CA Grenoble, ch. com., 14 octobre 1998, n° 1955-96
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Charcuterie Cros (SA)
Défendeur :
Socorep (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beraudo
Conseillers :
M. Baumet, Mme Landraud
Avoués :
SCP Grimaud, Perret & Pougnand
Avocats :
Mes Marcou, Modelski
Attendu que, devant la cour, la société Cros conclut ainsi qu'il suit :
I - FAITS ET PROCEDURE
A compter du mois de juillet 1987, la SA Charcuterie Cros, implantée dans le Tarn, s'est adressée à la SARL Socorep installée à Boiron, pour prospecter une nouvelle clientèle dans l'Est de la France.
Cette collaboration, dans un premier temps, fructueuse pour les deux parties, s'est au fil des années dégradée, la SARL Socorep négligeant de visiter régulièrement la clientèle.
Alors que la société concluante avait décidé de tirer les conséquences de cette désaffection, la société Socorep a imaginé de l'assigner devant le Tribunal de commerce de Grenoble en invoquant l'existence d'un contrat d'agent commercial dont les termes n'auraient pas été respectés.
C'est ainsi que la Socorep demandait au Tribunal de commerce de Grenoble :
* de condamner la société Charcuterie Cros à lui payer un solde de commissions,
* de condamner la société Charcuterie Cros à lui payer des provisions à valoir sur les commissions restant dues dans l'attente du décompte de l'intégralité des ventes effectuées auprès des sociétés Joseph de Lyon et HD Distribution,
* de condamner la société Charcuterie Cros à lui payer trois mois de préavis et 100 602 F à titre de dommages-intérêts.
La société concluante s'opposait à ces demandes en faisant valoir :
* que le statut des agents commerciaux ne pouvait s'appliquer, en l'absence de contrat écrit, ou de toutes pièces écrites faisant office de contrat,
* qu'il n'existait aucun arriéré de commissions.
Par ailleurs, reconventionnellement, la société concluante demandait au tribunal de prononcer la résiliation du mandat d'intérêt commun liant les parties dès lors que la société Socorep s'était désintéressée de sa mission en cessant de visiter divers clients, notamment Joseph de Lyon et HJ Distribution.
Par jugement en date du 12 avril 1996, le Tribunal de commerce de Grenoble, jugeait que le contrat liant les parties était un contrat d'agent commercial.
Le tribunal prononçait la résolution de ce contrat et condamnait la société Charcuterie Cros à verser à la société Socorep :
16 940 F à titre de solde d'arriéré de commission,
12 575 F à titre d'indemnité de préavis,
30 000 F à titre d'indemnité de rupture,
5 000 F en application de l'article 700 du NCPC.
La société concluante a relevé appel de cette décision.
II - DISCUSSION
A) Sur l'application de la loi du 25 juin 1991 portant statut des agents commerciaux :
Il est constant qu'aucun contrat n'a été signé entre les parties, ce que le tribunal n'a pas manqué de relever.
Le tribunal n'en a pas moins considéré que les relations entre les parties relevaient de la loi du 25 juin 1991, dès lors que " depuis le 24 janvier 1994, la loi s'applique à tous les contrats d'agent en cours à cette date ".
Cette motivation apparaît tout à fait critiquable.
Certes, la loi du 25 juin 1991 aurait pu s'appliquer si un contrat d'agent commercial était en cours entre les parties à la date du 24 janvier 1994.
Toutefois, force est de constater qu'à cette date, les parties n'étaient nullement liées par un contrat d'agent commercial dès lors qu'aucun contrat d'agent commercial n'avait été signé entre elles.
Certes, la jurisprudence admet que l'échange de correspondances peut faire office de contrat.
Encore faut-il que les parties à l'issue d'un échange de correspondances, aient fixé clairement les modalités de leur collaboration, s'agissant notamment de la nature des prestations et de leurs prix (taux de commissions).
Force est de constater qu'il n'existe aucun accord entre les parties, s'agissant notamment du montant des commissions.
La SARL Socorep a prétendu en effet dans ses conclusions que la société concluante restait lui devoir un solde de commissions à 3 % alors que la société Charcuterie Cros a payé des commissions au taux de 1 %, taux qu'elle estime être le taux convenu pour les affaires concernées.
