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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 15 octobre 1998, n° 1996-11477

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

CP Immobilier (SARL)

Défendeur :

Perrissel Gérance (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

M. Fauchier, Mme Riffault

Avoués :

SCP Varin Petit, SCP Fanet

Avocats :

Mes Kierszenbaum, Mamouni.

T. com. Paris, 7e ch., du 26 sept. 1995

26 septembre 1995

Considérant que la société à responsabilité limitée CP Immobilier a fait appel d'un jugement du 26 septembre 1995 du Tribunal de commerce de Paris déclaré contradictoire mais qui constate qu'elle s'est bornée à constituer un avocat qui n'a ni conclu ni plaidé, qui l'a condamnée à régler avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 1993 à la société Périssel Gérance une redevance de franchise due pour le premier semestre 1992, lui a ordonné de communiquer au franchiseur son chiffre d'affaires correspondant, a rejeté la demande de dommages-intérêts du franchiseur et a condamné le franchisé à verser 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'elle expose :

- qu'elle a " signé " le 30 avril 1990 ainsi que son porteur de parts Patrick Conan un contrat de franchise faisant " curieusement " de Patrick Conan le franchisé d'un réseau d'agences immobilières " Bons conseils " de la société Périssel Gérance mais que dès le 10 janvier 1991, ayant versé un croit d'entrée, elle a dû accepter par avenant que le réseau change de nom pour devenir " Agence étoile " ;

- que la société Périssel Gérance lui avait présenté, avant qu'elle ne s'engage, divers documents dont une " étude de marque " concluant pour l'agence dont l'implantation à Champs sur Marne était projetée, à un potentiel de chiffre d'affaires d'1 800 000 F qui s'est avéré illusoire,

- que le franchiseur qui n'avait aucun savoir-faire à transmettre, a tenté de se faire payer 41 726,30 F de redevances calculées au mépris du contrat puis a procédé à la résiliation de la franchise par lettre du 11 février 1993 ;

Qu'elle reproche à la société Périssel Gérance de n'avoir rempli aucune de ses obligations de franchiseur, au delà de la remise initiale d'une " bible " et de la tenue de quelques colloques, de n'avoir ouvert qu'une douzaine d'agences franchisées au lieu des cinquante prévues de telle sorte que le réseau n'avait aucune notoriété, de n'avoir pas ouvert le serveur Minitel ni le service à terme de communication qui devait relier les agences et fournir une sélection des biens à vendre, et de n'avoir fourni aucune prestation de conseil et de publicité ;

Qu'elle en déduit qu'elle ne doit rien à la société Périssel Gérance, la résiliation ne pouvant être prononcée qu'à ses torts, et qu'elle est au contraire fondé à réclamer 100 000 F de dommages-intérêts et subsidiairement à réduire à 21 292 francs la redevance encore due ; qu'elle sollicite l'octroi de 5 000 F pour ses frais irrépétibles ;

Considérant que la société Périssel Gérance du Groupe Périssel Immobilier précise que le contrat du 30 avril 1990 lui accordait une redevance de franchise de 8,5 % hors taxes du chiffre d'affaires annuel hors taxes du franchisé dont 2 % consacrés à la publicité et 6,5 % à la rémunération des prestations fournies au franchisé ; qu'elle ajoutait que n'ayant pas reçu communication du chiffre d'affaires du premier semestre 1992, elle a facturé et demandé en vain le paiement de la redevance correspondante sur la base d'un chiffre d'affaires minimum de 800 000 F hors taxes ; qu'elle chiffre dans le dernier état de ses conclusions, à 21 291,56 F les redevances dont elle demande le paiement avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 1993 ;

Qu'elle conteste les accusations d'inexécution de ses obligations de franchiseur, réitère sa demande de paiement de la redevance due au titre du premier semestre 1992 et reprend en appel sa demande de paiement de l'indemnité forfaitaire contractuelle de résiliation de 199 999, 99 F ; qu'elle porte à 20 000 F sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Considérant que bien que le contrat du 30 avril 1990 ait été établi au nom de Patrick Conan, les parties à la présente instance s'accordent à exposer qu'il liait en réalité la société Périssel Gérance franchiseur à la société CP Immobilier dont Patrick Conan est le gérant ;

