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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 17 décembre 1998, n° 917-95

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Magnetti Marelli France (SA), Magnetti Marelli (Spa)

Défendeur :

Société Toulousaine Entretien Automobile (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assié

Conseillers :

Mme Laporte, M. Maron

Avoués :

SCP Lambert-Debray-Chemin, SCP Fievet-Rochette-Lafon

Avocats :

SCP Vogel, Vogel, Me Fourgoux.

CA Versailles n° 917-95

17 décembre 1998

Faits et procédure

La SA Magneti Marelli Distribution absorbée depuis le 1er juillet 1994 par la société Solex et ayant pris à cette occasion la dénomination sociale Magneti Marelli France est spécialisée dans la fabrication des équipements pour automobiles.

En 1992, la société Magneti Marelli Distribution a mis en place un réseau de distribution comprenant une vingtaine de concessionnaires.

Elle a ainsi confié à la SA Toulousaine Entretien Automobile "STEA", par contrat du 19 février 1992, l'exclusivité de la vente de ses produits dans la région de Toulouse.

Le 24 mars 1994, la société Magneti Marelli a dénoncé le contrat à effet au 2 février 1995.

Le 29 mars 1994, la société Magneti Marelli France a limité l'encours de crédit à son montant d'alors d'environ 2,5 millions de francs et indiqué à la société STEA qu'un dépassement ne pourrait être envisagé que contre fourniture par elle d'une caution de 3 millions de francs.

Le 31 mars 1994, la société STEA n'a pas honoré son échéance.

Par courrier du 20 avril 1994, la société Magneti Marelli France a informé la société STEA de l'arrêt des livraisons compte-tenu des impayés et de son refus de procurer une caution bancaire et lui a rappelé la faculté réservée au concédant de résilier de plein droit et sans préavis la convention en cas de manquement grave de la part du concessionnaire résultant notamment de l'absence de règlement en lui impartissant un délai de 8 jours pour régulariser le solde restant dû.

L'échéance du 30 avril 1994 n'a pas été non plus acquittée par la société STEA.

Le 9 mai 1994, la société Magneti Marelli France a rappelé à la société STEA les termes de sa correspondance.

Par lettre du 10 mai 1994, la société STEA a précisé à la société Magneti Marelli que la suspension des paiements n'était intervenue qu'à titre conservatoire comme conséquence du blocage des marchandises et manifesté son intention d'apurer la situation à concurrence de 650 000 F sous la condition de la reprise des livraisons.

En réponse le 17 mai 1994, la société Magneti Marelli France a formulé une dernière proposition impliquant avant tout le règlement des impayés.

Aucun accord n'étant intervenu, la société Magneti Marelli France a résilié le contrat de concession le 17 juin 1994 à effet immédiat.

C'est dans ces conditions que la société STEA a engagé, le 19 juillet 1994, une action indemnitaire pour rupture abusive du contrat du 19 février 1992 et refus de vente à l'encontre de la société Magneti Marelli France devant le Tribunal de Commerce de Nanterre où est intervenue volontairement la société mère, de droit italien Magneti Marelli Spa.

Parallèlement, la société STEA a saisi le conseil de la concurrence aux fins d'obtenir la condamnation des sociétés Magneti Marelli France et Spa, sur le fondement des articles 8.1, 8.2 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, puis déposé une plainte pénale pour non-respect des règles de facturation, publicité mensongère, refus de l'escompte et du paiement comptant et comptabilité non fidèle visant ces deux sociétés qui aurait été classée sans suite.

Simultanément, la société STEA a demandé vainement en référé la reprise des livraisons tandis que la société Magneti Marelli France a obtenu par la même voie, le 7 octobre 1994, l'octroi d'une provision de 1 807 603 F ayant donné lieu à une saisie conservatoire pratiquée sur les comptes de la société STEA.

