CA Paris, 5e ch. A, 13 janvier 1999, n° 1996-88835
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société d'Exploitation de la Franchise Agences N° 1 (SA)
Défendeur :
Vallée, Penet-Weiller (ès qual.), Île-de-France Immobilier (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard-Payen
Conseillers :
Mmes Jaubert, Percheron
Avoués :
Mes Ribaut, Cordeau, SCP Varin-Petit
Avocats :
Mes Roquette, Bensoussan, Aubourg, Meslem, De Frouville.
La société anonyme " FA 1 ", société d'exploitation de la franchise Agences n° 1 a, suivant déclaration remise au secrétariat-greffe le 2 décembre 1996, interjeté appel du jugement rendu le 26 septembre 1996 par le Tribunal de Commerce de Paris qui a statué en ces termes :
- dit Me Penet-Weiller, ès qualités, recevable,
- dit que la société FA1 a gravement manqué à son devoir d'information précontractuelle et par la suite a conduit M. Vallée Denis et la société Ile de France Immobilier à procéder à des investissements et à des dépenses incompatibles avec sa rentabilité potentielle,
- dit que M. Vallée Denis ne s'est pas comporté en entrepreneur indépendant et avisé et a signé la convention de franchise puis procédé à des investissements et à des dépenses sans étudier suffisamment les capacités financières de la société qu'il dirigeait,
- dit que la société FA1 et M. Vallée sont également responsables de l'échec de la société Ile de France Immobilier,
- dit n'y avoir lieu à résolution du contrat de franchise,
- dit ce contrat résilié de plein droit faute pour la société FA1 d'avoir sollicité sa poursuite,
- dit que la perte subie par M. Vallée Denis sur la revente de son studio résulte de la crise immobilière et ne saurait être prise en considération dans la présente affaire,
- condamne la société FA1 à verser à Me Penet-Weiller, liquidateur judiciaire de la société Ile de France Immobilier et à M. Vallée Denis la somme globale de 500 000 F à titre de dommages et intérêts,
- dit l'exécution provisoire non nécessaire,
- dit que chaque partie conservera la part des frais irrépétibles qu'elle a engagés,
- dit chaque partie respectivement mal fondée en ses plus amples demandes ; l'en déboute,
- fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les demandeurs et la défenderesse,
- en conséquence, condamne chacune des parties à la portion des dépens ainsi mise à sa charge.
La société FA1 prie la Cour, réformant cette décision, de débouter M. Vallée et Me Penet-Weiller ès qualités de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 25 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle soutient que le Tribunal, après avoir décidé à juste titre qu'il n'y avait lieu ni a nullité ni à résolution du contrat de franchise conclu entre les parties et rejeté les différents griefs invoqués par les demandeurs comme autant de motifs de résiliation n'a pu sans contradiction prononcer à son encontre une condamnation dépourvue de tout fondement juridique.
Denis Vallée forme appel incident du jugement entrepris pour voir juger nulle la convention de franchise intervenue entre les parties le 10 juillet 1992 faute par la société FA1 d'avoir respecté les dispositions d'ordre public de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 et celles du décret d'application du 4 avril 1991, remettre les parties en leur état antérieur et condamner en conséquence la société FA1 à lui payer les sommes de 280 000 F et 690 000 F (montant des financements souscrits auprès du CIC avec engagement de caution personnelle de sa part) outre les intérêts et frais, 560 000 F (préjudice résultant pour lui de la résiliation du gage hypothécaire au profit du CIC), 176.400 F (montant de son apport en compte-courant pour le financement de la société Ile de France Immobilier). Il sollicite en outre la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Vallée impute à la société FA1 de graves manquements à son obligation d'information précontractuelle (communication des bilans et présentation du réseau, prévisions d'exploitation) et soutient que son consentement a été vicié de ce fait. Il lui reproche en outre, subsidiairement, d'avoir manqué à ses obligations en cours de contrat mais renvoie sur ce point à l'argumentation présentée devant les premiers juges tendant à voir prononcer la résolution des conventions intervenues aux torts exclusifs de FA1.
Me Brigitte Penet-Weiller agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Ile de France Immobilier " IDFI" demande à la Cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la société FA1 mais la réformant pour le surplus, de condamner cette dernière à payer entre ses mains la somme de 1 562 867 F, montant de l'insuffisance d'actif, à titre de dommages et intérêts outre celle de 15 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir qu'en manquant au devoir d'information qui lui était imposé par la loi du 31 décembre 1989 et le décret du 4 avril 1991 la société FA1 a commis une faute qui est à l'origine des difficultés rencontrées par la société et de son dépôt de bilan.
