Livv
Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 7 janvier 1999, n° 97-0001715

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Barbottin

Défendeur :

Agence Cote Vermeille (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Ottavy

Conseillers :

M. Derdeyn, Mme Minini

Avoués :

Me Auche-Hedou, SCP Salvignol-Guilhem

Avocats :

Mes Favel, Py.

T. com. Perpignan, du 18 févr. 1997

18 février 1997

LES FAITS ET LA PROCEDURE

Par acte sous seing du 27 janvier 1984, M. Mourot, exploitant à titre personnel d'une agence immobilière " Agence Cote Vermeille ", a engagé R. Barbottin en qualité d'agent commercial. Courant mars 1994, M. Mourot ayant fait apport de son fonds de commerce à la SARL Agence Cote Vermeille, R. Barbottin a exercé son activité d'agent commercial pour le compte de cette société.

Au cours de l'année 1995, R. Barbottin a réduit son activité et, suivant lettre recommandée en date du 20 décembre 1995, M. Mourot lui a donné acte de ce qu'elle avait rompu unilatéralement leurs relations d'affaires.

Un différend est alors né entre les parties sur l'imputabilité et les conséquences de la rupture du contrat d'agent commercial et, par exploit d'huissier en date du 3 avril 1996, R. Barbottin a attrait la SARL Agence Cote Vermeille devant le tribunal de commerce de Perpignan aux fins de s'entendre condamner à lui payer les sommes de 284 985 F au principal à titre d'indemnité de rupture, 5 306 F au principal au titre des sommes indûment retenues sur commission, 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, outre les entiers dépens.

Par jugement en date du 18 février 1997, le tribunal de commerce de Perpignan a :

- dit que R. Barbottin était seule responsable de la rupture unilatérale du mandat d'agent commercial qui la liait à la SARL Agence Cote Vermeille ;

- débouté R. Barbottin de sa demande d'indemnité de rupture par application des dispositions de l'article 13 de la loi du 25 juin 1991 ;

- condamné R. Barbottin à verser la somme de 8 000 F à la société Agence Cote Vermeille à titre de dommages et intérêts pour cette rupture ;

- débouté R. Barbottin de sa demande au titre du solde de commission non justifié ;

- condamné R. Barbottin à verser la somme de 2 000 F à la société Agence Cote Vermeille au titre de l'article 700 du NCPC,

- laissé les dépens à la charge de R. Barbottin.

R. Barbottin a régulièrement relevé appel de cette décision et en sollicite la réformation.

Elle soutient que la rupture du contrat ne saurait lui être imputable au prétexte qu'elle aurait cessé toute activité au cours de l'année 1995 alors que d'une part, elle a réalisé, dans l'exercice de sa fonction, de très bons résultats, que d'autre part, en dépit de ses arrêts maladie parfaitement justifiés, elle a concentré tous ses efforts sur un projet immobilier à Saint André, concrétisé le 22 février 1996 et qu'enfin, la SARL Agence Cote Vermeille était parfaitement au courant de la poursuite de son activité. Elle précise que contrairement à ce qu'elle prétend, la SARL Agence Cote Vermeille a régulièrement eu connaissance de ses arrêts maladies, notifiés par lettres recommandées.

R. Barbottin soutient en outre que contrairement à ce qu'a soutenu SARL Agence Cote Vermeille, elle n'a commis aucune faute grave susceptible de la priver de son droit à indemnité. Concernant le calcul du montant de cette indemnité, elle précise qu'il doit porter sur toute la période de son activité, sans que la transformation du mandant en SARL puisse avoir une quelconque influence. Concernant le montant du solde des commissions, elle ajoute que la SARL Agence Cote Vermeille reste lui devoir la somme de 5 306 F issue de l'application des taux de 15 % et 25 % (lettre de l'agence du 23 avril 1993), que c'est à tort que la SARL Agence Cote Vermeille a fait unilatéralement application des taux de 12 % et 18 % et qu'enfin, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir émis de factures rectificatives, alors qu'il était d'usage que l'agence immobilière procède à l'établissement de toutes les factures.

Elle soutient encore que c'est à tort que les premiers juges ont partiellement fait droit à la demande en dommages et intérêts formée à titre reconventionnel par l'agence dans la mesure où d'une part la rupture est imputable à cette dernière, d'autre part, le préavis de trois mois imposée par la loi du 25 juin 1991 a été respecté et qu'enfin, la SARL Agence Cote Vermeille ne justifie absolument pas de ce prétendu préjudice.

