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Décisions

Cass. com., 27 octobre 1998, n° 96-14.540

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Fiat Auto (SA)

Défendeur :

Lize (ès qual.), Nourrisson

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Defrenois, Levis, SCP Lesourd.

T. com. Paris, 4e ch., du 10 août 1994

10 août 1994

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 1er mars 1996), que la société Fiat auto France (société Fiat) était liée à la société Caen auto service (société CAS) par deux contrats de concession à durée indéterminée pour la distribution, l'un des véhicules Fiat, l'autre des véhicules ainsi que des pièces de rechange Lancia, et par un contrat à durée déterminée expirant le 31 décembre 1989 pour la distribution des pièces de rechange Fiat ; que la société Fiat a résilié les contrats de concession avec préavis d'une année, le second le 8 décembre 1988, le premier le 19 décembre 1989 ;

Sur les deux premiers moyens, le deuxième pris en ses deux branches, réunis : - Attendu que la société Fiat reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait abusé de son droit de résilier ou de ne pas renouveler les contrats et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer des dommages-intérêts à M. Lize, liquidateur de la société CAS, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le jugement annulé ne peut produire aucun effet ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a décidé que la condamnation de la société Fiat était justifiée en son principe pour des motifs propres et pour les motifs pertinents du tribunal de commerce dont elle avait pourtant annulé le jugement, a méconnu les exigences des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la rupture de relations contractuelles ne peut être abusive lorsqu'elle procède de motifs légitimes ; qu'en l'espèce, la société Fiat a établi qu'elle avait d'abord résilié avec préavis le contrat de concession de la marque Lancia, en décembre 1988, en raison du très faible nombre de véhicules de cette marque vendus par le concessionnaire, mais accepté de maintenir la concession de la marque Fiat dans l'espoir d'un redressement de la société CAS ; que la société Fiat a également indiqué, ainsi que la cour d'appel l'a d'ailleurs expressément relevé, que le non-renouvellement du contrat de distribution des pièces de rechange de la marque Fiat, en septembre 1989, correspondait à une réorganisation générale du système de distribution de ces pièces pour l'ensemble du marché ; qu'enfin, le concédant a démontré qu'après avoir consenti le maintien de la concession de la marque Fiat pour l'année 1989, il avait été amené à résilier le contrat en raison des très mauvais résultats de vente obtenus par le concessionnaire ; que, dès lors, en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si au regard de ces éléments la société Fiat n'avait pas des motifs légitimes de rompre successivement les différents contrats la liant à la société CAS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en se déterminant par des motifs impropres à établir la nature et l'ampleur, d'un côté, des avantages qui auraient été accordés au nouveau concessionnaire et refusés à la société CAS et, d'un autre côté, des refus et exigences qui auraient constitué des brimades pour la société CAS, la cour d'appel n'a pas caractérisé les fautes prétendument commises par la société Fiat ayant rendu plus difficile la poursuite de l'activité de la société CAS ; qu'ainsi, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que la société Fiat était en droit de résilier, moyennant les préavis qu'elle a respectés, les contrats de concession à durée indéterminée et de ne pas renouveler le contrat de distribution à durée déterminée ainsi que d'éliminer la société CAS de son réseau, mais peut avoir engagé sa responsabilité en raison des modalités qui ont accompagné la fin de ses relations avec la société CAS, l'arrêt retient que les contrats de concession ont été résiliés successivement tandis que l'équilibre financier de la société CAS ne pouvait être assuré que par le cumul de la distribution des deux marques, les concessions Fiat et Lancia, " complémentaires au point qu'il n'existait qu'un concédant ", n'étant " pas divisibles sans préjudice économique "; qu'effectuant les recherches dont fait état la deuxième branche du moyen, l'arrêt, écartant qu'au moment de la résiliation du contrat concernant la marque Lancia, le maintien de la concession de la marque Fiat par le concédant a été guidé " dans l'espoir d'un redressement de la société CAS ", retient souverainement, par une décision motivée, d'un côté, que l'année 1988 s'était encore achevée sur un résultat positif et, d'un autre côté, que, dès 1988, les responsables de la société Fiat avaient " programmé la mort lente du concessionnaire " ; qu'il retient enfin qu'en échelonnant les résiliations et en rendant plus difficile la poursuite d'activité de la société CAS, la société Fiat a commis des fautes qui ont engendré des pertes d'exploitation pour l'exercice 1989 et qu'en déséquilibrant l'exploitation de la société CAS, la société Fiat a compromis " l'indispensable reconversion " de celle-ci; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, abstraction faite des autres motifs mentionnés aux première et troisième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Fiat reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir, dans la limite des deux tiers, M. Nourrisson des conséquences de la condamnation prononcée par la cour d'appel de Caen au profit de la société Fiat, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'application de l'article 1382 du Code civil suppose une relation de cause à effet entre une faute et un préjudice ; que la condamnation de M. Nourrisson par la cour d'appel de Caen au paiement de la somme de 1 800 000 F en principal à la société Fiat est la conséquence de la seule non-exécution par le premier de ses engagements de caution au profit de la seconde ; que, dès lors, la cour d'appel, qui condamne la société Fiat à garantir dans la limite des deux tiers M. Nourrisson des conséquences de cette condamnation, en raison de fautes prétendument commises dans la réalisation des contrats de concession, a violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, le préjudice éventuellement souffert par M. Nourrisson en raison de la mise en œuvre de ses engagements de caution ne résulte pas directement des fautes reprochées à la société Fiat dans la résiliation des contrats de concession, mais du non-paiement de ses dettes par la société CAS ; qu'ainsi, en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a derechef violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que M. Nourrisson, caution envers la société Fiat des dettes de la société CAS à concurrence de 600 000 F, puis de 1 200 000 F, avait été condamné à payer à la société Fiat la somme de 1 800 000 F, la cour d'appel, en retenant que la caution n'aurait pas été mise en œuvre sans les fautes de la société Fiat qui ont déstabilisé la société CAS, a caractérisé le lien de causalité entre les fautes de la société Fiat et le préjudice de M. Nourrisson ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.