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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 18 mars 1999, n° 97-0000813

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

C17 (SA)

Défendeur :

Berry's (Sarl), Frontil-Couture (ès qual.), Rey (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ottavy

Conseillers :

MM. Derdeyn, Minini

Avoués :

SCP Jougla-Gandini, SCP Touzery-Cottalorda

Avocat :

Me Morel.

T. com. Carcassonne, du 20 janv. 1997

20 janvier 1997

Les faits et la procédure :

Par convention du 13 décembre 1988, la SA C17 a confié à la Sarl Berry's la représentation commerciale d'articles adultes et juniors de la marque C17.

Une deuxième convention d'agent commercial a été établie entre les mêmes parties, le 10 août 1993, avec prise d'effet au 1er février 1993 pour une durée indéterminée.

Par jugement du Tribunal de commerce de Carcassonne en date du 11 avril 1994, la Sarl Berry's a été mise en redressement judiciaire et, l'administrateur judiciaire désigné à la procédure a indiqué à la SA C17 qu'il entendait poursuivre le contrat d'agent commercial, en application de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985.

Reprochant à la Sarl Berry's de ne pas respecter ses obligations contractuelles et notamment de ne pas réaliser les objectifs, la SA C17 a, par exploit d'huissier en date du 23 juillet 1994, attrait la Sarl Berry's et son administrateur judiciaire devant le Tribunal de commerce de Castelnaudary pour s'entendre prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial et la condamnation de la Sarl Berry's au paiement de la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC, outre les dépens.

Par jugement en date du 11 octobre 1994, le Tribunal de commerce de Castelnaudary s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Carcassonne.

Par jugement en date du 20 janvier 1997, le Tribunal de commerce de Carcassonne a :

- débouté la SA C17 de ses demandes,

- l'a condamnée à payer à la Sarl Berry's les sommes de 200 000 F à titre d'indemnité de rupture, 155 541,40 F à titre d'arriéré de commissions et 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

La Sarl Berry's a été mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Carcassonne en date du 18 février et Maître Frontil a été désignée en qualité de liquidateur.

La SA C17 a régulièrement relevé appel de cette décision. Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges l'ont notamment condamnée à payer à la Sarl Berry's au titre de l'indemnité de fin de contrat d'un arriéré de commission et du préavis

En ce qui concerne l'indemnité de fin de contrat, elle précise qu'en vertu de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991, la Sarl Berry's ne saurait rien prétendre à ce titre dans la mesure où elle ne l'a réclamée qu'au cours de la procédure de première instance, soit plus d'un an après la rupture du contrat.

Elle ajoute qu'en tout état de cause cette indemnité n'est pas due à la Sarl Berry's qui a commis une faute grave dans le cadre de sa mission d'agent commercial dans la mesure où d'une part, en 1993 et en 1994, l'activité de la Sarl Berry's a généré un chiffre d'affaires qui ne représentait que 80 % de celui généré en 1992, alors qu'elle bénéficiait d'un secteur géographique beaucoup plus important (7 départements de plus) ; et où d'autre part, elle a exploité sa propre marque " Dixie ", alors qu'elle était contractuellement tenue de ne pas concurrencer son mandant.

En ce qui concerne les dommages et intérêts pour non respect du préavis, la SA C17 indique que les violations de ses obligations contractuelles commises par la SA C17 Berry's justifiaient la rupture du contrat sans préavis. Enfin, la SA C17 précise que la Sarl Berry's ne saurait prétendre à un quelconque arriéré de commissions, dans la mesure où elle n'en justifie pas.

La SA C17 conclut à la réformation dans son intégralité du jugement déféré :

- Au principal, à la constatation que la rupture du contrat d'agent commercial sans préavis ni indemnité de rupture était justifiée en raison de la violation par la Sarl Berry's de ses obligations contractuelles, au rejet de la demande de celle-ci en paiement d'un arriéré de commissions et à la condamnation de la Sarl Berry's à lui payer la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC, outre les entiers dépens ;

- Au subsidiaire, à la désignation d'un expert comptable à l'effet de rechercher tant les causes de la baisse du chiffre d'affaires en 1993 et en 1994, que l'effectivité de l'activité de la Sarl Berry's sur le secteur géographique contractuellement confié.

- la Sarl Berry's soutient en revanche que la SA C17 est mal fondée à prétendre que la demande en indemnité de rupture aurait était présentée tardivement. Elle précise à ce titre qu'elle a informé son mandant qu'elle entendait faire valoir ses droits par deux courriers RAR en date des 1er juillet et 21 septembre 1994 et qu'en outre la SA C17 n'ayant pas obtenu la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial litigieux, celui-ci a continué d'exister et le délai d'un an invoqué n'a pas commencé à courir.

