CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 22 mars 1999, n° 99-00467
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mc Donald's France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Foulon
Conseillers :
MM. Boyer, Charras
Avoué :
SCP Boyer Lescat Merle
Avocat :
Me Alquezar
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE ANTERIEURE
Suivant requête enregistrée au greffe le 12 janvier 1999, la société Mc Donald's France, prévoyant de donner un fonds en location-gérance, a sollicité la dispense d'exploitation du fonds de deux ans prévue par l'article 5 de la loi 20 mars 1956.
Cette requête concernait un fonds installé à Montauban centre commercial Leclerc, route national 20.
Le président du Tribunal de grande instance de Montauban a rejeté cette requête aux motifs que le propriétaire du fonds qui, l'exploitant directement ou par l'intermédiaire d'un salarié, ne justifie pas être dans l'impossibilité de le faire fonctionner sous cette forme, ne peut pas être autorisé à le donner en location-gérance par application de ce texte, que le motif allégué doit mettre en cause la bonne marche du fonds et donc subvenir après son ouverture à la clientèle et que " tel n'est pas le cas du motif allégué qui concerne la meilleure rentabilité du fonds, ce motifs ayant préexisté à l'ouverture de fonds et n'étant pas sans lien avec un intérêt spéculatif " ;
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société Mac Donald's France conclut à la réformation de cette ordonnance et à la dispense déjà sollicitée en première instance.
Elle relate son mode d'organisation et de fonctionnement, plus de 700 restaurants fonctionnant sous son enseigne selon le mode de la location-gérance, et chaque restaurant constituant une véritable entreprise qui dispose d'une réelle autonomie propre à un commerçant installé localement.
Elle fait valoir que :
- le montant de l'investissement, de l'ordre de 13 millions de francs ne permet pas de trouver suffisamment de particuliers capables de l'assumer,
- elle remplit la première condition exigée par la loi de 1956 pour pouvoir mettre le fonds en location-gérance, puisqu'elle exerce depuis plus de sept ans,
- elle ne remplit pas la deuxième condition d'exploitation du fonds considéré depuis plus de deux ans,
- l'article 5 de la loi prévoit une dispense " notamment lorsque (l'intéressé) justifie qu'il est dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par l'intermédiaire de préposés ", et que ce texte doit recevoir une interprétation large,
- lors de son arrivée dans le restaurant, le locataire-gérant trouvera une clientèle préexistante, attachée à la marque,
- elle ne poursuit pas de but lucratif dans la mesure où un tel but suppose un bref délai, tandis que sa location-gérance est prévue sur une durée de 20 ans ; par ailleurs, les redevances sont fonction du chiffre d'affaires, ce qui marque sa solidarité avec l'exploitant,
- elle justifie d'un intérêt sérieux et légitime.
Le Ministère Public ne s'oppose pas à l'autorisation sollicitée.
Sur quoi, LA COUR,
Attendu que la société Mc Donald's France n'a pas exploité le fonds considéré pendant deux ans, condition posée par l'article 4 de la loi du 20 mars 1956, puisqu'elle reconnaît ne l'avoir jamais exploité directement, et que cette attitude constitue son mode de fonctionnement ordinaire ;
Attendu que l'article 5 de la loi prévoit la dispense de cette obligation, notamment lorsque l'intéressé justifie qu'il est dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par l'intermédiaire de préposés ;
Que l'hypothèse énoncée par la loi ne l'est pas de manière exclusive ;
Que le texte n'exclut pas l'autorisation avant le début d'exploitation ;
Attendu que les explications données et les justifications produites par la société Mc Donald's France sur l'importance des coûts de création de fonds et, surtout, la longue durée du contrat de location-gérance, font apparaître que le principe du recours à la location-gérance ab initio adopté en l'espèce par la société Mc Donald's France répond à des choix d'ordre économique réels et convergents qui, n'emportant pas les effets nocifs de la spéculation sur les fonds de commerce que le législateur a entendu prévenir en imposant le délai d'exploitation personnelle pendant deux ans, caractérisent un motif sérieux et légitime;
Que la décision déférée sera en conséquence réformée et la suppression du délai accordée ;
Par ces motifs, Réforme l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Montauban le 11 janvier 1999, Dispense la société Mc Donald's France du délai de deux ans d'exploitation prévu par l'article 4 de la loi du 20 mars 1956, L'autorise à donner en location-gérance le restaurant situé au centre commercial Leclerc, route nationale 20, à Montauban. Laisse les dépens de toute l'instance à la charge de la société Mc Donald's France.