Par jugement du 22 décembre 1994, le Tribunal de Commerce de Nanterre a ordonné aux sociétés Magneti Marelli France et Spa la reprise des livraisons sous astreinte de 10 000 F par jour de retard dans les 8 jours de la signification de la décision en se réservant sa liquidation éventuelle,

- enjoint les parties à se rencontrer sans délai afin de résoudre à l'amiable par un nouveau contrat toutes leurs difficultés en particulier celles concernant les ruptures de stock,

- condamné la société STEA à payer aux sociétés Magneti Marelli Spa et France les sommes respectives de 752 124,16 F et de 1 763 565,03 F majorées des intérêts légaux depuis l'assignation du 19 juillet 1994,

- dit que la société STEA pourrait retourner à la société Magneti Marelli Spa dans la limite d'un montant maximum de 711 600 F les pièces obsolètes ou dépareillées qui devrait les échanger dans le mois de la demande et au choix de la société STEA par des produits d'une valeur équivalente au tarif en vigueur au jour de la substitution,

- condamné solidairement les sociétés Magneti Marelli France et Magneti Marelli Spa à régler à la société STEA la somme de 1 425 000 F à titre de dommages et intérêts,

- ordonné la compensation et l'exécution provisoire hormis du chef des dommages et intérêts sous réserve en cas d'appel de la fourniture par la société Magneti Marelli France d'une caution bancaire et par la société Magneti Marelli Spa d'une garantie à première demande sur une banque française de premier choix à concurrence des montants des sommes qui leur ont été accordées et condamné les défenderesses aux dépens.

Les sociétés Magneti Marelli ont relevé appel de cette décision et obtenu par ordonnance du 27 janvier 1995 du Premier Président de la Cour, l'arrêt de l'exécution provisoire dont elle était assortie.

Après divers échanges de conclusions entre les parties, la Cour ayant constaté à l'audience du 12 septembre 1996 la saisine du Conseil de la Concurrence concernant les faits de la cause, a estimé, avec l'accord des parties devoir attendre la décision devant être rendue et renvoyé l'affaire à la mise en état comme en fait foi l'extrait de plumitif.

Par décision du 4 juin 1997, la Conseil de la Concurrence considérant établi que les sociétés Magneti Marelli Spa et France avaient enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 leur a infligé des sanctions pécuniaires respectives de 100 000 F et de 900 000 F.

Aucun recours n'a été exercé contre cette décision.

Les sociétés Magneti Marelli font valoir que les premiers juges en retenant que le contrat de concession avait été suspendu depuis mars 1994 et jamais résilié pour ordonner la reprise des livraisons ont remis en cause le non-renouvellement du contrat prononcé le 22 mars 1994 avec un préavis de onze mois, statué ultra petita, méconnu les stipulations de la convention et l'interdiction d'instituer des contrats perpétuels et n'ont pas tenu compte de la résiliation en cours de préavis pour impayés en date du 17 juin 1994.

Elles soutiennent à cet effet que la société STEA n'avait pas contesté en première instance le non-renouvellement du contrat au 2 février 1995 et y a procédé pour la première fois en cause d'appel.

Elles ajoutent qu'il ne peut leur être imputé un non-respect de l'article 24 de la convention qui est inapplicable dans cette hypothèse alors que la mise en œuvre du non-renouvellement du contrat a été opérée régulièrement et qu'elle ne pouvait être liée sans fin avec son concessionnaire.

Elles prétendent que la reprise des livraisons était impossible en raison des fautes graves commises par la société STEA ayant justifié selon elles la rupture immédiate du contrat dans la mesure où cette dernière a refusé de régler les sommes dues en dépit de plusieurs mises en demeure en soulignant que la commande de décembre 1993 anormale ne pouvait être honorée dans sa totalité, que la société STEA a proféré des menaces de non règlement et des griefs non fondés lors de la réunion du 17 mars 1994, puis laissé impayé un solde important les contraignant à prendre des dispositions en vue de garantir le règlement de l'encours, tout en poursuivant les livraisons au titre des commandes urgentes.