La Sarl Berry's soutient en outre que contrairement à ce que prétend la SA C17, elle n'a commis aucune faute susceptible de lui faire perdre son droit à indemnité et à préavis. Elle précise à ce titre que la baisse de chiffre d'affaires n'est pas constitutive de faute grave, qu'il n'existait aucune clause de quota dans la convention litigieuse et, que la SA C17 a enregistré une baisse vertigineuse de chiffre d'affaires sur les secteurs qui n'étaient pas confiés à la Sarl Berry's.

Elle soutient encore que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la SA C17 à lui payer un arriéré ce commissions et que contrairement à ce que prétend cette société, lesdites commissions ressortent de l'arrêté des comptes au 30 juin 1995, jamais contesté par le mandant.

Sur appel incident, la Sarl Berry's sollicite que des dommages et intérêts soient ajoutés à la somme que lui ont allouée les premiers juges et que l'indemnité de fin de contrat à laquelle elle prétend soit portée à 700 000 F. Elle précise à ce titre qu'au-delà des circonstances préjudiciables de la rupture, la SA C17 s'est rendue coupable à son encontre de pratiques de prix discriminatoires, de retard de livraisons et d'actes de concurrence déloyale.

La Sarl Berry's sollicite également la condamnation de la SA C17 à lui payer la somme de 300 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice à elle causé par cette société qui a injustement intenté une procédure en résolution du plan d'apurement du passif.

La Sarl Berry's conclut au rejet de l'appel interjeté par la SA C17, à la confirmation du jugement déféré et, sur appel incident, à la condamnation de la SA C17 à lui payer les sommes de 700 000 F à titre d'indemnité de rupture, 300 000 F à titre de dommages et intérêts et de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC, outre les dépens.

Maître Frontil, mandataire liquidateur à la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la Sarl Berry's, est intervenue volontairement à l'instance déclarant qu'elle faisaient siennes les précédentes demandes, fins et conclusions contenues dans les écritures de la Sarl Berry's.

Motifs de la décision

*Sur l'application de l'article 12 alinéa 2 de la loi du 25 juin 1991.

L'assignation en résiliation du contrat d'agent commercial adressée par C17 est en date du 23 juin 1994. Les parties s'accordent pour fixer à cette date la rupture du contrat d'agent commercial.

La SA C17 ne saurait valablement invoquer le caractère tardif de la demande en paiement de l'indemnité de fin de contrat de la Sarl Berry's dans la mesure où il ressort des pièces produites et notamment de la lettre RAR du 21 septembre 1994, que cette dernière a, bien avant l'expiration du délai d'un an, notifié à son mandant qu'elle entendait faire valoir ses droits découlant de la rupture du contrat d'agent litigieux.

*Sur la rupture du contrat et le paiement de l'indemnité.

- en droit, il incombe au mandant de rapporter la preuve de la faute grave de l'agent commercial pour que la rupture du contrat sans préavis soit imputée à ce dernier et qu'il n'y ait pas lieu à paiement d'indemnité compensatrice du préjudice causé par la cessation du contrat.

Pour justifier la rupture sans préavis ni indemnité du contrat d'agent commercial conclu le 10 août 1993, la SA C17 reproche à son agent commercial, la Sarl Berry's, d'une part, développé, en 1993 et 1994, une activité insuffisante ayant eu pour effet de générer un chiffre d'affaires nettement inférieur à celui réalisé les années précédentes sur un secteur géographique pourtant beaucoup plus réduit et, d'autre part, de s'être livré dans l'exercice de son activité à des pratiques concurrentielles.

- Il n'est pas contesté que, sur le nouveau secteur géographique confié à la Sarl Berry's (10 départements), la SA C17 a enregistré un chiffre d'affaires inférieur à celui qu'elle avait réalisé les années précédentes, sur un secteur géographique inférieur (3 départements).

Cependant, la baisse de chiffre d'affaires ne suffit pas à elle seule à caractériser une faute grave de l'agent commercial, à défaut pour le mandant de justifier d'un défaut de diligence de son mandataire.

Or, la SA C17, qui ne conteste pas avoir subi, pour les années 1993 et 1994, une baisse générale de son chiffre d'affaires (47 % pour la saison d'hivers et 30 % pour la saison d'été), ne démontre pas que la diminution du chiffre d'affaires de la Sarl Berry's serait due à la seule défaillance de cet agent commercial et non pas à la conjoncture économique ou au désintérêt de la clientèle potentielle à l'égard des produits de C17.

