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Décisions

Cass. com., 26 mai 1998, n° 95-21.251

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Duval (ès qual.)

Défendeur :

New Holland France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pasturel (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Lesourd, SCP Defrenois, Levis.

T. com. Paris, 9e ch., du 4 nov. 1993

4 novembre 1993

LA COUR : - Donne acte à M. Bach qu'il reprend l'instance au lieu et place de Mme Duval, désignée initialement en qualité de mandataire-liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Codimat ; - Sur les deux moyens, pris en leurs diverses branches, réunis : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Paris, 15 septembre 1995), qu'en exécution de contrats successifs, dont le dernier du 23 décembre 1985 à durée indéterminée, la société Codimat Fangous (société Codimat) était concessionnaire de la société Fiatgeotech ; que cette dernière a résilié le contrat le 9 octobre 1991 avec effet immédiat et que la société Codimat a été mise en liquidation judiciaire le 23 octobre 1991 ; que le mandataire-liquidateur de la société Codimat a assigné la société New Holland France, venant aux droits de la société Fiatgeotech, en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de concession ;

Attendu que le mandataire-liquidateur de la société Codimat reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de son action, alors, selon le pourvoi, d'une part, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile la cour d'appel qui établit l'état d'insolvabilité de la société Codimat en se fondant sur les seuls résultats du bilan de l'exercice 1990, sans répondre au chef circonstancié des conclusions d'appel faisant valoir que l'actif comptabilisé dans ce document avait été notoirement sous-évalué, l'immeuble social dans lequel les concessions étaient exploitées n'y figurant que pour 430 000 francs (solde non amorti de sa valeur d'acquisition), tandis que six mois auparavant, en juillet 1990, un expert avait fixé sa valeur vénale à 2 600 000 francs et qu'il avait effectivement été réalisé pour 1 500 000 francs dans le cadre de la liquidation judiciaire, ce dont il résultait que, même en ne retenant que cette seule valeur liquidative, l'actif réel de la société Codimat au 31 décembre 1990 ressortait donc à tout le moins à 5 260 000 francs pour un passif circulant de 4 468 000 francs à la même date ; alors, d'autre part, que n'est pas légalement justifié, au regard de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt qui établit l'état d'insolvabilité de la société Codimat au jour de la décision du concédant, en se fondant sur les résultats du bilan de l'exercice 1991, tels qu'ils sont apparus postérieurement à la résiliation de la concession, lors des opérations de liquidation judiciaire ; alors, ensuite, que la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, omettre de répondre au chef des conclusions d'appel faisant valoir que l' " on ne peut raisonnablement déduire l'état d'insolvabilité de la société Codimat d'une comparaison entre ses actifs en valeur de bilan au 31 décembre 1990 et son passif après liquidation judiciaire, nécessairement alourdi par rapport à son passif d'exploitation courante " ; alors, encore, que manque de base légale, au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ou de l'article 1382 du même Code, l'arrêt qui, après avoir constaté isolément, d'un côté, que la société Codimat avait tenté de prendre, au début de l'année 1991, des mesures de restructuration de l'entreprise qui n'avaient pas abouti à redresser la situation (réduction des charges, réalisation des actifs), et, d'un autre côté, qu'entre le mois de mai 1991 et le mois d'octobre 1991 (date de la résiliation), la société concédante n'avait pris aucune disposition laissant présager de son inquiétude sur la solvabilité de son concessionnaire, auquel elle n'avait donné aucun avertissement préalable, s'abstient de rechercher si ensemble ces circonstances de fait n'étaient pas de nature à établir un abus de la société Fiatgeotech de son droit de résilier le contrat à effet immédiat ; et alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait, sans violer derechef l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, omettre de répondre aux chefs des conclusions qui avaient fait valoir : 1°) que la situation au 31 mai 1991 faisait ressortir le rétablissement d'une exploitation bénéficiaire de près de 100 000 francs (même si le résultat bilantiel restait négatif de 75 000 francs) et donc une profonde inversion de tendance par rapport à la perte de 840 000 francs enregistrée au 31 décembre 1990 ; 2°) qu'un schéma de restructuration était en cours de mise en œuvre grâce à des partenaires financiers avec lesquels la société Codimat était en contact à l'été 1991, structure projetée juste avant la décision du concédant qui passait notamment par le concours maintenu des banques qui avaient toujours conservé leur confiance à l'entreprise et par une avance financière d'une société pétrolière amortissable et non remboursable, et, par conséquent, assimilable à des fonds propres pour 1 200 000 francs ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que le contrat stipulait que le concédant pourrait résilier la convention des parties avec effet immédiat en cas de survenance de tout fait objectif indiquant un état d'insolvabilité, et relevé différents éléments, non critiqués par le moyen, de la dégradation de la situation financière de la société Codimat au cours de l'année 1990, l'arrêt retient, en réponse aux conclusions dont fait état la cinquième branche, que la société Codimat, consciente de la gravité de sa situation, avait tenté des mesures de redressement qui n'ont pas réussi et que, contrairement à ses prévisions, les cinq premiers mois de l'année 1991 se sont encore traduits par une perte de plus de 75 000 francs ; qu'il retient, ensuite, par motifs propres et adoptés, pour estimer que la société Codimat était en état d'insolvabilité le 9 octobre 1991, qu'à cette dernière date son actif était inférieur d'environ 1 500 000 francs à son passif ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu estimer, sans encourir aucun des griefs du moyen, que la résiliation n'était pas abusive; que le moyen n'est fondé en aucune de ses cinq branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.