Elles estiment que le contrat forcé imposé par le Tribunal n'est pas envisageable, que la décision quant à la reprise contestée des stocks est infondée en l'absence de dispositions contractuelles sur ce point, tout comme l'abus allégué de dépendance économique rejetée par le Conseil de la Concurrence.

Elles indiquent que la société STEA ne peut, après avoir invoqué en première instance la prétendue résiliation abusive et la poursuite des relations contractuelles d'un contrat de concession valable, se prévaloir en appel, de manière contradictoire et nouvelle, de la nullité du même contrat.

Elles contestent, en tout état de cause, le montant du préjudice réclamé par la société STEA dont le calcul est, selon elles, erroné et considèrent qu'il devrait être apprécié en fonction d'une période de référence ne pouvant aller au-delà du 2 février 1995 et du chiffre d'affaires concernant les seuls produits Magneti Marelli en observant qu'à supposer les données fournies exactes, le préjudice est inexistant entre mars 1994 et le 31 août 1994, que la société STEA ne saurait revendiquer une perte de marge brute supérieure à 397 318,94 F ou à 305 952,04 F selon les hypothèses de 13,58 % ou de 10,79 % envisagées, lesquels doivent être minorés puisque seule la marge nette doit être admise.

Elles discutent encore la prétention tendant à les enjoindre d'honorer les commandes.

Elles sollicitent, en conséquence, l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré la société STEA redevable envers elles de sommes importantes mais réclament à ce titre la fixation de leur créance, la société Magneti Marelli France à hauteur de 1 807 669,81 F avec intérêts légaux à compter de la première mise en demeure du 20 avril 1994 et celle de la société Magneti Marelli Spa à concurrence de 791 664,21 F majorée des intérêts légaux depuis le 20 juillet 1994.

Elles soulèvent l'irrecevabilité des prétentions selon elles nouvelles et demandent l'entier débouté de la société STEA outre une indemnité de 60 000 F HT en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société STEA conclut à la confirmation intégrale de la décision attaquée sauf à porter les dommages et intérêts accordés à la somme de 8 277 013 F.

Elle demande, en outre, d'ordonner à la société Magneti Marelli d'exécuter ses commandes conformément aux conditions générales de vente en vigueur sous astreinte de 5 000 F par jour de retard et de lui allouer une indemnité de 100 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle oppose que la société Magneti Marelli a mis au point une stratégie visant à la faire disparaître du marché par étapes : cessation des livraisons, refus de renouvellement puis la résiliation du contrat et même encore après a fait pression sur le concessionnaire le plus proche la société AFEPAC pour la priver de tout approvisionnement.

Elle soutient que le système de distribution de la société Magneti Marelli ayant été critiqué et sanctionné par le Conseil de la Concurrence, l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 énonçant la nullité de tout engagement ou convention se rapportant à des pratiques prohibées par les articles 7 et 8 devrait être appliqué en déniant le caractère nouveau de cette prétention.

Elle fait état de la cessation de livraison fautive de la société Magneti Marelli en prétendant que celle-ci ne constitue pas la conséquence du non règlement des échéances, mais résulte d'une volonté délibérée de l'asphyxier comme l'a jugé le Tribunal.

Elle considère que la société Magneti Marelli a également fait preuve d'un comportement fautif lors de la résiliation en prétendant que celle-ci n'a effectué aucune proposition tendant à trouver une solution amiable au litige après avoir refusé d'honorer une commande importante en décembre 1993, puis qu'elle a exigé une caution injustifiée car non contractuelle, procédé à des refus des livraisons ou à des livraisons irrégulières, diminué progressivement les encours alors qu'elle même respectait loyalement ses obligations.

Elle ajoute que la société Magneti Marelli l'a discriminé directement avant la résiliation et indirectement lors de la livraison à la société AFEPAC et affirme que cette dernière n'a jamais contesté la reprise d'un stock de pièces obsolètes d'une valeur de 600 000 F.

Elle indique avoir subi une perte de chiffre d'affaires et une perte de marge en précisant que la méthode de calcul reprend l'évolution des ventes depuis 1992 ainsi que l'analyse de ses comptes d'exploitation et de ses différents bilans.

