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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 18 juin 1998, n° 4521-96

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Volkswagen France (Sté)

Défendeur :

Garage du Centre (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gallet

Conseillers :

MM. Boilevin, Raffejeaud

Avoués :

SCP Lambert-Debray-Chemin, Me Robert

Avocats :

Mes Vogel, Boisseau.

T. com. Nanterre, 6e ch., du 1er déc. 19…

1 décembre 1995

Par un contrat en date du 11 juillet 1988, la société Seat France a concédé à la société Garage du Centre le droit exclusif de vendre des véhicules de sa marque dans huit communes des Hauts-de-Seine, ainsi qu'une des Yvelines.

La société Seat France a signifié le 23 septembre 1992 la résiliation du contrat de concession à la société Garage du Centre avec préavis d'un an.

Estimant cette résiliation abusive, la société Garage du Centre a assigné la société Seat France devant le Tribunal de Commerce de Nanterre, lequel, par jugement en date du 1er décembre 1995, après avoir rejeté une exemption d'incompétence, a condamné la société VAG France, venant aux droits de Seat France, à payer à la société Garage du Centre la somme de 330.000 F à titre de dommages et intérêts, la somme de 99.570,81 F TTC représentant le remboursement de factures et la reprise de stocks et pièces détachées, ce majorée des intérêts légaux à compter du 8 novembre 1993 pour 52.978,80 F HT et du 27 mai 1994 pour 30.976,35 F HT, ainsi que la somme de 15.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Les premiers juges ont refusé de faire application de la clause du contrat de concession donnant compétence au tribunal de grande instance de Paris aux motifs, d'une part que les parties ne pouvaient par convention déroger aux règles de compétence prévues par l'article 631 du Code de commerce, et d'autre part qu'il s'agissait d'un contrat d'adhésion qui laissait peu de latitude au concessionnaire pour discuter chacune de ses clauses.

Tout en retenant que la société Seat France avait le droit de résilier le contrat sans avoir à fournir ni motif, ni justification, les premiers juges ont néanmoins considéré qu'elle s'était comportée de façon ambiguë dans ses rapports avec son concessionnaire en lui laissant croire que leurs relations commerciales seraient poursuivies et en l'encourageant ainsi à investir.

Pour faire droit enfin à la demande de la société Garage du Centre de remboursement de factures et de reprise du stock, le Tribunal a relevé que la société Seat France n'avait pas répondu sur ce point.

La société VAG France, aujourd'hui dénommée Volkswagen France, a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 24 avril 1996.

Elle a demandé le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Paris, en faisant valoir que les parties commerçantes pouvaient toujours soumettre leur litige à la juridiction civile de droit commun et que le tribunal n'était pas fondé à écarter une clause attributive de compétence claire et précise que la société Garage du Centre avait librement acceptée et signée.

Sur le fond, elle a réfuté les reproches qui lui étaient faits, en justifiant la résiliation du contrat par l'attitude de la société Garage du Centre, laquelle n'avait jamais transféré son activité dans de nouveaux locaux comme elle s'y était engagée, avait commis de nombreuses négligences telles que fermeture pendant les vacances ou refus de participer aux opérations " portes ouvertes " et n'avait jamais fourni la caution qu'il lui avait été demandé de renouveler.

Elle a en conséquence considéré qu'il ne pouvait être soutenu que l'exercice de son droit de résiliation avait fait l'objet d'un abus et elle a considéré que, de toute manière, la société Garage du Centre ne justifiait d'aucun préjudice.

S'agissant du remboursement de factures, elle a soutenu que celles-ci correspondaient à des prestations que la société Garage du Centre avait reconnu avoir été exécutées ;

Concernant enfin le stock, elle a fait valoir qu'il n'avait pas été restitué par la société Garage du Centre ou n'était pas susceptible de l'être aux termes de l'article 17 du contrat.

Elle a donc demandé, au cas où la Cour retiendrait sa compétence, la restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré, ce avec intérêts au taux légal à compter du paiement, et en outre le versement d'une somme de 25.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

La société Garage du Centre a conclu à la confirmation du jugement entrepris sur la compétence.

Sur le fond, tout en reconnaissant à la société Seat France le droit de résilier le contrat de concession, elle a estimé qu'elle avait manqué à son devoir de loyauté en l'encourageant quelques mois seulement avant la résiliation à procéder à des investissements coûteux à hauteur de 2.400.000 F et en ne respectant pas ses engagements de procéder à l'identification des nouveaux locaux et de verser une participation.

Elle a par ailleurs réfuté les griefs formulés à son encontre.

Elle a porté à 2.500.000 F sa demande d'indemnisation pour rupture abusive du contrat, pour tenir compte des investissements engagés et de l'impossibilité de les amortir.

Elle a fait valoir qu'une partie du stock avait été restituée pour une somme de 36.337,95 F qui ne lui avait pas été réglée, et que, pour le surplus, les matériels ou prestations qui lui avaient été fournis d'autorité après la résiliation du contrat ne lui étaient d'aucune utilité.

Elle a donc conclu à la confirmation du jugement et, y ajoutant, a sollicité une somme complémentaire de 2.170.000 F à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Sur ce, LA COUR

Considérant que le contrat de concession contient en son article XIX-5 la clause attributive de compétence suivante :

" Pour toutes contestations survenant à l'occasion, soi du présent contrat, soit de ses suites, le Tribunal de Grande Instance de Paris sera seul compétent.

Cette attribution de compétence vaut également en cas de pluralité de défendeurs et pour toutes demandes, même incidentes, en intervention ou appel en garantie. Les règlements par traites n'apportent aucune novation ni dérogation à cette clause attributive de juridiction " ;

Considérant que les parties, toutes deux commerçantes, ont pu valablement déroger aux règles de compétence territoriale;

Considérant qu'il leur a également été loisible de proroger la plénitude de juridiction du Tribunal de Grande Instance, juridiction de droit commun, dès lors que le litige ne relevait pas de la compétence exclusive d'une juridiction d'exception;

Considérant qu'en l'espèce, le litige porte sur la résiliation d'un contrat de concession et ses suites ; que s'il relève normalement de la compétence du tribunal de commerce par application des dispositions de l'article 631 du Code de commerce, ce texte ne donne pas compétence exclusive à cette juridiction ;

Considérant que par ailleurs, la clause attributive de compétence a été librement et en connaissance de cause acceptée et signée par la société Garage du Centre, et elle doit donc recevoir application;

Considérant que le litige aurait dû être soumis au tribunal de grande instance de Paris, et qu'il convient donc, par application des dispositions de l'article 79, alinéa 2 du NCPC, de renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Paris.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement déféré du chef de la compétence, Statuant à nouveau, Dit que le Tribunal de Grande Instance de Paris était compétent pour connaître de l'affaire ; Vu l'article 79, alinéa 2 du NCPC, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, Réserve les dépens, Dit que le dossier, avec une copie de la présente décision, sera adressé sans délai par le greffe à la cour d'appel de Paris.