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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 2 avril 1998, n° 97-0000247

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Makowski (SARL)

Défendeur :

Dyneff (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ottavy

Conseillers :

M. Derdeyn, Mme Minini

Avoués :

SCP Negre, SCP Estival-Divisia-Senmartin

Avocat :

Me Pech de Laclause.

T. com. Narbonne, du 18 nov. 1996

18 novembre 1996

Faits et procédure :

Par acte sous seing privé en date du 3 août 1992 la SARL Makowski concluait avec la Société Dyneff un contrat d'exploitation d'une station service située Route de Bordeaux à Narbonne. Ce contrat avait une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction.

Il était spécialement convenu, d'une part, que la Société Dyneff donnait mandat à la Société Makowski de vendre le carburant et donnait le reste de son fonds de commerce en location-gérance avec exclusivité des achats pour certains produits pétroliers ou dérivés à son profit.

Le 4 juillet 1994 la Société Makowski informait la Société Dyneff de son refus de la poursuite des relations à compter du 4 août 1994.

Arguant de la nullité des conventions la Société Makowski saisissait le Tribunal de Commerce de Narbonne laquelle juridiction l'a, par jugement en date du 18 novembre 1996 déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens.

Le 16 décembre 1996 la SARL Makowski a relevé appel de cette décision.

Prétentions et moyens des parties :

La Société Makowski demande à la Cour de réformer le jugement déféré et à titre principal de déclarer nulle la convention passée avec la Société Dyneff.

A titre subsidiaire la Société Makowski demande à la Cour de condamner la Société Dyneff à réparer le préjudice causé par l'abus de fixation du prix et, pour chiffrer ce préjudice, d'ordonner une expertise.

A l'appui de ses prétentions, à titre principal, la Société Makowski soutient que la nullité de la convention est encourue par application des dispositions des articles 1129 et 1591 du Code civil mais également par application des dispositions de la loi du 31 décembre 1989 dite loi Doubin.

A titre subsidiaire la Société Makowski soutient que la Société Dyneff a, profitant d'une position dominante, fixé les prix de façon abusive.

La Société Dyneff demande à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner l'appelante à lui payer la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes la Société Dyneff fait valoir que ni l'article 1129 ni l'article 1591 du Code civil ne sont opérants en l'espèce pas plus que la loi du 31 décembre 1989, parce qu'il n'y a eu aucun vice du consentement et que la discussion ne concerne qu'une modalité de l'exécution du contrat.

Subsidiairement la Société Dyneff fait valoir que l'action en résiliation intentée par la Société Makowski n'est pas recevable puisque la convention s'est éteinte par la survenance de son terme.

Discussion :

Il convient de rappeler que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et aux actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

En l'espèce il y a lieu d'observer que la convention du 3 août 1992 signée entre la Société Makowski prévoyait, d'une part, un mandat pour la vente des carburants super, sans plomb et gazole et, d'autre part une location-gérance du reste du fonds de commerce à savoir la vente de lubrifiants, de gaz naturel conditionné, lavage, boissons hygiéniques, entretien et réparations de véhicules automobiles ainsi que la vente d'accessoires auto et de pièces détachées.

En ce qui concerne le mandat de vendre des carburants il convient de constater que les carburants n'étaient jamais la propriété du mandataire la Société Makowski et que celui-ci n'avait que l'obligation de les vendre pour le compte du mandant la Société Dyneff aux prix et conditions fixés par cette dernière. En contrepartie de son mandat, il percevait une ristourne fixée sur le volume débité.

Dès lors doivent être écartés les moyens et arguments tirés des articles 1129 et 1591 du Code civil concernant l'indétermination des prix dans les contrats car d'une part le prix du mandat était déterminé, 12 F à l'hectolitre débité (article 8 du contrat du 3 août 1992) et, d'autre part, il ne s'agissait pas d'une convention prévoyant la conclusion de contrats ultérieurs (contrat cadre) ou de ventes successives de carburants à la Société Makowski.

En ce qui concerne la location-gérance force est d'observer qu'il était également prévu une obligation d'achat exclusif en ce qui concerne le gaz naturel conditionné, les lubrifiants, produits de graissage et dérivés du pétrole à la charge de la Société Makowski et qu'aucun prix n'était mentionné concernant ces produits à acheter exclusivement à la Société Dyneff.

Toutefois l'indétermination du prix dans un contrat d'achat exclusif, n'affecte pas la validité de celui-ci, seul l'abus dans la fixation des prix ultérieurs ne pouvant donner lieu qu'à résiliation ou à indemnisation.

Il n'est ni soutenu, ni a fortiori démontré par la Société Makowski que les prix des produits lubrifiants ci-dessus précisés aient été fixés par la Société Dyneff d'une façon abusive de nature à entraîner sa responsabilité contractuelle.

Le contrat conclu entre la Société Dyneff et la Société Makowski était soumis à la loi du 31 décembre 1989 dite loi Doubin puisque ce contrat, conclu dans l'intérêt commun des parties, prévoyait, d'une part, la mise à disposition de la Société Makowski de l'enseigne et de la marque Dyneff, outre la clientèle du réseau de distribution(article 2 du contrat) et, d'autre part, une exclusivité à charge de la Société Makowski en ce qui concerne la vente des carburants et une quasi-exclusivité en ce qui concerne la vente des autres produits(article 4 du contrat).

Il n'est pas contesté par la Société Dyneff qu'elle n'a pas fourni l'information précontractuelle exigée par la loi Doubin et son décret d'application du 4 avril 1991.

Cette obligation précontractuelle de renseignements est un cas de non-respect, pénalement sanctionnée ce qui démontre le caractère d'ordre public de ces textes, et il s'ensuit que l'inexécution dans le délai de la loi de l'obligation précontractuelle de renseignements entraîne la nullité du contrat.

Toutefois ces dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1989 et de son décret d'application du 4 avril 1991 ont été établies pour la protection de la partie qui reçoit la mise à disposition d'une marque, d'une enseigne ou d'un nom commercial contre l'engagement à une exclusivité ou quasi-exclusivité dans l'exercice de son activité et, en conséquence, la nullité qui sanctionne l'inobservation de ces dispositions est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par la personne que ces textes entendent protéger laquelle peut d'ailleurs y renoncer.

En l'espèce, la Société Makowski en résiliant ce contrat au terme de sa seconde échéance, sans faire aucune remarque quelle qu'elle soit sur l'information précontractuelle, démontrait qu'elle avait renoncé, au moins tacitement, à se prévaloir de la nullité du contrat.

De surcroît l'exécution de fait du contrat jusqu'à son terme, après une première reconduction sans aucune réserve ou même observation, outre qu'elle corrobore la renonciation tacite à en demander la nullité, entraînerait que l'annulation ne pourrait jouer que comme une résiliation, laquelle réalisée d'accord des parties, empêche, à défaut de démonstration d'un quelconque préjudice lié directement à celle-ci, la Société Makowski d'obtenir quelque réparation que ce soit, réparation d'ailleurs non sollicitée devant la Cour.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par ces motifs : La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, En la forme reçoit l'appel, Au fond, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la Société Makowski de ses demandes, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la Société Makowski aux entiers dépens de première instance et d'appel, Dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.