Elle précise n'avoir pu obtenir après la résiliation du contrat de concession les nouvelles conditions de vente de la société Magneti Marelli ni ces marchandises et se trouver consécutivement exclue du marché.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 juin 1998.

Motifs de l'arrêt

Considérant que le contrat de concession en cause a été conclu entre les parties le 19 février 1992 dans un contexte particulier ne présageant guère de l'instauration de relations de confiance devant normalement exister entre un concédant et son concessionnaire, puisqu'il n'a été proposé à la société STEA qu'après que celle-ci ait engagé des actions en 1989 et 1990 devant le Conseil de la Concurrence, puis la Commission des Communautés Européennes et s'en soit, en contrepartie, désistée ;

Considérant que dans le cadre de cette convention, la société devenue Magneti Marelli France a confié l'exclusivité de la vente de ses produits dans six départements de la région de Toulouse à la société STEA, laquelle n'a, en revanche, pas contracté d'engagement de non concurrence envers cette société, filiale de la société Holding Ufima, elle-même filiale de la société Magneti Marelli Spa qui fait partie du groupe Fiat, et vend donc des pièces détachées pour automobiles d'autres marques ;

Qu'il a été stipulé que le contrat prendrait effet le 1er février 1992 pour une durée de deux ans et serait renouvelable ensuite annuellement par tacite reconduction, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties moyennant le respect d'un délai de préavis de trois mois, sans qu'aucune d'elle ne puisse prétendre, en cas de non-renouvellement du contrat, à une quelconque réparation ou indemnité pour quelque cause que ce soit ;

Qu'il a été aussi réservé au concédant en vertu de l'article 19 la faculté de résilier le contrat de plein droit et sans préavis en cas de faute grave du concessionnaire, notamment dans les hypothèses du non-respect des échéances de paiement ou d'absence de paiement ;

Considérant que la société Magneti Marelli France après avoir manifesté son intention, le 24 mars 1994, de ne pas renouveler le contrat et d'y mettre un terme le 2 février 1995 l'a résilié le 17 juin 1994 a effet immédiat en se prévalant de l'article 19 susvisé ;

Considérant que la société STEA, estimant cette résiliation sans fondement, a initié une action à l'encontre de la société Magneti Marelli ayant donné lieu au jugement déféré puis se prétendant victime de pratiques anticoncurrentielles a saisi le Conseil de la Concurrence ;

Sur la décision du Conseil de la Concurrence

Considérant que par décision du 4 juin 1997 dont le caractère définitif est admis, le Conseil de la Concurrence a estimé que la société STEA ne se trouvait pas dans un état de dépendance économique envers la société Magneti Marelli en relevant qu'en l'absence de clause d'exclusivité de vente des produits de cette société imposée au concessionnaire, le contrat n'interdisait pas à la société STEA de diversifier son activité et que la part importante des carburateurs de marque Magneti Marelli dans son chiffre d'affaires résultait d'un choix délibéré de sa part, que l'exigence d'une caution par le concessionnaire ne suffisait pas à établir qu'elle ait eu un objet ou une potentialité d'effets anticoncurrentiels et que les différences de prix appliqués aux concessionnaires et aux constructeurs automobiles n'étaient pas de nature à créer un partage artificiel du marché entre eux ;

Que le Conseil a, en revanche, retenu que les remises différées subordonnées à la réalisation d'un quota d'achat minimum dont les modalités de détermination présentaient un caractère confidentiel et dont l'octroi aux concessionnaires n'avait été fonction ni du chiffre d'affaires, ni du degré de réalisation de l'objectif d'achat avaient été attribuées de façon discriminatoire ainsi que l'institution d'une protection territoriale absolue en soulignant qu'après la résiliation du contrat de concession, la société Magneti Marelli avait entravé l'approvisionnement d'un de ses concessionnaires la société AFEPAC et l'avait ainsi empêchée d'honorer les commandes passées par la société STEA ;