En tout état de cause, en l'absence de contrat écrit, ou en tout cas de conventions écrites portant au moins sur les taux de commissions, la SARL Socorep ne peut en aucun cas se prévaloir des dispositions de la loi du 25 janvier 1991, en particulier s'agissant du préavis de trois mois et de l'indemnité compensatrice, et les relations entre les parties doivent s'analyser dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun.
B/ Sur les relations entre les parties dans le cadre du mandat d'intérêt commun :
La société concluante ne conteste pas avoir, de façon totalement informelle confié à la SARL Socorep le soin de prospecter pour elle une clientèle nouvelle dans l'Est de la France, sans aucune exclusivité.
La société Socorep fait grief à la société concluante de rester lui devoir pour le client HD Distribution un solde de commissions pour décembre 1992, l'année 1993 et l'année 1994, de 6 560 F représentant la différence entre les commissions prétendument dues au taux de 3 % et des commissions effectivement payées au taux de 1 %.
La société concluante conteste formellement devoir ce solde.
Il avait été convenu que les commissions seraient payées au taux de 3 % mais que le taux serait réduit à 1 % chaque fois que des remises sur facturation seraient accordées au client, et notamment à HD Distribution.
La SARL Socorep ne saurait sérieusement contester ce taux de 1 % qui a été appliqué de la même façon pour le client Voironnais, chaque fois que la facturation a été réalisée avec remise.
Du reste, dans un télex en date du 16 mai 1991, la Socorep exigeait paiement de la commission de 1 % convenue, en cas de remise, tout en réclamant plus pour l'avenir.
La société Socorep ne saurait soutenir qu'il existait un taux unique de commissions de 3 % alors qu'elle verse elle-même aux débats la copie de divers télex faisant état de commissions à taux variables.
Rien ne permet de retenir que le taux de commission de 1 % appliqué en cas de remise ne correspondait pas à l'accord des parties alors que ce taux a été appliqué pour le client Voironnais et qu'il est formellement accepté par la Socorep dans son télex du 16 mai 1991.
Dès lors, la demande de rappel sur les commissions dues sur les ventes HJ Distribution est totalement infondée.
Par ailleurs, la société Socorep ne saurait faire grief à la société Cros de ne plus avoir versé de commissions sur les ventes effectuées au client HJ Distribution depuis le mois de juillet 1994, et Joseph de Lyon pour les années 1992, 1993 et 1994.
Il résulte en effet de l'attestation délivrée par M. Michel Holgado, PDG de la société HD Distribution, que depuis le début de l'année 1993, la société Socorep ne visite plus cette société pour le compte de la société Charcuterie Cros.
Il résulte d'autre part de l'attestation délivrée par M. Joseph Gauthier, PDG de la SA Joseph de Lyon qu'après une première prise de commande, la société Socorep a cessé de visiter le client pour le compte de la SA Charcuterie Cros.
Ces deux attestations régulièrement versées aux débats en première instance démontrent que la société Socorep s'est désintéressée de la mission qui lui avait été confiée, ce qui explique que la société Cros ait pris directement contact avec les clients concernés.
C'est à tort que le tribunal a jugé que la société concluante ne rapportait pas la preuve que la Socorep s'est désintéressée de sa clientèle, omettant curieusement de mentionner les attestations de M. Holgado et de M. Gauthier Joseph, pourtant visées expressément dans les conclusions.
La société Socorep ne peut exiger paiement de commissions pour des affaires qu'elle n'a en aucun cas généré et alors qu'elle s'est désintéressée du mandat d'intérêt commun qui lui avait été donné.
En revanche, la société concluante est parfaitement fondée à solliciter la résiliation du mandat d'intérêt commun, sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, en raison de l'inexécution de ses obligations par la société Socorep.
