CA Paris, 5e ch. C, 3 avril 1998, n° 96-19117
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
PPB Nettoyage (SA)
Défendeur :
Bedel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Desgrange
Conseillers :
MM. Betch, Froment
Avoués :
SCP Lecharny-Cheviller, SCP Roblin-Chaix de Lavarene
Avocats :
Mes Parfu, Joullain.
Mme Bedel a été liée, selon contrat du 23 février 1990, à la SA PPB Nettoyage, par un contrat d'agent commercial lui permettant d'obtenir des commissions proportionnelles au chiffre d'affaires apporté. Ce contrat a été résilié avec effet immédiat le 17 novembre 1995 par la SA PPB Nettoyage au motif que des surfacturations non conformes aux stipulations contractuelles avaient été facturées et Mme Bedel a invoqué une résiliation abusive.
Sur le litige ainsi né entre les parties, le Tribunal de commerce de Créteil a, par jugement du 28 mai 1996, déclaré abusive la résiliation du contrat et a condamné la SA PPB Nettoyage à payer à Mme Bedel les sommes de : 32 936,88 F au titre de ses factures d'octobre 1995, une indemnité compensatrice de 547 676 F et 8 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
La SA PPB Nettoyage a régulièrement interjeté appel de cette décision. Elle soutient que le contrat d'agent commercial qui la liait à Mme Bedel prévoyait, au titre de la rémunération exigible par celle-ci, l'application des taux dégressifs de commissions en fonction de la nature des marchés apportés mais que Mme Bedel a, subrepticement, à son insu et à son détriment, unilatéralement modifié les taux de ses commissions en lui imposant ainsi une surfacturation de ses prestations qui s'est développée durant plusieurs années.
Elle fait valoir que celle-ci ne peut pas soutenir que la modification du taux de sa rémunération résulte d'une modification contractuelle verbalement convenue ou d'une acceptation de cette modification puisque les multiples pièces versées aux débats, pièces réunies à la suite des contrôles internes opérés, ne permettent même pas de déterminer la nature de l'accord verbal allégué par l'intimée ou encore son contenu.
La SA PPB Nettoyage détaille la teneur et les montants de multiples factures remises et payées à Mme Bedel, dénie l'existence de tout accord verbal allégué par celle-ci et soutient que devant sa faute grave, la résiliation du contrat d'agent commercial est justifiée.
Elle demande donc l'infirmation du jugement entrepris avec condamnation de Mme Bedel au paiement des sommes de 134 283,18 F à titre de restitution des trop perçus, sommes dont le montant tient compte de celle exigible par celle-ci pour frais de route et travaux réalisés en octobre 1995 et 30 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
Mme Bedel s'oppose à ces prétentions en soutenant que les factures qu'elle a présentées ont, pendant quatre ans, été contrôlées avant accord pour leur paiement, qu'elles ont, à la suite de ces contrôles, été payées et cet état de fait démontre que les parties ont été d'accord quant aux taux de commission applicables dont la modification avait fait l'objet d'accords verbaux donnés et appliqués par la SA PPB Nettoyage.
Elle demande donc confirmation du jugement en ce qu'il a mis à la charge de cette société une indemnité compensatrice de 547 676 F avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 1995 et la somme de 32 936,88 F au titre de ses factures d'octobre mais elle réclame les sommes supplémentaires de 95 082,78 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la même somme pour commissions de retour sur échantillonnage. Enfin, elle sollicite 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
Cela exposé,
Considérant que les taux de rémunération exigibles par Mme Bedel ont été fixés par écrit selon les termes du contrat d'agent commercial signé le 23 février 1990 avec la SA PPB Nettoyage ;
Considérant qu'il n'est pas contesté par Mme Bedel qu'elle n'a pas appliqué ces taux sur les facturations de ses prestations réalisées pour le compte de cette société et qu'elle a calculé le montant de celles-ci selon un mode forfaitaire avec application d'un taux variable dans le temps et selon les affaires ;
Considérant que si pour justifier cet état de fait, Mme Bedel invoque un accord verbal ayant pu avoir valeur d'avenant au contrat signé le 23 février 1990, force est de constater qu'elle ne fournit aucune pièce permettant d'établir la réalité de celui-ci et moins encore sa teneur précise ;
Considérant que l'existence de cet accord ne peut pas découler du seul visa opposé par l'un des dirigeants de la SA PPB Nettoyage sur partie seulement des factures remises par Mme Bedel dès lors que ces visas n'ont eu pour effet que de permettre le transfert de ces factures au service comptable de l'entreprise et ne peuvent pas avoir valeur de manifestation de volonté non équivoque sur la modification des conditions de rémunération de Mme Bedel telle qu'elles résultaient d'un contrat aux dispositions précises sur ces points, signé le 23 février 1990 ;
Considérant qu'il ressort des multiples pièces mises aux débats que seule une demande de rémunération formée en août 1995, par Mme Bedel pour un chantier (Laine) non réalisé, a permis par un contrôle systématique du contenu effectif de ses factures et la mise en lumière du mode opératoire adopté, étant précisé que si Mme Bedel fait état d'un accord verbal obtenu, les taux forfaitaires qu'elle a appliqués ont été variables et ce parfois pour le même client et le même chantier (Ets MRP) et que ses commissions ont aussi donné lieu, de sa part, à des doubles facturations ou à des calculs sur des montants de travaux inexacts (Ets Drapeau, MRP, Pasini, Degaine);
Considérant que dans ces conditions la faute grave de Mme Bedel justifiant la résiliation du contrat d'agent commercial est établie et que sa demande présentée au titre de l'indemnité compensatrice est à rejeter;
Considérant que si la SA PPB Nettoyage demande restitution d'un trop perçu par Mme Bedel qu'elle chiffre à 167 220,06 F, elle ne fournit aucun décompte probant lui permettant de justifier de cette somme ; qu'elle ne conteste pas que Mme Bedel est créancière d'une somme de 32 936,88 F exigible au titre des prestations réalisées en octobre 1995 ; que compte tenu de la nature même du litige qui a opposé les parties, il convient de dire que cette somme portera intérêts à compter de la présente décision ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Par ces motifs : LA COUR : Déclare recevable l'appel de la SA PPB Nettoyage ; Infirmant partiellement la décision déférée, substitue à son dispositif le dispositif suivant : Condamne la SA PPB Nettoyage à payer à Mme Bedel la somme de 32 936,88 F ; Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs ; Condamne la SA PPB Nettoyage au paiement des dépens de première instance et d'appel avec admission, pour ces derniers, de l'avoué concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.