Qu'en considération de ces deux pratiques prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et tenant compte de leur portée limitée le Conseil de la Concurrence a infligé des sanctions pécuniaires de 100 000 F à la société Magneti Marelli Spa et de 900 000 F à la société Magneti Marelli France ;

Considérant par conséquent, que la société STEA qui ne discute pas les termes de cette décision et n'a pas exercé de recours à son encontre, ne peut plus désormais soutenir que la société Magneti Marelli France aurait commis un abus de dépendance économique au titre du refus de livraison qu'elle lui impute et de la résiliation du contrat de concession, ni davantage se prétendre victime d'autres actes anticoncurrentiels ou discriminatoires, autres que ceux qualifiés comme tels par le Conseil de la Concurrence.

Sur la nullité du contrat de concession

Considérant, en revanche, que la société STEA est recevable à se prévaloir de la décision de cette institution pour invoquer la nullité du contrat de concession sur le fondement de l'article 9 de l'ordonnance précitée du 1er décembre 1986 qui dispose qu'est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles 7 et 8, dès lors qu'elle apparaît comme un élément nouveau survenu depuis le jugement déféré et que la propre décision de la Cour, le 12 septembre 1996, d'attendre son prononcé avant de statuer sur les demandes qui lui sont soumises est elle-même constitutive d'une évolution du litige.

Considérant toutefois que la prétention ainsi formulée par la société STEA s'avère totalement contradictoire avec l'argumentation fondée à la fois sur la résiliation abusive du contrat de concession et la poursuite des relations contractuelles en vertu d'une convention valable développée en première instance et reprise en cause d'appel puisqu'elle sollicite la confirmation intégrale de la décision attaquée qui a non seulement admis l'existence du contrat de concessionnaire mais encore estimé qu'il était simplement suspendu nonobstant la résiliation intervenue et qui a fait droit en partie à sa demande en paiement de diverses sommes en exécution dudit contrat.

Considérant en outre, que même si les sociétés Magneti Marelli ne peuvent utilement opposer que l'action engagée devant le Conseil de la Concurrence par la société STEA, tout comme la décision du 4 juin 1997, à laquelle elle a abouti n'étaient pas fondées sur la nullité du contrat dans la mesure où si la connaissance des pratiques d'entente illicite ou d'abus de domination relève des attributions de cet organisme, ce dernier est incompétent pour prononcer la nullité des stipulations contractuelles relevant de telles pratiques anticoncurrentielles, les sociétés appelantes font justement observer que s'agissant de la protection territoriale, le conseil de la concurrence n'a pas remis en cause la clause la concernant dans le contrat de concession, mais une pratique perpétrée ultérieurement à sa résiliation résultant d'une interprétation opérée par le concédant dans un courrier du 3 janvier 1995 adressé à un autre concessionnaire la société AFEPAC en relation d'affaires avec la société STEA et du comportement de celui-ci ayant gêné son approvisionnement.

Considérant par ailleurs que le Conseil de la Concurrence n'a émis aucune objection quant aux critères d'attribution des ristournes différées tels qu'ils sont définis dans une annexe de la convention les concernant constituant comme telle une stipulation contractuelle mais reproche à la société Magneti Marelli de les avoir accordées sans tenir compte de leurs conditions d'octroi et lui a par la même fait grief de ne pas avoir procédé à une application stricte du contrat de concession sur ce point.

Considérant qu'en tout état de cause, seule cette disposition serait susceptible d'être annulée sans pouvoir en aucun cas entraîner la nullité du contrat dans son ensemble, dès lors qu'elle ne serait pas, en toute hypothèse, de nature à vicier cet acte dans son entier.