Par ces motifs, Plaise à la cour, Réformer le jugement dont appel, Rejeter toutes les demandes de la SARL Socorep, Prononcer la résiliation du mandat d'intérêt commun passé entre les parties, Condamner la SARL Socorep au paiement d'une indemnité de 8 000 F en application de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens, de première instance et d'appel et autoriser la SCP Grimaud avoués à les recouvrer directement contre elle. Que dans des conclusions du 20 janvier 1997 elle ajoute notamment ceci :
2°) La Socorep s'est désintéressée de son mandat, notamment pour les plus gros clients :
Le PDG de la société HD Distribution a attesté que la Socorep n'avait plus rendu visite à sa société depuis le début de l'année 1993, et qu'aucune prospection n'avait dont été faite pour le compte de la société Cros.
Il est faux de prétendre que c'est la société HD Distribution qui aurait demandé à la société Socorep de ne plus l'appeler pour passer des commandes.
Du reste, la société Socorep n'apporte aucune preuve à l'appui de ses allégations et se contente de verser aux débats la copie d'un courrier établissant qu'elle n'a relancé la société HD Distribution qu'en juillet 1994, c'est-à-dire un an et demi après avoir cessé de visiter cette société.
S'agissant du client Joseph de Lyon, le PDG de cette société a attesté qu'il n'avait été prospecté qu'une seule fois par la société Socorep.
Pour ce client, la société Socorep ne produit pas un seul courrier de protestation à destination de Joseph de Lyon ou de la société Cros.
Il est bien évident que si la Socorep avait visité régulièrement le client Joseph de Lyon et s'était vu répondre que les commandes se faisaient directement auprès de la société Cros, elle n'aurait pas manqué de réagir immédiatement, ce qu'elle n'a jamais fait.
Attendu que la société Socorep conclut ainsi qu'il suit :
Rejeter l'appel formé par la société Cros en le disant mal fondé.
En conséquence,
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Grenoble en date du 12 avril 1996, en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat d'agent commercial entre la société Charcuterie Cros et la société Socorep.
Condamner la société Charcuterie Cros à verser à la société Socorep :
- 16 940 F à titre d'arriérés de commission,
- 12 575 F à titre d'indemnité de préavis.
Réformer ledit jugement pour le surplus.
En conséquence,
Enjoindre la société Cros de produire le détail de l'intégralité des ventes effectuées auprès du client Joseph de Lyon pour les années 1992, 1993 et 1994, et du client HD Distribution pour l'année 1994 et ce, au besoin sous astreinte de 500 F par jour de retard à défaut de production dans la huitaine de la décision à intervenir.
Condamner la société Cros au paiement d'une somme de 100 062 F à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'agent commercial.
Condamner la même au paiement d'une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée, ainsi qu'une somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Condamner la société Cros aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Que pour sa demande de commissions relatives aux ventes faites directement par la société Cros, elle fait valoir ceci :
En revanche, la cour réformera ce jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Socorep tendant à ce qu'il soit donné injonction à la société Cros de produire le détail de l'intégralité des ventes effectuées auprès du client HD Distribution pour l'année 1994.
En effet, depuis le mois de juillet 1994, la société Cros n'a réglé aucune commission à la société Socorep sur les ventes effectuées auprès de ce client.
De même, malgré les demandes répétées de la société Socorep, elle n'a pas communiqué le détail de ses ventes.
Or, la société Cros n'a nullement contesté avoir continué à effectuer des ventes auprès de ce client.
Il résulte clairement de la loi du 25 juin 1991 (article 6) que :
" Pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article 5 lorsque l'opération a été conclue grâce à son intervention, ou lorsqu'elle a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.
Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminés, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe ".
Le droit à commission de la société Socorep n'est, par conséquence, pas contestable.
En outre la société Cros ne saurait reprocher à la société Socorep d'avoir cessé de visiter la société HD Distribution, alors que c'est cette dernière qui lui a elle-même demandé de ne plus l'appeler pour passer des commandes puisqu'elle commandait directement auprès de la société Cros qui la contactait toutes les semaines.
Il apparaît donc qu'en réalité, la société Cros a bien effectué des ventes directes auprès de ce client, la société Socorep ayant même appris, par la suite, que des conditions de vente beaucoup plus intéressantes avait été accordées à ce client.
