 000 F supplémentaires, M. Lagraulet étant débouté de sa demande sur ce même fondement ;

Par ces motifs, Déclare recevable et mal fondé l'appel de M. Lagraulet, Rejette la pièce transmise non contradictoirement en cours de délibéré, Par substitution de motifs, confirme le jugement rendu le 31 mai 1995 par le Tribunal de grande instance de Châlons-sur-Marne, Condamne M. Lagraulet à payer à la société Labo Industrie 6000 F supplémentaires en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Le condamne en tous les dépens avec ceux d'appel possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Six Guillaume conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.