Que cependant, la société STEA ne la sollicite nullement mais revendique, bien au contraire, son exécution intégrale en réclamant une somme de ce chef ;

Que la demande en annulation du contrat sera donc rejetée ;

Sur la résiliation du contrat de concession

Considérant que le contrat de concession ayant été conclu pour une durée de deux ans, il était loisible à chacune des parties de ne pas poursuivre ultérieurement les relations contractuelles sauf à respecter le préavis de trois mois convenu ;

Considérant que si le concédant n'est pas tenu de justifier d'un motif légitime, son refus de renouveler la convention arrivée à son terme constituant pour lui l'exercice d'un droit contractuel, il engage sa responsabilité en cas d'abus dans l'exercice de ce droit ;

Qu'il en est de même lorsqu'il met en œuvre une faculté de résiliation contractuelle à effet immédiat subordonnée à la commission d'une faute grave sans que celle-ci ne soit effectivement caractérisée ;

Considérant que si la société STEA a dans son assignation seulement contesté la résiliation du contrat intervenue le 17 juin 1994 en l'estimant injustifiée et excessive, elle a par des conclusions ultérieures au 16 novembre 1994 discuté la cessation même de la convention en alléguant une simple suspension des relations commerciales entre elles et la société Magneti Marelli France et en demandant au tribunal de constater leur maintien, de condamner cette dernière à lui verser une indemnité pour le préjudice résultant de la suspension abusive du contrat et des refus de vente et d'ordonner la reprise des livraisons sous astreinte.

Que par conséquent, le tribunal n'a pas statué ultra petita en retenant cette argumentation et en prononçant cette mesure même s'il y a procédé à tort de surcroît de manière indéfinie dès lors que la lettre du 8 novembre 1994 seule invoquée par la société STEA dans ses écritures est relative à la régularisation des comptes entre les parties au titre d'une opération antérieure à la cessation des relations survenue à la date non équivoque du 17 juin 1994 et qu'eu égard à la décision de non-renouvellement du contrat à effet au 1er février 1995, celle-là ne pouvait, en toute hypothèse, être ordonnée au-delà de cette seconde date.

Que de même, les premiers juges ne pouvaient instituer un contrat forcé et sans fin entre les parties, ni les obliger à en conclure un nouveau " afin de résoudre à l'amiable toutes leurs difficultés " au mépris de l'autonomie de volonté de chacune d'elles à contracter ou non, comme à pouvoir mettre un terme à leurs engagements respectifs sauf à se voir condamner en cas d'abus à réparer le préjudice qui en serait résulté pour leur cocontractant;

Que ces dispositions seront donc infirmées.

Considérant certes que la commande passée le 5 décembre 1993 par la société STEA à la société Magneti Marelli France était importante puisque son montant total s'élevait à 4 699 694 F et représentait aux dires du concédant près de 60 % des achats annuels du concessionnaire.

Que la société Magneti Marelli l'a acceptée à concurrence de 2,2 millions de francs et a refusé de l'honorer à hauteur de 2 522 663 F.

Que toutefois le caractère relativement exceptionnel de cette commande s'explique par la proposition de la société Magneti Marelli de cession de son stock avant son transfert en Italie et des craintes potentielles de troubles sociaux qu'elle redoutait alors dans la perspective de la fermeture de son centre de distribution en France dont elle avait fait part aux concessionnaires ;

Qu'il n'est par ailleurs, pas établi qu'elle ne correspondait pas aux besoins de la société STEA, ni que la société Magneti Marelli n'ait pas été en mesure de l'exécuter en totalité tandis que cette dernière ne justifie d'aucune contre-proposition éventuelle de livraison dans le temps pour l'assurer intégralement ;

Qu'en outre, ce refus qui a été opposé par le concédant avant tout litige relatif aux paiements, puisque la société STEA a réglé normalement l'échéance de février 1994, et sans motif légitime, s'avère fautif ;

Considérant qu'il s'infère des pièces versées aux débats, qu'après que les livraisons aient été fréquemment différées depuis le 4e trimestre 1993 sans qu'une information précise quant aux délais ne soit fournie, le nombre de rupture de postes a augmenté sensiblement au cours du premier trimestre 1994 et que des marchandises disponibles n'ont pas été livrées dans la période correspondante tandis que la société Magneti Marelli ne démontre pas, au vu de la simple production de facturations établies par ses propres soins non assorties de bons de livraisons, avoir procédé comme elle le prétend, à la livraison de commandes urgentes en mars 1994, époque à laquelle elle a, en réalité, totalement cessé de livré son concessionnaire ;