Cette démarche tout à fait contraire à l'obligation de loyauté rappelée par l'article 4 de la loi du 25 janvier 1991, ne saurait justifier l'absence de paiement de la Société Cros des commissions dues à la société Socorep sur les ventes qu'elle a, ainsi, directement réalisées.
Par conséquent, il sera fait droit à la demande de la société Socorep.
En ce qui concerne également le client Joseph de Lyon, aucune commission n'a été réglée à la société Socorep depuis le mois d'avril 1992, alors qu'il a continué à s'approvisionner auprès de la société Cros.
C'est à juste titre que le tribunal a fait droit à la demande de provision sur les commissions sur ce client pour les années 1992, 1993 et 1994, soit une somme de 7 500 F.
La société Cros ne saurait, au soutien de son appel, prétendre que la société Socorep a cessé de visiter ce client.
Ainsi que les juges du fond l'ont justement relevé, il y a lieu de souligner que la Société Cros n'a nullement rapporté la preuve de ce que la société Socorep se serait désintéressée de la clientèle.
La société Socorep a, en effet, toujours régulièrement visité la clientèle qu'elle a entièrement créée et développée sur le secteur de l'Est de la France.
Aucune négligence ne peut lui être reprochée.
D'ailleurs, elle a toujours rendu compte à la société Cros des visites effectuées après de la clientèle, et ce n'est qu'à l'occasion de la présente instance que cette dernière a imaginé (...) la qualité du travail effectué.
S'agissant de la société HD Distribution, il a d'ores et déjà été précisé les raisons pour lesquelles la société Socorep n'a pu continuer à visiter ce client.
En ce qui concerne le client Joseph de Lyon, la société Socorep entend souligner qu'elle a visité celui-ci durant un semestre et que son activité n'a donc pas été limitée à une commande ainsi que cela est indiqué par la société Cros.
En réalité, il s'est également avéré, s'agissant de ce client, qu'il a pris contact directement avec la société Cros pour pouvoir obtenir de meilleures conditions que la société Socorep n'était pas autorisée à accorder.
Il n'en demeure pas moins que la société Socorep devait percevoir des commissions sur ses ventes directes conformément à l'article 6 de la loi du 25 juin 1991 qui ne lui ont cependant pas été réglées.
Ainsi, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a accordé une provision de 7 500 F concernant le client Joseph de Lyon, mais le réformera, en revanche en ce qu'il n'a pas accueilli la demande tendant à enjoindre la société Cros de produire le détail de l'intégralité des ventes qu'elle a directement effectuées auprès de ce client pour les années 1992, 1993 et 1994.
Sur ce :
Attendu, sur la qualification des relations entre les sociétés Cros et la société Socorep, que le contrat d'agent commercial n'est pas un contrat solennel ; que l'absence d'écrit ne suffit pas pour exclure cette qualification ;
Que la société Cros qualifie de mandat d'intérêt commun l'opération par laquelle elle a confié à la Socorep la mission de prospecter une clientèle nouvelle dans l'Est de la France ;
Qu'il résulte d'une lettre adressée par la société Cros à la société Socorep le 10 septembre 1990 que " le tonnage des marchandises vendues est en chute libre " et des attestations de MM. Gauthier et Holgado, respectivement PDG des sociétés Joseph de Lyon et HD Distribution que la société Socorep avait pris des commandes pour le compte de la société Cros ;
Que le mandat de négocier de façon permanente et éventuellement de conclure des contrats de vente confère au professionnel indépendant qui l'exécute la qualité d'agent commercial au sens de l'article 1er de la loi du 25 juin 1991 ;
Attendu, sur l'applicabilité de la loi du 25 juin 1991, qu'il résulte de l'état des commissions établi par la société Cros le 30 septembre 1994 que les relations entre les parties se sont poursuivies au-delà du 1er janvier 1994 ;
Que conformément à l'article 20 de la loi précitée, les relations entre les parties sont régies par ce texte ;
Attendu, sur les demandes de rappel de complément de commissions sur celles allouées aux taux de 1 %, que la télécopie " peu lisible " du 17 septembre 1990 émanant de la société Cros sur laquelle se fonde la société Socorep prévoit des taux de 5 %, 4 %, 3 % et de 2 % en cas de promotion ;
