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Décisions

Cass. com., 15 décembre 1998, n° 96-19.351

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Ruiz

Défendeur :

Pereira

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Mes Roger, Blondel.

T. com. Beaune, du 5 mai 1995

5 mai 1995

LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Dijon, 25 juin 1996) que M. Ruiz, qui avait constitué avec M. José Pereira une SARL pour exploiter en location-gérance le fonds de commerce lui appartenant, a, par acte sous-seing privé du 24 mai 1994, cédé ses 250 parts au frère de son associé, M. Carlos Pereira, pour le prix de 250 000 francs ; qu'il a assigné M. Carlos Pereira en paiement du prix, lui réclamant en outre de l'outillage emporté à tort ; que M. Pereira s'est opposé à ces demandes, prétendant que M. Ruiz avait renoncé au prix de vente, en compensation de la clientèle, du droit au bail ainsi que d'une partie du matériel qu'il avait conservés ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. Ruiz fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de restitution de matériel alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en statuant par des motifs contradictoires et dubitatifs, ne permettant pas de déterminer la raison pour laquelle elle refusait la restitution du matériel, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de l'article 8 de la convention de location-gérance invoquée par le bailleur et qui obligeait le locataire de restituer le matériel en fin de bail, de sorte qu'il appartenait à celui-ci de prouver qu'il pouvait garder ledit matériel, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que c'est sans inverser la charge de la preuve et sans violer la loi du contrat que la cour d'appel a retenu que M. Ruiz n'établissait pas, faute d'écrit et de désignation précise, que le matériel revendiqué lui appartînt en propre; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1291 du Code civil ; - Attendu que, pour infirmer le jugement et rejeter la demande en paiement du prix de cession formée par M. Ruiz, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que cette somme n'a pas été versée, que, si M. Ruiz, qui a dû reprendre possession du matériel dépendant du fonds à l'expiration du contrat de location-gérance, se déclare prêt à restituer le matériel figurant à l'actif de la société encore en sa possession, les pièces versées aux débats ne permettent pas de savoir si la société a, au cours de la location-gérance, acheté du matériel qui se trouve encore dans son patrimoine, qu'aux termes de l'acte de cession, il a été donné quittance du prix et que M. Ruiz ne produit pas le bilan de la société ni aucun élément sur la contrepartie qui aurait pu exister au paiement de cette somme, la SARL se trouvant depuis la résiliation du contrat de location-gérance, privée d'enseigne, de clientèle et de locaux ; que les juges en déduisent qu'il existe suffisamment d'indices concordants permettant de conclure à l'existence d'une compensation entre la créance de 250 000 F, et la conservation par M. Ruiz de la clientèle, du droit au bail et de divers outillages ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs dubitatifs quant à la consistance et l'évaluation du matériel prétendument conservé par M. Ruiz et alors que la SARL, qui n'avait été que locataire-gérant du fonds de commerce, ne disposait d'aucun droit ni sur le matériel, ni sur la clientèle, ni sur le droit au bail qui demeuraient attachés au fonds appartenant à M. Ruiz, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une créance au profit de M. Pereira, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte précité ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais en ses seules dispositions constatant une compensation et rejetant la demande en paiement du prix de cession formée par M. Ruiz, l'arrêt rendu le 25 juin 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.