Considérant que la société Magneti Marelli France n'a, par ailleurs, pas manifesté l'intention de rechercher une solution amiable aux difficultés rencontrées puisque si elle a tenu une réunion avec la société STEA, le 17 mars 1994, elle n'a apporté aucune réponse aux nombreux faits relatés et questions posées par son concessionnaire si ce n'est celle de lui notifier sept jours plus tard le non-renouvellement de la convention, ayant par la suite refusé toute solution conduisant à la reprise des échanges commerciaux, y compris les propositions de paiement comptant contre reprise des livraisons formulées par la société STEA, alors qu'elle ne peut valablement se prévaloir du défaut de règlement des échéances par son cocontractant lequel n'était que la conséquence de la cessation des livraisons qu'elle lui a imposé brutalement;

Considérant que la société Magneti Marelli France ne peut davantage tenter de justifier la rupture des livraisons et la résiliation du contrat par l'absence de fourniture d'une caution de 3 millions de francs ;

Qu'en effet, même si cette exigence n'a pas été jugée anticoncurrentielle au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 par le Conseil de la Concurrence, il n'en demeure pas moins qu'elle constituait une obligation nouvelle mise à la charge de la société STEA dès lors que si elle a effectivement été stipulée lors de la conclusion initiale du contrat en 1992, elle n'a plus figuré à l'annexe 5 de cette convention relative aux prix conditions de paiement et garanties financières de l'année 1993 et qu'il n'est pas démontré qu'elle ait été rétablie dans l'annexe 5 de l'année 1994 ;

Qu'en outre, une telle caution n'a été réclamée par la société Magneti Marelli à aucun autre de ses concessionnaires tandis que son montant initialement fixé à 3 millions de francs par le concédant s'avérait excessif puisque ce dernier qui n'a d'ailleurs pas fait état de craintes d'insolvabilité de la part de son concessionnaire ayant suspendu ses paiements pour un motif justifié, l'a de lui-même réduit à 500 000 F et bénéficiait par ailleurs d'une réserve de propriété sur les produits vendus ;

Considérant que la diminution progressive des encours constitue aussi une modification unilatérale du contrat de concession car elle en peut légitimement se fonder sur la suspension fondée des paiements, ni sur l'absence de fourniture d'une caution.

Qu'enfin, les pressions exercées sur la société AFEPAC après la résiliation du contrat afin qu'elle ne puisse exécuter les commandes passées auprès d'elle par la société STEA corrobore la volonté systématique de la société Magneti Marelli d'entraver définitivement l'approvisionnement de son concessionnaire;

Considérant que l'ensemble de ces éléments établit que la rupture des relations contractuelles est exclusivement imputable à la société Magneti Marelli Franceet qu'elle s'avère abusive et brutale dans la mesure où elle ne peut, en l'espèce, se prévaloir d'une faute grave commise par la société STEA;

Considérant que la résiliation abusive du contrat de concession a été incontestablement à l'origine d'un préjudice subi par la société STEA, que la société intimée soutient à cet effet, à juste titre, qu'elle a éprouvé une perte de chiffre d'affaires et une perte de marges qui ne se seraient pas réalisées si les relations avec la société Magneti Marelli France avaient pu se poursuivre normalement ;

Que néanmoins, les données qu'elle fournit ne peuvent valoir qu'à titre indicatif dans la mesure où elle ne peut valablement se référer qu'à la période s'étant écoulée de la fin mars 1994, date de l'arrêt des livraisons jusqu'au 2 février 1995, date à laquelle les relations contractuelles auraient cessé, en toute hypothèse, eu égard à la décision de non-renouvellement du contrat émanant du concessionnaire, où celles-ci reposent sur des évaluations potentielles théoriques qui ne se seraient pas forcément vérifiées et où le chiffre d'affaires des produits Magneti Marelli dont la part la plus importante était représentée par les carburateurs était en tout cas, de nature à diminuer à la suite de l'adoption non discutée d'une réglementation en 1993 impliquant la substitution de systèmes à injection aux carburateurs dans le cadre de lutte contre la pollution ;