Qu'en l'absence de justification par la société Cros que les ventes conclues l'étaient dans des conditions promotionnelles, la cour confirme le jugement du tribunal qui a fait application d'un taux de 3 % ;
Que la société Socorep a donc droit au complément de 16 940 F alloué par le tribunal ;
Attendu sur les demandes de commissions relatives aux ventes directes conclues par la société Cros avec les sociétés Joseph de Lyon pour 1992, 1993, 1994 et HD Distribution pendant l'année 1994 ;
Qu'il résulte des attestations de MM. Gauthier et Holgado, respectivement PDG de ces sociétés, que les premières commandes ont été prises par la société Socorep ;
Que le droit à commission est dans de telles conditions conféré par l'article 6, 1er alinéa de la loi du 25 juin 1991 ;
Attendu sur le quantum des commissions, qu'après avoir reçu l'état des ventes de la société Cros aux clients HD Distribution et Joseph de Lyon, la société Socorep a chiffré, dans une note du 18 septembre 1998, à 21 049,93 F les sommes lui restant dues ;
Que, dans sa note en réponse du 24 septembre 1998, la société Cros ne critique pas le montant ainsi calculé des commissions restant dues ;
Qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande pour ce montant ;
Attendu, sur la cause de la rupture des relations entre les parties, que la société Cros fait état dans ses conclusions que la société Socorep s'est désintéressée de la mission qui lui était confiée ;
Qu'elle invoque au soutien de son affirmation les attestations précitées de MM. Gauthier et Holgado ; Mais qu'il résulte de ces attestations que la société Cros vendait directement ses produits aux sociétés Joseph et HD Distribution ; Que ces attestations ne contredisent donc pas l'affirmation de la société Socorep que la société Cros l'a écartée des relations commerciales avec ces clients ;
Que la société Socorep ne prouve pas la faute qu'elle allègue ;
Et qu'elle ne qualifie pas les faits allégués de faute grave alors que seule une faute grave peut priver, selon les articles 11 et 13 de la loi de 1991, l'agent du préavis et de l'indemnité compensatrice ;
Attendu, sur l'indemnité représentative du préavis, que pour des relations supérieures à trois ans la loi prévoit un préavis de trois mois ; Qu'en l'espèce les relations ont duré de 1987 à 1994 ; Que le tribunal a donc exactement alloué une indemnité égale à trois mois de commission ;
Que la somme allouée (12 575 F) n'est pas critiquée dans son quantum par la société Cros ; Que la cour confirme donc le jugement ;
Attendu que l'indemnité de rupture, que celle-ci correspond à la valeur de la clientèle dont l'agent commercial est privé du fait de la rupture ; Que la valeur de la clientèle est chiffrée, selon les usages du commerce, à deux années de commission ;
Que la société Cros n'ayant pas contesté le montant du préavis de trois mois, la cour retient la somme de 12 575 F comme base de calcul ; Qu'elle alloue donc une indemnité de rupture égale à 100 600 F (12 575 F x 8) ;
Attendu, sur la demande de 10 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive, que le comportement judiciaire de la société Cros qui n'a notamment pas produit l'original de la lettre expédiée par fax le 17 septembre 1990 révèle la volonté d'entraver le bon déroulement de la justice ;
Que la qualification de montage donnée à cette télécopie en première instance est insultante pour la société Socorep ;
Que l'invention de toutes pièces, en cours de procédure, d'une cause de rupture fondée sur l'intérêt de Socorep pour sa mission est également péjorative pour l'adversaire, ancien partenaire commercial ; Que la cour fait donc droit à la demande ;
Attendu sur la demande de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile formulée par la société Socorep, qu'elle est égale à ce que la société Cros réclame du même chef ; Qu'il convient donc d'y faire droit.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Cros à payer à la société Socorep : - 16 940 F à titre de complément de commission, - 12 575 F à titre d'indemnité de préavis, - 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Le réforme pour le surplus ; Condamne la société Cros à payer à la société Socorep : - 21 049,93 F à titre d'arriéré de commission, - 100 600 F à titre d'indemnité de rupture, - 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, - 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP d'Avoués Perret & Pougnand.