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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 22 janvier 1999, n° 98-10.963

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gemplus (SCA)

Défendeur :

Nicolai, Gaming Chips International (SARL), FN2C (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ellul

Conseillers :

MM. Astier, Stern

Avoués :

SCP Blanc-Ansellem-Mimran, SCP De Saint-Ferreol-Touboul, SCP Primout-Faivre

Avocats :

SCP Job-Trehorel-Bonzom, SCP D'Ornano-Renucci-Pepratx, SCP Le Roux-Brin, SCP Lucciardi Laggiard Bellemanière.

T. com. Marseille, du 13 mai 1998

13 mai 1998

FAITS ET PROCEDURE

M. Nicolai a assigné la société Gemplus, ayant son siège social à Gemenos, la société FN2C ayant son siège social à Aix-en-Provence, et la société Gaming Chips International (GCI), ayant son siège social à Saint Ouen, devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins d'obtenir la réparation du préjudice résultant de la violation du contrat par lui conclu avec la société Gemplus le 19 décembre 1992 ;

Par jugement du 13 mai 1998 le tribunal de commerce de Marseille s'est déclaré compétent pour connaître du litige ;

La société Gemplus a formé contredit à l'encontre de cette décision le 28 mai 1998 ; au soutien de son recours elle fait valoir :

- que les parties ont qualifié le contrat de " mandat commercial " ;

- que le contrat est commercial par son objet ;

- qu'il n'a d'autre objet que de confier à M. Nicolai le soin de commercialiser, comme il l'entend, l'application " jeux " des cartes à puces ;

- qu'il s'agit d'un contrat cadre, préalable à la distribution elle-même ;

- que M. Nicolai a agi, tel un distributeur, en qualité de commerçant indépendant ;

- que la clause du contrat attribuant compétence aux tribunaux de Paris doit recevoir application ;

- que M. Nicolai a cédé le contrat par voie d'apport à la société FN2C ;

- que la clause attributive de compétence est opposable à cette dernière ;

Elle demande à la Cour :

- de réformer le jugement attaqué ;

- de dire que le tribunal de commerce de Marseille n'est pas compétent ;

- de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris ;

M. Nicolai réplique :

- que le contrat d'agent commercial est un mandat de nature civile ;

- qu'il n'a pas la qualité de commerçant ;

- que s'il a accompli des actes de commerce, c'est pour le compte de la société Gemplus, et non pour son propre compte ;

- que la clause attributive de compétence ne lui est pas opposable ;

- que le contrat qu'il a apporté à la société FN2C ne peut produite à l'égard de cette dernière des effets qu'il ne produit pas à son égard ;

Il conclut :

- au rejet du contredit ;

- à la compétence du tribunal de commerce de Marseille ;

- à la condamnation de la société Gemplus au paiement de la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

La société FN2C soutient :

- que M. Nicolai n'avait pas la qualité de commerçant au moment de la signature du contrat ;

- qu'elle n'était pas encore constituée à cette date ;

- que la clause attributive de compétence est nulle ;

- qu'elle ne lui est pas opposable ;

Elle demande à la Cour :

- de confirmer le jugement querellé ;

- de dire que le tribunal de commerce de Marseille est compétent ;

- de condamner la société Gemplus au paiement de la somme de 10 000 F pour frais irrépétibles ;

La société GCI indique :

- que M. Nicolai n'avait pas la qualité de commerçant à la date de signature du contrat ;

- que la clause attributive de compétence doit être considérée comme non écrite ;

- qu'elle ne lui est pas opposable ;

Elle conclut :

- à la confirmation de la décision déférée ;

- la condamnation de la société Gemplus au paiement de la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que le contredit est régulier en la forme et a été déposé dans les délais ; qu'il est recevable ;

Attendu que toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant (et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée);

Attendu que le contrat du 19 décembre 1992 énonce que :

- " la société Gemplus cherche à développer ses activités dans le domaine de l'application... des cartes à puce dans les machines à sous " ;

- " M. Nicolai possède des compétences et des connaissances commerciales permettant de constituer pour Gemplus une source de développement de son chiffre d'affaires " dans ce secteur d'activité ;

- " en conséquence, les parties ont décidé de coopérer " ;

Attendu qu'il stipule que :

- " Gemplus confie à M. Nicolai... la mission de prospecter, de proposer des contrats de vente, des contrats à des distributeurs, dans le domaine de l'application " susvisé, " ceci auprès de tous clients potentiels susceptibles d'être intéressés par l'utilisation de cartes à puce... commercialisées par Gemplus " ;

- " la rémunération de la mission confiée à M. Nicolai est de 5 % sur le chiffre d'affaires net effectivement encaissé... " ;

Attendu que ces énonciations et stipulations caractérisent l'existence d'un mandat commercial, ce que la société Gemplus a d'ailleurs expressément reconnu en ces termes : " Selon convention... du 19 décembre 1992 la société Gemplus et Alain Nicolai sont convenus d'un contrat portant mandat commercial... " (cf. le contredit page 6 ) ;

Attendu quel'agent commercial n'a pas la qualité de commerçant;

Attendu que la société Gemplus soutient que M. Nicolai a " exécuté librement une activité commerciale ", tel un distributeur indépendant " ; qu'il lui appartient d'en rapporter la preuve ; qu'elle ne le fait pas ;

Attendu en conséquence que la clause attributive de compétence aux tribunaux de Paris est réputée non écrite; qu'elle ne peut dès lors produire aucun effet, ni dans les rapports entre la société Gemplus et M. Nicolai, ni dans ceux entre l'un ou l'autre d'entre eux et les sociétés FN2C et GCI ;

Attendu que M. Nicolai, la société FN2C et la société GCI ont engagé devant la Cour des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de leur laisser supporter intégralement la charge ; qu'il convient d'allouer à chacun d'eux la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

Par ces motifs : LA COUR Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en dernier ressort, Reçoit le contredit de la société Gemplus, mais le déclare mal fondé et en conséquence l'en déboute ; Confirme le jugement entrepris ; Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Marseille ; Condamne la société Gemplus à payer à M. Nicolai, à la société FN2C et à la société GCI la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; La condamne aux frais du contredit.