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Décisions

Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-44.096

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

France acheminement (SARL)

Défendeur :

Robert

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gélineau-Larrivet

Rapporteur :

M. Desjardins

Avocat général :

M. Lyon-Caen

Avocats :

Mes Delvolvé, Jacoupy.

Cons. prud'h. Grenoble, du 8 mars 1994

8 mars 1994

LA COUR : - Vu leur connexité, joint les pourvois n° 95-44.096 et 96-40.144 ; - Attendu, selon la procédure, qu'après avoir exploité directement une entreprise de transport jusqu'en 1989 et licencié ses salariés, la Société France acheminement (SFA) a conclu des contrats de franchisage en vue de faire prendre en charge par des franchisés les tournées de ramassage et de livraison de colis qui étaient effectuées auparavant par ses salariés ; qu'elle a ainsi conclu un contrat de franchisage avec M. Robert le 21 novembre 1989 ; que celui-ci ayant engagé une instance prud'homale, un précédent arrêt du 7 septembre 1992 a dit que les relations juridiques entre la société SFA et lui se trouvaient régies par l'article L. 781-1 du Code du travail et que le conseil de prud'hommes était compétent pour connaître du litige ;

Sur le premier moyen du pourvoi de la société SFA : - Attendu que la société SFA fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 juin 1995) de l'avoir condamnée à payer à M. Robert une somme à titre de remboursement de frais, alors, selon le moyen, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoyant de remboursement par l'employeur des frais de déplacement exposés par le salarié pour exercer son activité, la cour d'appel, qui a accordé à M. Robert le remboursement de tels frais sans en préciser le fondement, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'il est de principe que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC ;

Qu'en l'espèce, aucune dérogation à ce principe général n'ayant été prévue par les parties, c'est à juste titre que la cour d'appel a accordé à M. Robert le remboursement des frais litigieux ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen du même pourvoi : (sans intérêt) ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi de M. Robert : - Vu les articles L. 781-1, L. 781-2 et L. 141-1 et suivants du Code du travail et l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que, pour débouter M. Robert de sa demande tendant au remboursement de la somme qu'il avait versée lors de son embauche, l'arrêt énonce que ses relations juridiques avec la société SFA ont été déclarées régies par l'article L. 781-1 du Code du travail et n'ont donc pas été qualifiées de contrat de travail de droit commun ; que, de ce fait, il n'était pas fondé à réclamer remboursement de la somme versée à titre de " droit d'entrée " ;

Attendu, cependant, d'une part, qu'il appartenait à la cour d'appel, comme elle y était invitée par les écritures de M. Robert, de rechercher quelle était la cause du versement qui avait été effectué au titre du " droit d'entrée " et s'il ne s'agissait pas d'une somme déposée lors de la conclusion du contrat pour en garantir la bonne exécution, et donc éventuellement remboursable ; que, d'autre part et de toute façon, même s'il ne s'agissait pas d'un cautionnement remboursable à la fin du contrat, la cour d'appel, qui a constaté que les rémunérations perçues par M. Robert étaient inférieures au SMIC, devait nécessairement vérifier si le fait, pour la société SFA, de conserver de manière définitive le bénéfice de la somme qui lui avait été remise à titre de " droit d'entrée " par M. Robert lors de la conclusion du contrat n'était pas un moyen de diminuer sa rémunération effective, au point d'en réduire le montant à une somme inférieure au SMIC.

Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans procéder à cette double recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement dans ses dispositions relatives à la demande de remboursement de la somme versée à titre de " droit d'entrée ", l'arrêt rendu le 28 juin 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.