Considérant par ailleurs, que la société STEA a dû, en outre, réorienter ses activités économiques sans disposer à cet égard de délais nécessaires à cette fin en raison du caractère brutal de la résiliation d'un contrat dont l'exécution générait une part majoritaire de son chiffre d'affaires, cette nécessité de réorganisation devant elle-même être tempérée par le fait qu'elle a toujours été autorisée à distribuer des produits d'autres marques ;

Qu'en tenant compte de l'ensemble de ces éléments d'appréciation suffisants, son préjudice global sera fixé à la somme de 1,8 million de francs au paiement de laquelle la société Magneti Marelli France sera seule condamnée en qualité d'unique concessionnaire ;

Sur les créances respectives des parties

Considérant que le tribunal après avoir procédé aux comptes entre les parties, puis déterminé les sommes restant dues à la société STEA a exactement évalué les créances respectives de chacune des sociétés Magneti Marelli après imputation des montants dont elles étaient redevables envers la société STEA ;

Que la société Magneti Marelli France n'est en droit d'obtenir le cours des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 20 avril 1994 qu'à concurrence de la somme de 310 619,06 F qui y était seule visée et pour le surplus depuis l'assignation ;

Sur les autres demandes

Considérant que le contrat de concession ne prévoit aucune obligation de reprise du stock par le concédant à son expiration, que la société Magneti Marelli n'a proposé qu'une seule reprise au moment de la mise en place du réseau de concessionnaires début 1992, mais que celle-ci a été limitée par courrier du 29 janvier 1992 au 31 décembre 1992 au plus tard ;

Que la société STEA ne démontre pas qu'elle n'aurait pu respecter le délai en raison de la carence éventuelle du concédant et ne justifie d'aucune réclamation effectuée en son temps à cet égard ;

Que par conséquent, en l'absence de tout engagement contracté antérieurement sur ce point par le concédant, le concessionnaire n'est pas fondé à solliciter la reprise des marchandises stockées dont il est propriétaire ;

Que la décision entreprise sera réformée de ce chef ;

Considérant que la société STEA n'est pas recevable en sa demande d'exécution par les sociétés Magneti Marelli de commandes sous astreinte formée pour la première fois devant la Cour ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société STEA une indemnité de 45 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Que les sociétés Magneti Marelli qui succombent à titre principal et supporteront les dépens d'appel ne sont pas fondées en leur prétention au même titre ;

Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Vu l'extrait de plumitif du 12 septembre 1996, Vu la décision du Conseil de la Concurrence du 4 juin 1997, - Déclare la SA Toulousaine Entretien Automobile recevable mais non fondée en sa demande en nullité du contrat de concession du 19 février 1992 et l'en déboute ; - Infirme le jugement déféré sous réserve de ses dispositions concernant l'évaluation des créances des sociétés Magneti Marelli France et Spa envers la SA Toulousaine Entretien Automobile et les dépens ; Et statuant à nouveau, - Condamne la SA Magneti Marelli France à verser à la SA Toulousaine Entretien Automobile la somme de 1 800 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la résiliation abusive du contrat de concession du 19 février 1992 ; - Fixe le point de départ des intérêts légaux courant sur la somme de 1 763 565,03 F accordée à la SA Magneti Marelli France à compter du 20 avril 1994 jusqu'à concurrence de 310 619,06 F et de l'assignation pour le surplus ; - Déclare la SA Toulousaine Entretien Automobile irrecevable en sa demande nouvelle au titre de l'exécution par les sociétés Magneti Marelli France de ses commandes aux conditions de vente en vigueur ; - Condamne les sociétés Magneti Marelli à verser à la SA Toulousaine Entretien Automobile une indemnité de 45 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - Les condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP Fievet-Rochette-Lafon, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.