CA Lyon, 3e ch., 12 février 1999, n° 97-14174
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Golden Lady (SA)
Défendeur :
Hotton, CBH (SPRL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Karsenty
Conseillers :
Mme Robert, Ruellan
Avoués :
SCP Aguiraud, SCP Junillon-Wicky
Avocats :
Mes Wilheilm, Cohen.
Faits et procédure :
Le 10 septembre 1990, Brigitte Hotton signe avec la société Golden Lady un contrat d'agent commercial.
Brigitte Hotton se constitue ultérieurement en société dénommée CBH dont elle détient 50 % des parts, l'autre moitié étant apportée par Christian Bouzidan.
Elle poursuit ses relations avec la société Golden Lady jusqu'en 1994, époque à laquelle la société Golden Lady Italie, société mère de la société Golden Lady France, lui propose un nouveau contrat d'agent commercial puis, le 9 novembre 1994, retire sa proposition. La société Golden Lady dénonce alors à Brigitte Hotton le contrat du 10 septembre 1990 par lettre recommandée avec avis de réception du 15 novembre 1995 au motif que son agent a modifié la forme juridique de sa représentation en créant une société privée à responsabilité limitée CBH, immatriculée en Belgique et en prenant comme associé Christian Bouzidan, directeur général de la société Golden Lady du 1er novembre 1988 au 18 juin 1994, en violation de l'article 9 du contrat.
Par exploit du 9 juillet 1996, Brigitte Hotton assigne la société Golden Lady par devant le Tribunal de commerce de Lyon à l'effet de la voir condamner à lui payer la somme de 600 000 F à titre d'indemnité compensatrice ensuite de la rupture abusive de son contrat, outre celle de 30 000 F au titre des frais irrépétibles.
Par acte du 1er juillet 1997, la société Golden Lady déclare interjeter appel de l'ensemble des dispositions du jugement susvisé.
Prétentions des parties :
La société Golden Lady expose que Brigitte Hotton est irrecevable en son action puisqu'elle a engagé son action en paiement plus d'un an après la résiliation de son contrat d'agent, la demande d'indemnisation formée de ce chef au nom de la société CBH n'étant pas recevable pour le compte de Brigitte Hotton, personne distincte agissant en son nom personnel.
Elle soutient que si la société CBH s'est substituée à Brigitte Hotton, celle-ci n'a plus aucune qualité pour agir.
La société Golden Lady conteste le bien-fondé des demandes contre elles formées au motif que Brigitte Hotton a modifié unilatéralement la forme juridique de sa représentation, en contradiction avec la notion d'intuitu personnae contenue dans un tel contrat non transmissible sans l'accord du mandant.
Elle ajoute qu'elle n'a pas été informée de la création de la société CBH alors que l'attestation de Christian Bouzidan démontre qu'elle a pris comme associé la société CBH, directeur commercial de la société Golden Lady, du 1er novembre 1988 au 18 juin 1994, en violation de l'article 9 du contrat d'agent commercial sans justifier que cette association aurait été effectuée à la demande expresse de la société CBH pour sauvegarder la clientèle belge dans l'attente de trouver un autre distributeur et par souci de stratégie commerciale et à fin d'occulter une partie de l'activité exercée par la société CBH au sein de la société Golden Lady.
Elle précise que le principe des demandes en paiement contre elle formées est injustifié alors que Brigitte Hotton a cessé son activité personnelle d'agent commercial en 1990, que seule la société CBH peut prétendre subir une perte de chiffre d'affaires du fait de la cessation d'activité alors au surplus qu'elle a encaissé les commissions, que le quantum des sommes réclamées est excessif, seul devant être pris en considération le montant brut des commissions perçues par Brigitte Hotton pour la période du 15 novembre 1991 au 15 novembre 1994.
Elle conteste l'intégration par Brigitte Hotton dans l'assiette de son calcul de commissions réglées par la société Golden Lady Italie, eu égard à l'indépendance de leurs relations contractuelles, outre les commissions perçues sur le client Vivamod, client exclusif de la société Golden Lady, ce qui ramène son éventuelle créance à la somme de 243 477,32 F
La société Golden Lady conteste par ailleurs l'intervention volontaire de la société CBH et sa prétention à réclamer l'indemnité de rupture alors qu'elle n'a jamais eu la qualité d'agent commercial.
Elle conclut en conséquence à la réformation du jugement.
Au titre des frais irrépétibles, elle sollicite la condamnation de Brigitte Hotton à lui payer la somme de 50 000 F.
Brigitte Hotton conteste le bien-fondé de l'appel contre elle diligenté.
Elle expose que dès le 26 novembre 1994 et 13 janvier 1995, elle a contesté les motifs de la rupture du contrat par l'intermédiaire de son conseil, que le 15 janvier 1995, elle exprimait clairement par son conseil sa volonté de solliciter l'indemnité susvisée, respectant en cela le délai de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991.
Elle soutient que sa qualité à agir est incontestable dès lors que rien ne s'opposait à ce qu'elle adopte une forme commerciale sans lui faire perdre pour autant la qualité d'agent commercial, qu'aucun texte n'impose à l'agent commercial de réclamer son indemnité à titre personnel.
Elle précise que sa demande en paiement est fondée puisqu'il ne peut lui être reproché d'avoir transformé la forme juridique de son activité, transformation sollicitée par la société Golden Lady elle-même qui en a été immédiatement informée, que ce n'est que 4 ans plus tard que cette transformation lui a été reprochée.
Elle ajoute qu'elle n'a pas recruté la société CBH, celui-ci se contentant d'aporter des capitaux et n'ayant jamais participé à la gestion de la société.