Considérant que tout en soutenant que le réseau d'agences immobilières " Bons conseils " devenu " Agence étoile " n'était que virtuel lorsqu'elle y a adhéré, et qu'elle a été induite en erreur par la remise d'une étude de marque aux conclusions inexactes et par des promesses qui n'ont pas été tenues, la société CP Immobilier ne demande ni l'annulation ni la résolution du contrat de franchise mais en sollicite en définitive la résiliation aux torts du franchiseur, l'octroi de dommages-intérêts et le rejet de la demande de paiement de la redevance de franchise afférente au premier semestre de l'année 1992 formulée par le franchiseur faute de contrepartie apportée par ce dernier ;

Que la demande de résiliation du contrat aux torts du franchiseur est avancée pour justifier le refus de paiement de la redevance du premier semestre de l'année 1992 et de l'indemnité de résiliation réclamées par le franchiseur ; que le préjudice dont la réparation est demandée par le franchisé n'est en rien justifié qu'il soit lié à des griefs qui auraient légitimé une annulation ou une résolution du contrat non sollicitées, ou à une résiliation pour l'avenir du contrat qui consacre une rupture que le franchisé a voulue ;

Qu'il s'en suit que la demande de dommages-intérêts formulée par la société CP Immobilier n'est pas fondée ;

Considérant qu'il résulte des documents versés aux débats que le réseau de franchise " Bons conseils " n'existait pour ainsi dire pas lorsque la société CP Immobilier en est devenue l'un des rares franchisés le 30 avril 1990 ; que sa notoriété était si peu évidente qu'il changeait de nom huit mois plus tard ; que le compte rendu du " deuxième colloque national " du 1er décembre 1990 constatait que le réseau comportait huit agences locales pour l'ensemble du territoire français, que le " premier souci " de ses animateurs avait été de " mettre au point un programme informatique d'échange de fichiers propre au réseau " qui " sera opérationnel début janvier 1991 ", et qu'il était décidé de " tester prochainement en phase pilote " un logiciel fonctionnant sur le réseau national Numéris ;

Qu'il n'est nullement établi que le réseau ait été plus structuré deux ans plus tard ; qu'il n'est pas allégué ni encore moins prouvé que le nombre des agences, insuffisant pour constituer un véritable réseau, s'était sensiblement accru ni que le serveur mis en place par contrat du 13 juin 1991 ait été alimenté de façon utile ; que la société CP Immobilier a pu ainsi justifier son refus de paiement le 23 février 1993 sans recevoir de démenti en reprochant au franchiseur de n'avoir que douze franchisés et un fichier collectif ne contenant que neuf biens immobiliers à vendre ;

Qu'il n'est justifié d'aucune véritable campagne de promotion d'une enseigne demeurée confidentielle ; que les bulletins d'information diffusés et les réunions de formation organisées ne peuvent tenir lieu de prestations suffisant à légitimer une redevance au taux conséquent de 6,5 % du montant du chiffre d'affaires ;

Que la société CP Immobilier est fondée à refuser le paiement de la redevance litigieuse, la société Périssel Gérance ayant enfreint ses engagements contractuels en ne constituant pas, faute d'exécution de ses obligations principales de franchiseur, le véritable réseau promis ; que la résiliation du contrat de franchise que la société Périssel Gérance a notifiée, procède de ses fautes; qu'elle ne peut demander la moindre indemnité de résiliation ;

Considérant qu'il serait inéquitable que la société CP Immobilier conserve la charge de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs: Infirme le jugement déféré ; Déboute la société Périssel Gérance de toutes ses demandes et la société CP Immobilier de sa demande de dommages-intérêts ; Condamne la société Périssel Gérance à verser à la société CP Immobilier 5 000 F pour ses frais irrépétibles ; La condamne en tous les dépens de première instance et d'appel ; Admet la SCP Varin Petit, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.