R. Barbottin conclut à la réformation du jugement déféré à la condamnation de la SARL Agence Cote Vermeille à lui payer les sommes de 284 985 F au titre de l'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, 5 306 F au titre du solde des commissions dû, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 1996, 30 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC, outre les entiers dépens.

La SARL Agence Cote Vermeille soutient en revanche que la rupture du contrat d'agent commercial incombe à R. Barbottin. Elle précise à ce titre que d'une part, si R. Barbottin a fourni deux certificats médicaux pour justifier ses absences des mois d'août et décembre 1995, il demeure cependant qu'elle n'a aucunement justifié son absence pour la période intermédiaire allant du 31 août au 18 décembre, que d'autre part, celle-ci n'a effectué aucune diligence professionnelle depuis le mois de juin 1995 et qu'ainsi c'est à juste titre que le mandant a pu considérer qu'elle voulait rompre son contrat. La SARL Agence Cote Vermeille ajoute d'une part, que dès réception du courrier de protestation (09.01.95) de R. Barbottin, elle a immédiatement assuré à celle-ci qu'il s'agissait sans doute d'un malentendu et, qu'elle était prête à continuer la relation contractuelle et que d'autre part, le silence de R. Barbottin après réception dudit courrier est révélateur de la mauvaise foi et de la persistance de cette dernière à envenimer la situation.

La SARL Agence Cote Vermeille soutient en outre que si la Cour lui imputait la rupture du contrat, il conviendrait, dans la mesure où R. Barbottin a commis deux fautes graves, de ne pas accorder d'indemnité de rupture à celle-ci. Elle précise à ce titre que R. Barbottin ne réalisant aucune opération pour le compte de son mandant pendant le deuxième semestre 1995, n'a généré aucun chiffre d'affaires. Elle ajoute que ce n'est que le 21 mars 1996 que R. Barbottin a adressé à l'agence un mandat de vente signé depuis le 11 octobre 1995, alors qu'il lui incombait de la faire immédiatement.

La SARL Agence Cote Vermeille soutient encore que si une indemnité de rupture était reconnue, dans son principe, à R. Barbottin, le montant de celle-ci serait cependant réduit à néant dans la mesure où d'une part, le contrat d'agent commercial entre celle-ci et l'agence n'a duré que du 1er mars 1994 (date de la constitution de la SARL) au 31 mars 1996 et d'autre part, R. Barbottin n'a subi aucun préjudice du fait de la rupture puisque, en violation de son obligation de non-concurrence, elle a immédiatement exercé la fonction d'agent commercial auprès d'une agence immobilière concurrente.

La SARL Agence Cote Vermeille soutient enfin que R. Barbottin est mal fondée à venir réclamer, en justice pour la première fois, le paiement du solde de commissions prétendument dû dans la mesure où c'est elle-même qui a établi les factures n° 312 et 317 qui lui ont été réglées et qu'elle n'a adressé aucune facture complémentaire.

La SARL Agence Cote Vermeille conclut à titre principal à la confirmation de la décision déférée, à titre subsidiaire, au débouté de la demande en paiement d'une indemnité de rupture de R. Barbottin en raison des fautes graves commises par celle-ci, à titre très subsidiaire, à la réduction du montant de cette indemnité à néant, en tout état de cause au débouté de R. Barbottin de sa demande en paiement du solde des commissions dû, à la condamnation de R. Barbottin au paiement des sommes de 20 000 F à titre de dommages et intérêts, 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC, outre les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat

En droit, l'indemnité de fin de contrat n'est pas due à l'agent lorsque c'est ce dernier qui a pris l'initiative de la rupture.

En l'espèce, R. Barbottin admet avoir souffert de problèmes de santé la contraignant à prendre des congés maladie pour les périodes allant du 31.07.95 au 31.08.95, puis du 02.11.95 au 31.01.96 et, à réduire ses activités (page 2 des conclusions de R. Barbottin).

L'agent commercial qui a repris une activité identique, dans un cabinet concurrent, au mépris d'une clause de non-concurrence ne peut arguer du fait que sa maladie la mettrait dans l'impossibilité de poursuivre son activité, pour prétendre au paiement de l'indemnité.

R. Barbottin ne justifie d'avoir informé le mandant de ses arrêts de maladie que le 2 avril 1995, pour un mois, et le 18 décembre 1995, pour 45 jours. Rien ne permet de croire que la SARL Agence Cote Vermeille ait été informée de sa situation dans l'intervalle.