En ce qui concerne le montant des indemnités réclamées, Brigitte Hotton fait observer que la société Golden Lady a admis dès le 9 mai 1994 le principe d'une indemnisation à hauteur de 600 000 F, qu'elle n'a jamais cessé d'exercer son activité, les factures étant libellées par la société Golden lady à son nom, peu important que des commissions libellées en francs belges aient été payées par la société Golden Lady Italie ou sa filiale, le fait générateur étant constitué par la commande alors au surplus qu'elle a procédé à des ventes auprès du client Vivamod et a perçu des commissions qui doivent être incluses dans son préjudice.
Brigitte Hotton conclut en conséquence à la confirmation du jugement.
La société CBH intervient volontairement en la cause et, dans l'hypothèse où la demande formée par Brigitte Hotton ne serait pas recevable, sollicite à titre subsidiaire l'attribution de l'indemnité, sa requête ayant été formée dans les délais.
Par ordonnance du 5 janvier 1998, le conseiller de la mise en état prononce la clôture de la procédure.
Sur ce, LA COUR :
I - Sur la recevabilité de la demande de Brigitte Hotton :
Attendu que l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 détermine que la demande de réparation doit être notifiée au mandant dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat ;
Attendu en l'espèce que le contrat d'agent commercial de Brigitte Hotton a été résilié par lettre du 15 novembre 1994 avec accusé de réception, expédiée le 16 novembre 1994 et reçue le 18 novembre 1994 par son destinataire ;
Attendu qu'il est établi par les documents de la cause que c'est le 15 novembre 1995 que Brigitte Hotton a formellement manifesté auprès de la société Golden Lady par l'intermédiaire de son conseil, son intention de demander réparation ensuite de la cessation du contrat ;
Attendu que la loi du 25 juin 1991 n'exige aucun formalisme particulier pour notifier cette demande, qu'en l'espèce, il suffit de constater que la société Golden Lady ne rapporte pas la preuve que son mandataire luI a signifié hors délai sa demande d'indemnisation en l'absence de preuve que la date de réception du courrier de revendication est postérieure au 18 novembre 1994 ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris ;
II - Sur les griefs formés contre Brigitte Hotton :
Attendu que la société Golden Lady reproche à son agent d'avoir modifié la forme juridique de sa représentation en créant une société privée à responsabilité limitée CBH, immatriculée en Belgique et en prenant comme associé la société CBH, directeur général de la société Golden Lady du 1er novembre 1988 au 18 juin 1994, en violation de l'article 9 du contrat ;
Attendu que l'article 5 du contrat dispose que " en qualité d'agent commercial mandataire, l'agent jouit de l'indépendance propre à tout chef d'entreprise dans l'organisation de son activité ";
Attendu au surplus qu'il y a lieu de constater que la société Golden Lady n'a jamais contesté le mode de fonctionnement de son agent pendant quatre ans, qu'elle lui a adressé de nombreux courriers libellés à l'entête " Brigitte Hotton - la société CBH ", démontrant ainsi son absence d'opposition de principe à la modification réalisée alors au surplus que le mandant a versé les commissions afférentes à la période 1991/1994 à Brigitte Hotton ainsi que l'atteste son comptable, qu'il ne peut sérieusement être soutenu par la société Golden Lady que Brigitte Hotton aurait abandonné en 1991 son activité d'agent commercial au profit de la société CBH alors qu'elle l'a poursuivi sous la forme d'une société de droit belge sans être contractuellement obligée d'en référer à son mandant.
Attendu que ce motif de résiliation du contrat n'est pas pertinent et ne saurait constituer une faute lourde privative d'indemnité ;
Attendu en ce qui concerne le grief fondé sur l'association entre le mandataire et la société CBH, par ailleurs directeur général de la société Golden Lady que si l'article 9 du contrat interdit à l'agent de rémunérer directement ou indirectement les employés, sous-agents, anciens employés, anciens sous-agents, de l'autre contractant, il ne lui interdit pas de s'associer avec l'une de ces personnes en qualité d'actionnaire ;
Attendu que ce motif de résiliation du contrat ne saurait constituer une faute lourde privative d'indemnité ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a admis le principe d'une indemnisation de Brigitte Hotton ;
III - Sur le montant de l'indemnité :
Attendu que l'indemnité due à l'agent commercial pour rupture de son contrat doit correspondre à deux années moyennes de commissions calculées sur les trois dernières années d'activité ;
Attendu qu'il importe peu que des commissions aient été libellées en francs belges et réglées par la société Golden Lady Italie, société mère de la société Golden Lady France dès lors que les commandes ont été réalisées par Brigitte Hotton ainsi que cela n'est pas contesté, alors qu'à l'époque, aucun contrat d'agent commercial ne liait Brigitte Hotton à la société Golden Lady Italie ;
Attendu que par courrier du 12 janvier 1993, la société Golden Lady informant Brigitte Hotton qu'elle percevra une commission de 5 % sur les ventes réalisées auprès de Vivamod, que par courrier du 23 décembre 1993, elle confirme Brigitte Hotton en qualité d'agent commercial pour sa marque Sisi auprès de Vivamod ;
Attendu en conséquence que c'est à juste titre que Brigitte Hotton a comptabilisé ces commissions dans le calcul de son indemnité dont le montant n'apparaît pas contestable en son quantum ;
Attendu que le jugement sera de même confirmé de ce chef ;
IV - Sur les demandes accessoires ;
Attendu que les circonstances de la cause justifient l'allocation à Brigitte Hotton d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 17 juin 1997 ; Y ajoutant ; Déclare sans objet la demande formée par la société CBH ; Condamne la société Golden Lady à payer à Brigitte Hotton la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en sus de l'indemnité accordée à ce titre par le jugement ; Condamne la société Golden Lady aux entiers dépens qui seront distraits au profit de l'avoué qui en aura fait l'avance, sans provision préalable et suffisante.