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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 15 mai 1998, n° 8614-97

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Garage Bellon Frères (Sté)

Défendeur :

Volvo automobiles France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gillet

Conseillers :

Mmes Obram-Campion, Bourquard

Avoués :

SCP Fievet-Rochette-Lafon, SCP Lissarague-Dupuis

Avocats :

Mes Fourgoux, Gauclère.

T. com. Nanterre, du 24 sept. 1997

24 septembre 1997

Les faits et la procédure

Suivant contrat conclu le 26 décembre 1992, à effet au 1er octobre 1992, la SA Volvo Automobiles France a concédé à la SA Garage Bellon Freres, le droit de vendre les véhicules et produits de la marque Volvo dans le département de la Drôme, de l'Ardèche (arrondissement de Tournon et Privas : canton de Privas et la Voulte, département de l'Isère : canton de Pont en Royans, dans le Vaucluse, dans le canton de Valréas).

Ce contrat à durée indéterminée a été dénoncé le 20 octobre 1995 par Volvo avec préavis d'un an.

Se prévalant de ce que la SA Volvo avait abusivement rompu ledit contrat et que cette rupture lui causait un préjudice, la SA Garage Bellon Frères l'a par acte du 27 décembre 1996 attraite devant le Tribunal de Commerce de Nanterre afin d'obtenir sa condamnation en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 24 septembre 1997, le Tribunal de Commerce de Nanterre a

- dit que la résiliation le 20 octobre 1995, par la SA Volvo Automobiles France du contrat de concession signé le 26 décembre 1992 avec la SA Garage Bellon Frères ne présente pas un caractère abusif,

- débouté la SA Garage Bellon Frères de sa demande de dommages-intérêts,

- ordonné à la SA Volvo Automobiles France en tant que de besoin la reprise du stock de pièces détachées de marque Volvo encore détenues par la SA Garage Bellon Frères dans les conditions définies à l'article 7.3 du contrat du 26 décembre 1992,

- reçu la SA Volvo Automobiles France en sa demande reconventionnelle, l'y dit mal fondée et l'en déboute,

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Appelante de cette décision et autorisée à assigner à jour fixe selon ordonnance rendue le 9 janvier 1998, la SA Garage Bellon Frères en sollicite l'infirmation et elle demande de condamner la SA Volvo France à lui payer la somme de 5.463.441,00 F à titre de dommages-intérêts du fait de la décision de résiliation et à reprendre le stock de pièces détachées pour la valeur au bilan du Garage Bellon Frères. Elle lui réclame 40.000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Volvo Automobiles France demande de constater qu'elle a dénoncé le contrat en application des dispositions contractuelles, qu'elle a usé de son droit légitime avec respect du prévis d'une année et de confirmer à cet égard le jugement entrepris. Elle sollicite qu'il soit dit que son comportement à l'égard de son concessionnaire est exempt de tout abus, de constater qu'elle a agi avec loyauté et de débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions. A titre subsidiaire, elle demande de constater le caractère fantaisiste du chiffrage du préjudice allégué.

Elle forme appel incident et sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 100.000,00 F à titre de dommages-intérêts pour agissements constitutifs de concurrence déloyale et demande de condamner la SA Garage Bellon Frères à lui payer 100.000,00 F à titre de dommages-intérêts.

Enfin, elle lui réclame 50.000,00 F en application de l'article 1500 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions responsives, la SA Garage Bellon Frères a critiqué l'argumentation de l'intimée et s'oppose à sa demande reconventionnelle.

En réplique, la SA Volvo demande le renvoi de l'affaire à la mise en état au vu des articles 923 et 925 du Nouveau Code de Procédure Civile et subsidiairement le rejet des débats des conclusions et pièces déposées le 20 janvier 1998 par l'appelante en violation des articles 15- 16 et 135 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, LA COUR

Considérant que la procédure a été initiée devant la Cour à jour fixe, que les parties doivent se conformer aux règles édictées par les articles 917 et 925 du Nouveau Code de Procédure Civile, que les conclusions déposées par l'appelante le 20 janvier 1998 ne font que répliquer à l'argumentation de l'intimée et ne contiennent aucun moyen nouveau ni demande nouvelle, qu'il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire devant le Conseiller de la Mise en Etat ni d'écarter ces écritures des débats, que par contre doivent être écartées par application de l'article 918 alinéa 1 du Nouveau Code de Procédure Civile les 8 pièces produites par l'appelante le 20 janvier 1998 qui n'ont pas été versées dès la présentation de sa requête ;

Considérant qu'il est établi que la convention signée entre les parties le 26 décembre 992 prévoit expressément la faculté pour l'une ou l'autre des parties d'y mettre fin en respectant un préavis d'un an, la résiliation de ce contrat à durée indéterminée prenant effet après que le préavis d'un an ait couru, que cette stipulation est conforme au règlement européen R 123/85 relatif à la distribution automobile ;

Considérant que la dénonciation le 20 octobre 1995 de ce contrat de concession était un droit pour la SA Volvo France, concédante dont la responsabilité ne peut être engagée qu'en cas d'abus dans l'exercice de ce droit ;

Considérant qu'il appartient à la SA Garage Bellon Frères qui se prétend victime d'une résiliation abusive de démontrer que la société Volvo a abusé de son droit en dénonçant ce contrat et lui a de ce fait causé un préjudice ;

