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Décisions

Cass. com., 24 novembre 1998, n° 96-21.925

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Les Domaines Michel Bernard (Sté)

Défendeur :

Socopral (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Richard, Mandelkern, SCP Waquet, Farge, Hazan.

TGI Paris, 5e ch., 1re sect., du 7 juill…

7 juillet 1992

LA COUR : - Joint, en raison de leur connexité, le pourvoi n° Q-96-21.925 formé par la société Domaines Michel Bernard et le pourvoi n° D 96-22.582 formé par la société Socopral, qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 4 octobre 1996), que, par lettre du 9 septembre 1982, valant contrat, la société Les Domaines Michel Bernard (société Bernard) a confié, sous certaines conditions, à la société Socopral la diffusion de la production de ses vins ; que, par lettre du 12 juin 1991, elle a résilié le contrat, avec effet immédiat ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi formé par la société Bernard : - Attendu que la société Bernard reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la Socopral, au titre de commissions, une certaine somme englobant celle de 190 564,56 francs au titre des commissions du 1er janvier 1989 au 12 juin 1991, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat du 9 septembre 1982, indiquant que la Socopral proposera pour le compte de la société Bernard " les vins dont la liste suit, à l'exclusion de tous autres ", auprès de différents distributeurs selon un secteur géographique déterminé, n'attribuait pas au mandataire l'exclusivité de ce secteur ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs de la lettre du 9 septembre 1982, en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que la commission stipulée payable au vu de factures établies par le mandataire lui-même, excluait le paiement de commissions sans aucune intervention du mandataire ; qu'en estimant que la Socopral pouvait prétendre à des commissions sur des opérations réalisées sans son intervention, la cour d'appel a, à nouveau, dénaturé les termes clairs du contrat du 8 septembre 1982, et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, encore, que la méconnaissance, par le mandant, d'une exclusivité consentie à son mandataire, qui peut engager sa responsabilité si les conditions en sont remplies, ne peut donner lieu au paiement de commissions non prévues par le contrat ; qu'il s'en suit que la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait, pour consacrer le droit de la Socopral à des commissions pour des opérations conclues sans son intervention, se fonder implicitement sur l'article 6, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1991, disposant que " lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d' agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe ", dès lors que cette loi n'est applicable qu'aux contrats conclus après son entrée en vigueur, et à compter du 1er janvier 1994 à l'ensemble des contrats en cours à cette date, et que le contrat du 8 septembre 1982, résilié le 12 juin 1991, ne remplit pas ces conditions ; qu'il s'en suit que la cour d'appel a violé les articles 6 et 20 de la loi du 25 juin 1991 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en raison de l'ambiguïté des termes de la lettre du 9 septembre 1982, la cour d'appel, qui a dû procéder à une interprétation dont la nécessité exclut toute dénaturation, a pu estimer que la Socopral bénéficiait de l'exclusivité pour les produits et le secteur mentionnés dans la lettre du 9 septembre 1982;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel retient exactement que l'exclusivité dont bénéficiait la Socopral implique que les commissions sont dues à celle-ci sur toutes les opérations conclues dans son secteur, qu'elles aient été ou non réalisées grâce à son intervention; D'où il suit que la cour d'appel a justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Bernard reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la Socopral, au titre de commissions, une certaine somme englobant celles de 18 236,63 et 10 000 F, alors, selon le pourvoi, qu'en condamnant la société Bernard au paiement des sommes de 18 236,63 F et de 10 000 F, au motif qu'au vu des pièces du dossier, ces sommes étaient dues à la Socopral, sans viser les éléments de preuve et sans procéder à une analyse, même sommaire, de ces éléments, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'expert commis judiciairement avait retenu, dans les conclusions de son rapport régulièrement versé aux débats, les sommes de 18 236,63 F et 10 000 F au titre, respectivement, de la réduction du taux de commissionnement et des commissions de décembre 1990, l'arrêt, en se référant à ce rapport, s'en est approprié la motivation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Bernard reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la Socopral, au titre de commissions, une certaine somme englobant celle de 81 846,25 francs au titre de l'affaire Valdigny alors, selon le pourvoi, que, dans ses conclusions d'appel signifiées le 15 mai 1996, la société faisait valoir, éléments de preuve à l'appui, qu'elle n'avait facturé à la société Valdigny que des prestations de service (embouteillages) ou bien la livraison de vins en vrac, ce qui n'entrait pas dans le mandat de la Socopral, chargée de proposer des vins embouteillés et cachetés et que cette dernière ne pouvait, dès lors, prétendre à des commissions à ce titre ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, de nature à démontrer que la somme de 81 846,25 francs n'était pas due à la Socopral, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en retenant que la commission Valdigny est due " compte tenu du fait que la liste du 9 septembre 1982 mentionne, d'une manière générale, en son article VI, les négociants en vin ", la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deux moyens, le premier pris en ses deux branches, réunis, du pourvoi formé par la société Socopral : - Attendu que, de son côté, la société Socopral reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de 800 000 F à titre d'indemnité de rupture, 260 000 F à titre d'indemnité de préavis et 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il appartient au mandant, qui entend contester le droit de l'agent commercial au paiement de l'indemnité, de rapporter la preuve d'une faute de celui-ci justifiant la rupture du mandant ; que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en se fondant néanmoins exclusivement sur les lettres et télex émis par la société Bernard, pour décider que celle-ci rapportait la preuve des griefs qu'elle invoquait contre la société Socopral, que celle-ci contestait formellement, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Socopral, qui soutenait que postérieurement à l'émission de ces lettres et télex, la société Bernard lui avait offert, par lettre du 1er mars 1991, de conclure un nouveau contrat d'agent commercial, ce dont il résultait que les griefs qu'elle lui avait opposés, et qui étaient contestés, ne pouvaient justifier la résiliation du mandat, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin que la brusque résiliation, par le mandant, du contrat d'agent commercial est fautive lorsque les circonstances de la résiliation n'imposent pas une cessation immédiate des relations contractuelles ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher, comme elle y était invitée, si la rupture du mandat par la société Bernard, le 12 juin 1991, avec effet immédiat, n'était pas imposée par les circonstances de la rupture et si de ce fait, en résiliant aussi brusquement le contrat de mandat, cette dernière avait commis une faute ayant causé un préjudice à la société Socopral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958, dans sa rédaction antérieure au décret du 10 juin 1992 ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt, pour retenir un comportement fautif de la société Socopral, se fonde, non pas sur les seuls documents versés aux débats par la société Bernard, mais sur " une longue série de lettres et télex échangés à partir de l'année 1990 " entre les parties ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions dont fait état la deuxième branche, dès lors qu'il est constant que l'offre de conclusion d'un nouveau contrat faite par la société Bernard à la société Socopral était assortie d'un " avertissement solennel " adressé à cette dernière d'avoir à modifier sa façon de procéder, dont le mandataire n'a pas tenu compte, de telle sorte que cette offre, subordonnée à une condition qui n'a pas été respectée, était sans incidence sur la solution du litige ;

Attendu, enfin, qu'en retenant, que le comportement du mandataire constituait une faute de nature à priver la société Socopral " des indemnités " de rupture et que le mandataire devait être déboutée de " ses demandes relatives au chef de la rupture ", la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise par la troisième branche ;

Par ces motifs : rejette les pourvois.