Cass. com., 27 octobre 1998, n° 96-11.012
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Cave coopérative vinicole de Rauzan (Sté)
Défendeur :
Beck
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Blanc, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré et les productions, que, par un contrat d'agent commercial régi par le décret du 23 décembre 1958, la société Cave coopérative vinicole de Rauzan (la Coopérative) a confié à MM. Beck et Hayet la représentation, en France et aux Etats-Unis d'Amérique, de certains de ses produits ; que le contrat stipulait qu'il prenait effet au 1er juillet 1979 " pour une durée déterminée de trois années, renouvelable par tacite reconduction pour une nouvelle période de trois ans, et ainsi de suite. A l'initiative de l'une des parties, et en cas de non reconduction, la résiliation sera faite par lettre recommandée au moins six mois avant la fin du contrat " ; que, par lettre du 5 juin 1990, le mandant a fait connaître à M. Beck qu'il ne renouvellerait pas le contrat après le 1er juillet 1991 ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que la Coopérative reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Beck 400 000 francs à titre de dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'existence de plusieurs contrats successifs d'agent commercial à durée déterminée ne change pas la nature des relations contractuelles des parties qui ne deviennent pas régies par un contrat unique à durée indéterminée ; qu'ainsi les juges du fond ne pouvaient considérer qu'en définitive les parties étaient liées par un contrat devenu à durée indéterminée ouvrant droit à indemnisation, la Coopérative ayant tout simplement dénoncé valablement le dernier contrat dans le respect du préavis convenu, d'où une violation de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ; alors, d'autre part, que le mandant, dans un contrat d'agent commercial, est fondé à ne pas renouveler le dernier contrat à condition d'aviser le mandataire dans le délai prévu au préavis sans avoir à motiver sa décision ; que la cour d'appel a pourtant considéré que la Coopérative ne faisait pas valoir de griefs pertinents à l'égard de M. Beck pour admettre le droit à indemnité de ce dernier, d'où une violation de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ; alors, encore, que les juges du fond sont liés par les conclusions des parties et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que la cour d'appel a considéré que la Coopérative aurait pris prétexte du dépôt, annulé depuis, d'une de ces marques aux Etats-Unis par la société animée par M. Beck pour ne pas renouveler le contrat et nuire à M. Beck bien que ce dernier n'ait jamais soutenu l'existence d'une intention de nuire de la Coopérative car il avait uniquement prétendu que celle-ci aurait poursuivi l'activité en fraude de ces droits et en contravention avec une clause de non-concurrence et tenté de se soustraire à son obligation légale d'indemnité pourtant inapplicable, d'où une méconnaissance des termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que la cour d'appel, qui a constaté le dépôt d'une marque appartenant à la Coopérative, effectué aux Etats-Unis par la société animée par M. Beck, avait été annulé par un juge américain, sur la demande de la Coopérative, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où résultait que ce fait ne pouvait pas constituer un prétexte au non-renouvellement pour nuire à M. Beck, d'où une violation de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la société Amboise Cellars a déposé la marque Augey, appartenant à la Coopérative, aux Etats-Unis avec l'accord de cette dernière et que M. Beck, qui ne détenait que 25 % des parts de la société Amboise Cellars, n'était pas chargé de l'administration de cette société, de telle sorte que la Coopérative n'est pas fondée à reprocher à M. Beck le dépôt de cette marque, ultérieurement annulé par le juge américain, pour justifier du non renouvellement du contrat en vigueur depuis le 1er juillet 1979 ; qu'il retient encore que le refus de renouvellement du contrat était dépourvu de motif tandis qu'il causait préjudice à Beck, faisant ainsi ressortir son caractère abusif ; qu'en l'état de ces appréciations, et abstraction faite du motif erroné mais inopérant dont fait état la première branche et du motif surabondant dont fait état la troisième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses quatre branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour fixer à 400 000 francs le montant des dommages-intérêts alloués à M. Beck, l'arrêt retient que ceux-ci doivent être déterminés en fonction de divers éléments qu'il énumère, dont les commissions perçues par l'agent qui comprennent les " frais qu'il exposait " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a englobé dans le montant des dommages-intérêts un élément extérieur au préjudice subi et, par suite, violé le texte susvisé ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et deuxième branches du second moyen : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Cave coopérative vinicole de Rauzan à payer à M. Beck la somme principale de 400 000 francs à titre d'indemnité, l'arrêt rendu le 1er décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.