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Décisions

Cass. com., 7 juillet 1998, n° 96-14.039

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Foucard (ès qual.), Garage Thierry Mangaud (SARL)

Défendeur :

France Motors (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Lesourd, Me Bouthors.

T. com. Paris, 19e ch., du 29 sept. 1994

29 septembre 1994

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Garage Thierry Mangaud et M. Foucard, ès qualités, que sur le pourvoi incident relevé par la société France Motors : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Paris, 12 janvier 1996), que, par convention du 25 juin 1990, la société France Motors, importateur en France des automobiles de marque Mazda, a confié à la société à responsabilité limitée Garage Thierry Mangaud (la SARL) la concession exclusive de cette marque pour un secteur géographique déterminé ; que la SARL a déclaré la cessation de ses paiements le 29 avril 1993 et résilié la convention le 5 mai 1993 ;

Sur les trois moyens du pourvoi principal, le deuxième moyen pris en ses deux branches, réunis : - Attendu que la SARL et M. Foucart, ès qualités, reprochent à l'arrêt de les avoir déboutés de leur action en paiement de dommages-intérêts pour inexécution fautive de la convention du 25 juin 1990 alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans des conclusions parfaitement claires, M. Foucard et la SARL faisaient grief à la concédante d'avoir fautivement privé le concessionnaire de la possibilité de vendre le volume de véhicules indispensable à la rentabilité de son entreprise et d'avoir délibérément entravé son activité de revente en rendant les véhicules indisponibles à la vente par limitation puis par refus de livraison ; qu'en s'abstenant de répondre à de telles conclusions de nature à établir l'inexécution fautive par la concédante de ses obligations contractuelles, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que viole l'article 1134 du Code civil par fausse application la cour d'appel qui, face aux griefs invoqués de limitation puis de refus d'approvisionnement, fait application d'une clause stipulée en cas de retard de livraison ; alors, ensuite, que manque de base légale au regard articles 1142 et 1148 du Code civil, l'arrêt qui, constatant qu'à la date de dépôt de bilan de la SARL, le concédant lui devait la livraison de 11 commandes, relève que l'existence d'un abus de droit n'est pas démontré en raison de l'existence de quotas d'importations particuliers, sans rechercher ni établir que ces quotas présentaient pour la société concédante un caractère de force majeure ou de cas fortuit ; et alors, enfin, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions selon lesquelles la société concédante a délibérément retenu la livraison immédiate des véhicules commandés, repoussant à 1992 et même 1993 la livraison de l'essentiel des véhicules commandés aux mois de mars, avril et juin 1991, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

Mais attendu, en premier lieu, que, par motifs propres et adoptés, répondant aux conclusions invoquées à la première branche et sans faire application d'une clause conventionnelle relative aux retards de livraison, après avoir relevé que, pendant la durée d'exécution de la convention de concession, l'importation de véhicules du Japon était soumise, notamment en raison de décisions de l'autorité publique, à des contraintes générales de quotas, l'arrêt retient, par une décision motivée, qu'aucune faute n'est imputable à la société France Motors en ce qui concerne l'insuffisance des approvisionnements alléguée par la SARL et qu'à la date de cessation des paiements de la SARL, le concédant devait à son concessionnaire la livraison de onze commandes seulement ;

Attendu, en second lieu, au sujet des retards dont fait état la quatrième branche, qu'en relevant que les mêmes contraintes entraînaient de " longs délais d'acheminement " et en retenant que les parties étaient convenues d'une procédure particulière en cas de retards, qui n'a jamais été mise en œuvre par la SARL, l'arrêt a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

D'où il suit que la cour d'appel a légalement justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;

Et sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident : - Attendu que, de son côté, la société France Motors reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture " fautive et abusive " de la convention par le concessionnaire alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, dans la lettre du 5 mai 1993, la SARL informait la concédante de son intention de résilier le contrat de concession compte tenu non pas de sa mise en redressement judiciaire mais des fautes commises par cette dernière dans l'exécution du contrat ; qu'en retenant que la lettre de résiliation justifiait la rupture des relations contractuelles par la mise en redressement de la société concessionnaire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ladite lettre en violation de l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que, selon les articles 1184 et 1134, alinéa 3, du Code civil, la résiliation d'un contrat à durée indéterminée peut, même si le préavis est respecté, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture; que le concessionnaire a résilié le contrat de concession dans un but frauduleux dès lors qu'il s'agissait de permettre à une société nouvellement créée par les membres de la famille du représentant de la personne morale de reprendre la concession d'une autre marque de véhicules au moyen d'un plan de cession des actifs de la SARL ; qu'en se bornant à constater que la SARL avait respecté le délai de préavis sans rechercher, comme elle y était invitée, si les circonstances entourant la rupture du contrat de concession ne revêtaient pas un caractère abusif en l'état du caractère frauduleux du plan de cession, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles susvisés ;

Mais attendu, d'une part, que, par motifs propres et adoptés, après avoir reproduit les termes utiles de la clause 10-3 de la convention selon laquelle celle-ci sera résiliée " de plein droit, sans préavis ni mise en demeure, en cas de déclaration de cessation des paiements " et relevé, hors toute dénaturation, que la lettre de résiliation du 5 mai 1993 fait état de la cessation des paiements de la SARL, l'arrêt retient que la rupture est intervenue conformément à cette clause, " même si le concessionnaire a cru bon d'indiquer d'autres motifs que l'application stricte des stipulations contractuelles " ;

Attendu, d'autre part, que la résiliation de la convention du 25 juin 1990 étant contractuellement justifiée, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer la recherche de faits postérieurs à cette résiliation, invoquée par la seconde branche ;

D'où il suit que la cour d'appel a légalement justifié sa décisionet que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Par ces motifs : rejette les pourvois tant principal qu'incident.