Au vu des pièces de son dossier, R. Barbottin n'était pas inapte au travail du 1er septembre au 31 octobre 1995. Elle ne rapporte pas la preuve de la moindre activité durant cette période. En effet, la " fiche acquéreur " qu'elle produit est dénuée de toute force probante pour avoir été établie de sa main, alors qu'à sa lecture, R. Barbottin était en mesure d'obtenir des attestations. Le courrier du notaire Benedetti est pour sa part sans signification, pour ce litige.

Il apparaît dès lors que du 1er septembre au 31 octobre 1995 R. Barbottin ne justifie d'aucune activité, d'aucun arrêt de maladie et d'aucune information donnée au mandant, puisque ce n'est que le 18 décembre 1995 qu'elle lui a fait parvenir son arrêt de maladie du 13 décembre.

Elle ne conteste pas avoir omis de prendre contact avec le mandant, à réception de son courrier du 20 décembre 1995, alors que ce dernier recherchait des éclaircissements sur la situation, et que seule l'annonce de la rupture du contrat avait provoqué la réponse de son avocat.

Ainsi, tant le défaut d'activité injustifié, que l'absence d'explications données au mandant sur cette inactivité, caractérisent la faute de l'agent commercial et justifient la rupture du contrat. Si le mandant a pris l'initiative de la rupture, celle-ci est entièrement imputable à l'agent commercial qui manifestement désirait rompre le contrat mais en laisser la responsabilité au mandant, pour les raisons que sa demande en justice explicite, ce que corroborent son refus d'accomplir le préavis dès son rétablissement et de reprendre contact avec le mandant, qui l'y avait pourtant invitée à deux reprises.

Le compromis Bauby signé le 22 février 1996 est sans incidence sur les causes de la rupture, puisqu'intervenu postérieurement.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté R. Barbottin de sa demande d'indemnité de rupture.

En revanche, il sera infirmé sur les dommages et intérêts alloués au mandant qui ne démontrent nullement l'existence du préjudice commercial allégué.

Sur le paiement du solde des commissions dû.

A l'appui de sa demande en paiement du solde de commissions (factures 312 et 317), R. Barbottin soutient que la SARL Agence Cote Vermeille n'a pas appliqué les taux convenus à compter du 1er avril 1993 (15 et 25 %).

Il ressort des pièces produites aux débats que :

- par courrier du 23 avril 1993, la SARL Agence Cote Vermeille informait R. Barbottin de l'application de nouveaux taux de commissions de 15 et 25 %, à compter du 1er avril 1993 ;

- les nouveaux taux de 15 et 25 % ont régulièrement été appliqués sur les affaires réalisées par R. Barbottin entre le 31.03.94 et le 31.03.96 (état des honoraires réalisés et facturés par R. Barbottin, produit par la SARL Agence Cote Vermeille) ;

- les factures litigieuses (n° 312 et n° 317) font apparaître l'application respective de taux de 12 et 18%, alors qu'elles sont afférentes à des ventes réalisées les 23 décembre 1994 et 29 juin 1995, soit postérieurement à l'application des nouveaux taux.

C'est ainsi à bon droit que R. Barbottin sollicite l'application du taux de 15 % sur la vente Anton/Eurl Smart Belvedere (facture n° 312), et du taux de 25 % sur la vente De Casado/Falcou (facture n° 317).

En conséquence, la SARL Agence de la Cote Vermeille sera condamnée à payer à R. Barbottin la somme de 5 306 F, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 1996, au titre du solde des commissions. Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

Succombant pour l'essentiel de ses demandes en cause d'appel, R. Barbottin sera condamnée aux dépens et à payer à la SARL Agence Cote Vermeille, la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré. Reçoit l'appel en la forme. Réforme, en ce qu'il a refusé le paiement du solde des commissions à R. Barbottin et en ce qu'il a accordé des dommages-intérêts à la SARL Cote Vermeille au titre de la rupture, le jugement rendu le 18 février 1997 par le Tribunal de commerce de Perpignan. Statuant à nouveau sur ces points : Condamne la SARL Agence Cote Vermeille à payer à R. Barbottin la somme de Cinq Mille Trois Cent Six Francs (5 306 F), majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 1996. La déboute de sa demande de dommages-intérêts. Confirme le jugement pour le surplus. Y ajoutant : Condamne R. Barbottin à payer à la SARL Agence Cote Vermeille la somme de Trois Mille Francs (3 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs autres demandes. Condamne R. Barbottin aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.