La SA Berry's était débitrice d'une obligation de non concurrence à l'égard de son mandant. Il n'est pas discuté que depuis le 7 janvier 1992, la Sarl Berry's avait acquis la propriété de la marque Dixie, dont les produits concurrençaient directement ceux de C17. Cependant, cette dernière ne pouvait ignorer cet état de fait comme il résulte d'ailleurs du courrier du 10 mai 1994, adressé par C17 à la Sarl Berry's : " C17 n'est qu'un de vos fournisseurs, au même titre que beaucoup d'autres et parmi eux Réaltex, société contrôlée par vos associés qui vous livre la marque Dixie, laquelle entre d'ailleurs en concurrence directe avec la marque C17 ".

C17 n'avait d'ailleurs tiré aucune conséquence de cet état de fait à la date de ce courrier. Il est dès lors démontré que lors de la signature du second contrat d'agent commercial, le 10 août 1993, C17 avait autorisé la Sarl Berry's à exploiter cette marque concurrente. C17 ne saurait sérieusement reprocher en phase contentieuse cette prétendue concurrence déloyale pour tenter de caractériser l'existence d'une faute grave.

C17 verra sa demande fondée de ce chef rejetée, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'expertise pour suppléer sa carence dans l'administration de la preuve dont elle a la charge.

Le jugement déféré sera confirmé.

* Sur l'indemnité de préavis.

La Sarl Berry's ne forme aucune demande expresse de ce chef, englobant le préavis dans l'indemnité de fin de contrat.

* Sur le montant de l'indemnité de fin de contrat.

La SA Berry's sollicite l'augmentation de la somme qui lui a été allouée en première instance au titre de l'indemnité de fin de contrat, à hauteur de 700 000 F. Elle se prévaut en effet d'une offre de rachat de la carte C17 qui lui a été adressée par A. Tigneres, pour un montant de 550 000 F. Il en résulte que la valeur de l'indemnité de fin de contrat a été sous évaluée par les premiers juges et qu'il convient de la porter à 300 000 F. Sur ce point, le jugement sera réformé en ce sens.

* Sur le paiement du solde des commissions dû.

La SA C17 critique le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SA Berry's la somme de 155 541,40 F à titre d'arriéré de commissions et prétend que la Sarl Berry's ne produit aucune justification à ce titre.

En effet, la Sarl Berry's ne produit aucun décompte détaillé des commissions dont elle sollicite le paiement, le seul document qu'elle fournit ressort de sa propre comptabilité (situation du 1er 1994 au 30 juin 1995) mentionne en une ligne la rubrique " commissions sur vente ", sans préciser la nature des marchandises vendues, alors qu'il est établi que la Sarl Berry's avait plusieurs fournisseurs.

En conséquence c'est à tort que les premiers juges ont condamné la SA C17 au paiement de la somme de 155 541,40 F correspondant à un arriéré de commission.

Le jugement sera réformé en ce sens ;

. Sur la demande en dommages et intérêts formée par la Sarl Berry's.

La Sarl Berry's prétend que la SA C17 aurait eu un comportement fautif, notamment en ce que cette dernière se serait rendue coupable à son encontre, outre des circonstances préjudiciables de la rupture, de pratiques de prix discriminatoires, de retards de livraisons et d'actes de concurrence déloyale.

Mais, s'il est exact qu'au-delà de l'indemnité de fin de contrat proprement dite, des dommages et intérêts peuvent être alloués à l'agent commercial lorsque les circonstances de la rupture relèvent un comportement fautif du mandant, il incombe néanmoins à l'agent de justifier tant des griefs qu'il formule que du préjudice qui en serait résulté. Or, la Sarl Berry's n'apporte aucune justification au soutien de ses allégations. En effet, l'assignation en résiliation du contrat ne saurait être considérée comme fautive alors que dans les mois précédents, la diminution du chiffre d'affaires de la Sarl Berry's, était spectaculaire et la classait dans les trois derniers agents de la SA C17.

Il n'est donc pas démontré que les circonstances de la rupture auraient été fautives. Les faits allégués postérieurement, relatifs à la procédure en résolution du plan d'apurement, apparaissent étrangers au présent litige comme relevant d'un abus du droit d'exercer une procédure différente. Cette demande ne saurait donc prospérer.

La SA C17, qui succombe pour l'essentiel supportera les dépens de son vain recours et sera équitablement condamnée à payer à la Sarl Berry's la somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC.

Par ces motifs : La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré. Réforme, le jugement déféré sur le montant de l'indemnité de fin de contrat et le solde de commissions. Statuant à nouveau sur ces points : Fixe à trois cents mille francs (300 000 F) l'indemnité de fin de contrat. Déboute la Sarl Berry's de sa demande de commissions. Confirme le jugement pour le surplus Y ajoutant : Condamne la SA C17 à payer à la Sarl Berry's la somme de quatre mille francs (4000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. Déboute les parties de leurs autres demandes. Condamne la SA C17 aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'articles 699 du nouveau Code de Procédure Civile.