Sur ce, la Cour
Considérant que Denis Vallée agissant pour le compte de la SARL Ile de France Immobilier en cours de formation a signé le 10 juillet 1992 la " Convention de Franchise Agences n° 1 " par laquelle il s'engageait à créer une agence " Agences n° 1 " et à l'exploiter dans le respect des normes imposées par le franchiseur ;
Considérant que, M. Vallée ne disposant pas d'un local à la date de la signature du contrat de franchise, la mention " à définir ultérieurement " a été portée dans l'acte en ce qui concerne la ville dans laquelle devait être exploitée l'agence franchisée ainsi que la zone géographique dans laquelle était reconnue au franchisé une exclusivité territoriale ;
Considérant que M. Vallée ayant défini ses souhaits dans une fiche d'information datée du 28 juillet 1992, la société FA1 l'a assisté dans la recherche d'un local à Paris ; qu'après de nombreuses visites il a fixé son choix sur un local situé 105, boulevard Voltaire, précédemment occupé par un commerce de miroiterie et signé le 4 février 1993 l'acte de cession de bail commercial ; que l'exploitation de l'agence a débuté le 15 mars 1993 ;
Considérant que M. Vallée ayant aussitôt décidé de cesser cette activité, il a été établi dès le mois de mai 1993, avec l'accord du franchiseur, un dossier de présentation de l'agence qu'il entendait céder qui commençait par la phrase : " A ce jour pour des raisons graves de santé M. Denis Vallée souhaite cesser au plus vite son activité " et comportait des prévisions chiffrées ; que les tractations engagées en juin 1993 n'ont toutefois pas abouti et la société IDFI a poursuivi son activité jusqu'au 14 juin 1994, date à laquelle elle a été mise en liquidation judiciaire ;
Considérant que c'est par une assignation du 29 mars 1995 que M. Vallée a saisi le Tribunal, qui a rendu le jugement frappé d'appel par toutes les parties ;
Considérant que M. Vallée poursuit à nouveau la nullité du contrat de franchise pour manquement par la société FA1 à l'obligation d'information précontractuelle mise à la charge du franchiseur par la loi du 31 décembre 1989 et son décret d'application du 4 avril 1991 ; qu'il fait valoir à cet égard que FA1 ne lui a pas remis avant la conclusion du contrat les informations relatives au réseau du franchiseur (les indications postérieurement contenues dans le manuel d'instruction remis courant novembre 1992 étant en outre en partie inexactes), aux comptes des deux derniers exercices (qui présentaient des pertes), à l'état général et local du marché objet du contrat et au chiffre d'affaires prévisible ;
Considérant que, s'il est constant que le franchiseur n'a pas respecté l'ensemble des dispositions légales et réglementaires susvisées, M. Vallée ne peut prétendre que son consentement en a été vicié alors que, docteur en droit ayant travaillé pendant seize ans dans le domaine de l'immobilier, il ne pouvait se méprendre sur l'engagement qu'il prenait (et les risques inhérents) en décidant, avant même d'avoir choisi l'emplacement où il devait exercer son activité - ce qui interdisait à l'évidence au franchiseur de procéder à l'étude préalable du marché local et des perspectives de rentabilité de l'affaire - de se lier contractuellement à la société FA1 ; qu'il ne peut pas plus prétendre que l'inexactitude alléguée de documents communiqués postérieurement à la signature du contrat a été de nature à vicier son consentement à la date de cette signature ;
Qu'il n'y a lieu dès lors ni de déclarer nul le contrat, ni d'imputer au franchiseur la responsabilité du dépôt de bilan de la société IDFI;
Considérant que très subsidiairement M. Vallée reprend devant la Cour l'argumentation qu'il avait développée devant les premiers juges tendant à ce que soit à tout le moins prononcée la résolution des conventions intervenues aux torts exclusifs de la société FA1, d'une part en raison des moyens déloyaux mis en œuvre de façon précontractuelle, d'autre part en manquant à ses obligations pendant la durée du contrat (page 7 de ses conclusions) ;
Considérant que, ce faisant, M. Vallée, à qui l'article 954 alinéas 1 et 3 du Nouveau code de Procédure Civile fait obligation de formuler expressément non seulement ses prétentions mais encore les moyens sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance, ne soutient pas utilement sa prétention ;
Considérant qu'il convient en conséquence de réformer la décision entreprise qui a accordé aux intimés une indemnisation dépourvue de fondement juridique, et de débouter ces derniers de l'intégralité de leurs demandes ;
Considérant que l'équité ne commande pas l'application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Par ces motifs, Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Déboute Denis Vallée et Me Penet-Weiller ès qualités de leurs demandes ; Les condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel. Admet Me Ribaut au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.