Cass. com., 16 juin 1998, n° 96-22.469
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Lou Diffusion (SA), Vides Vidal (SA)
Défendeur :
Gimpex SL (Sté), Chocron
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Coutard, Mayer, Me Choucroy.
LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 novembre 1996), que la société Lou diffusion a rompu, le 25 juin 1992, avec un préavis de trois mois, le contrat de distribution exclusive pour l'Espagne, les Baléares et les Îles Canaries, la liant à la société Gimpex et M. Chocron, établis à Madrid, qui l'ont assignée, ainsi que la société Vides Vidal, pour rupture abusive, brusque rupture, non-respect du préavis et concurrence déloyale ; que la société Lou diffusion et la société Vides Vidal ont reconventionnellement réclamé le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que les sociétés Lou diffusion et Vides Vidal font grief à l'arrêt de les avoir condamnées au paiement d'une somme trois millions alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation unilatérale est, sauf abus, ouverte librement aux deux parties ; qu'en reprochant à la société Lou diffusion de ne pas prouver les motifs de rupture qu'elle avait invoqués, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que l'abus du droit de rompre suppose une faute dans l'exercice du droit de mettre fin au contrat ; qu'en se bornant à relever contre la société Lou diffusion de supposées fautes commises dans l'exécution du contrat, et en s'abstenant de relever la moindre faute dans l'exercice du droit de rompre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. Ponte et la société Gimpex établissent à la charge de la société Lou des retards de livraison et des livraisons dépareillées à partir de décembre 1990 et jusqu'au 29 novembre 1991, entraînant l'impossibilité de satisfaire une centaine de clients tandis que la société Lou elle-même ne démontre pas la restructuration de son réseau de vente invoquée par elle pour déduire que la société Lou avait eu dans le cadre de l'exécution du contrat un comportement fautif expliquant la rupture abusive ultérieure; que de ces constatations et appréciations, la cour d appel a pu décider, en justifiant légalement sa décision, que la société Lou avait abusé de son droit de mettre fin au contrat nonobstant le respect par elle du délai de préavis; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que les sociétés Lou diffusion et Vides Vidal font grief à l'arrêt de les avoir condamnées au paiement d'une somme trois millions alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'action en concurrence déloyale a un fondement délictuel ou quasi-délictuel ; qu'en retenant une concurrence déloyale commise par la société Lou diffusion envers sa contractante la société Gimpex, pendant la période de préavis, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1383 et 1147 du Code civil ; et alors, d'autre part, que l'action en concurrence déloyale suppose que demandeur et défendeur soient dans un rapport de concurrence ; qu'en s'abstenant d'indiquer en quoi la société Lou diffusion aurait été la concurrente de sa représentante la société Gimpex durant la période de préavis retenue comme cadre temporel de ladite concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il est établi que, sans motif justifié, la société Lou a refusé de livrer la société Gimpex et mettait celle-ci dans l'impossibilité de satisfaire ses propres clients, alors que dans le même temps, la société Lou faisait avertir des clients de la société Gimpex qu'une autre société, liée à elle, vendrait prochainement les mêmes produits dans le cadre d'un nouveau circuit de distribution; que la cour d'appel a pu décider en justifiant légalement sa décision, que le fournisseur en entravant ainsi à son profit pour la commercialisation des mêmes produits que ceux objets du contrat liant les deux sociétés Lou et Gimpex avait commis une faute de concurrence déloyale à l'encontre de son cocontractant; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que les sociétés Lou diffusion et Vides Vidal font grief à l'arrêt de les avoir condamnées au paiement d'une somme trois millions alors, selon le pourvoi, qu'ainsi qu'il résulte de la lettre du 16 décembre 1992 signée par madame Vermont, au reste citée exactement par l'arrêt lui même, ce n'était qu'à titre " très exceptionnel ", " très momentanément " que l'encours de la société Gimpex avait été autorisée à dépasser les 500 000 francs, habituels ; qu'en énonçant que ledit encours avait été porté " ainsi qu'il vient d'être constaté " de 500 000 à 1 347 071,68 francs, " habitude " qui " liait les parties ", la cour d'appel a dénaturé la lettre du 16 décembre 1991 en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'existence d'une faute dans la rupture du contrat par la société Lou résulte de faits distincts de l'accord sur l'encours accordé par le fournisseur à son distributeur; que le motif critiqué est donc surabondant ; que le moyen ne peut pas être accueilli ;
Sur le quatrième moyen : - Attendu que les sociétés Lou diffusion et Vides Vidal font grief à l'arrêt de les avoir condamnées au paiement d'une somme trois millions alors, selon le pourvoi, que les juges du fond ne peuvent se borner à se déterminer par le seul visa des documents de la cause sans analyse ; qu'en énonçant qu'il résultait de leurs " conclusions " et " des pièces du dossier " que des employés de la société Vides Vidal auraient commis des actes de concurrence déloyale, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que " la société Gimpex produit deux attestations de ses agents établissant que des vendeurs de Warners (Vides Vidal) sont passés chez des clients pour leur annoncer qu'ils vendraient prochainement des produits de la marque Lou ; que des faits identiques sont attestés par M. Roberto Fuste Pelegri, agent en Espagne de Lou diffusion, dans une lettre écrite de Vigo à M. Ponte, le 1er juillet 1992 " ; que la cour d'appel n'encourt donc pas le grief du moyen ;
Et sur le cinquième moyen : - Attendu que les sociétés Lou diffusion et Vides Vidal font grief à l'arrêt de les avoir condamnées au paiement d'une somme de cent mille francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le pourvoi, que, l'application de ce texte doit être demandée ; qu'en prétendant l'accorder " d'office ", la cour d'appel a violé ledit texte ensemble l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, dès lors que les sociétés Lou et Vidal reprochent à la cour d'appel d'avoir accordé des frais non-répétibles qui n'étaient pas demandés, il leur appartenait de présenter la requête à la cour d'appel dans les conditions et délai prévus par les articles 463 et 464 du nouveau Code de procédure civile ; que le moyen est donc irrecevable ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.