Considérant que l'appelante soutient que la SA Volvo ne s'est pas comportée avec la loyauté que doivent respecter des partenaires économiques de longue date, qu'elle rappelle que le garage Bellon a été concessionnaire de la marque Volvo pendant dix-neuf ans, qu'il l'a promue et fait connaître, que c'est sous la pression du concédant qu'elle a été contrainte en 1992 de transformer son entreprise personnelle en société anonyme, qu'elle a été obligé face aux exigences de celui-ci de contracter en 1992 un crédit moyen terme de 800.000,00 F pour maintenir ses fonds propres et un fond de renouvellement, que celui-ci l'a privée en mai 1992 de toute liberté de financement en lui imposant un seul établissement financier à savoir la Cogera, qu'elle a dû se conformer aux exigences discriminatoires de Volvo pour obtenir la signature d'un nouveau contrat à effet du 1er octobre 1992, que dès le 21 juillet 1995, le concédant l'a à nouveau menacée de résilier le contrat si elle ne regroupait pas ses activités sur un même site, qu'il lui a imposé à compter de juin 1994 de maintenir la concession ouverte toute l'année alors même que pendant dix-sept ans, elle n'avait formé aucune exigence à cet égard ;

Que l'appelante soutient également que les griefs invoqués par Volvo sont erronés et que le comportement de celle-ci est d'autant plus fautif qu'elle lui a laissé croire en 1996 qu'elle était susceptible de revenir sur sa décision ;

Mais considérant que l'ensemble de ces circonstances ne démontrent pas que la volonté du concédant de dénoncer le contrat ait été motivée par une quelconque intention de nuire au concessionnaire ou se soit manifestée par une légèreté blâmable ; qu'en effet la qualité des services rendus par un concessionnaire pendant de nombreuses années tant dans l'intérêt de l'essor économique de sa concession que dans celui de la promotion de la marque qui bénéficie au concédant ne saurait avoir pour effet de priver l'une ou l'autre des parties de la faculté de dénoncer le contrat avec respect du délai de préavis;

Que les investissements réalisés courant 1992 par le garage Bellon et la transformation de la forme juridique de son exploitation sont intervenus avant la signature du contrat de concession et n'ont pas été imposés à la SA Garage Bellon Frères en cours d'exécution de celui-ci, que le choix de ces investissements sur un moyen terme révèle la volonté du concessionnaire de les amortir dans un délai raisonnable et ne prouve pas que le concédant, si tant est qu'il en soit à l'origine, ait eu à son égard une attitude déloyale et abusive; que la mise en place des conditions de financement par Volvo avec Cogera qui a été imposée à l'ensemble du réseau ne révèle aucune volonté du concédant d'agir à l'égard de la SA Garage Bellon Frères de façon abusive ou discriminatoire; que la société concessionnaire ne peut davantage faire grief à la SA Volvo de lui avoir demandé de maintenir l'ouverture continue en période d'été conformément à l'article 4 du contrat et ne saurait tirer argument de la tolérance de la société Volvo pendant plusieurs années face au non respect de cette obligation par le garage Bellon ;

Considérant que la SA Garage Bellon Frères ne rapporte pas la preuve que la SA Volvo France lui ait d'une quelconque façon laissé entrevoir fallacieusement qu'elle envisageait de poursuivre ses relations contractuelles, qu'en effet, s'il est exact que la SA Volvo a vainement suggéré avant la dénonciation du contrat à la SA Garage Bellon Frères de regrouper ses activités sur un seul site et si le concessionnaire a manifesté en cours de préavis son intention de modifier son implantation et sollicité de la SA Volvo dans cet optique la reconduction de sa concession, la réponse apportée par Volvo le 13 septembre 1996 à cette proposition ne lui permettait en aucun cas d'espérer que sa candidature serait prioritairement et de préférence retenue ; qu'il convient par ailleurs d'observer que le concédant avait le 6 février 1996 autorisé le concessionnaire à représenter une autre marque pendant la durée restant à courir et offert si elle le souhaitait d'envisager avec lui les modalités d'un écourtement de son préavis et d'une rupture anticipée par rapport à l'échéance du contrat;

Considérant que dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la SA Volvo France n'avait pas abusé de l'exercice de son droit de dénoncer le contrat et ont débouté la SA Garage Bellon Frères de sa demande de dommages-intérêts ; que c'est par exacte appréciation de l'article 7-3 du contrat qu'ils ont ordonné en tant que de besoin la reprise du stock des pièces détachées de marque Volvo encore détenues par la SA Garage Bellon Frères par la SA Volvo ;

Considérant que la SA Volvo France reproche à la SA Garage Bellon Frères d'avoir procédé à des agissements constitutifs de concurrence déloyale en continuant à se prévaloir de la marque Volvo après la rupture du contrat notamment en utilisant la mention spécialiste Volvo sur son papier à en-tête, en maintenant des enseignes de la marque à la devanture de son établissement et en procédant à l'envoi d'une lettre générique à la clientèle Volvo par laquelle les frères Bellon se disaient habilités à continuer à vendre des véhicules neufs, qu'elle verse aux débats une lettre de mise en demeure du 12 décembre 1996 adressée à la SA Garage Bellon relative à la dépose des panneaux, que cette dernière lui a répondu par courrier du 20 décembre 1996 qu'elle ne s'opposait pas au retrait par Volvo des panneaux lui appartenant, que cette seule mise en demeure suivie d'une réponse rapide de la SA Garage Bellon Frères est en l'absence de tout autre élément insuffisante pour caractériser des agissements fautifs de concurrence déloyale susceptibles d'avoir causé un quelconque préjudice à la SA Volvo France, que la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a déboutée la SA Volvo de sa demande reconventionnelle ;

Considérant que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, que l'appelante qui succombe dans ses prétentions doit supporter les dépens d'appel.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme la décision entreprise, Rejette toutes autres prétentions des parties et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la SA Garage Bellon Frères aux dépens d'appel et autorise la SCP Lissarrague-Dupuis, Avoués associés à les recouvrer comme il est prescrit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.