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Décisions

CA Lyon, 1re ch., 29 avril 1999, n° 96-06622

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sogepi (SA)

Défendeur :

Enjolras

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Conseillers :

M. Roux, Mme Biot

Avoués :

SCP Junillon-Wicky, SCP Aguiraud

Avocats :

Mes Bret, Dufour.

TGI Lyon, du 9 sept. 1996

9 septembre 1996

Faits - Procédure et prétentions des parties :

Par contrat du 31 mars 1988 M. Michel Enjolras a été choisi en qualité d'agent commercial par la société anonyme Sogepi, société de travail temporaire, qui lui a confié la responsabilité d'une agence de travail intérimaire 33 rue de Bonnel à Lyon.

En raison de difficultés pour le paiement des commissions M. Enjolras a saisi le président du Tribunal de grande instance de Lyon, statuant en référé, pour obtenir d'une part l'autorisation de prendre connaissance des documents comptables nécessaires au calcul de ses commissions d'autre part le règlement d'une provision à valoir sur lesdites commissions.

Après fermeture de l'agence à la fin de l'année 1989, M. Enjolras a fait assigner la société Sogepi devant le Tribunal de grande instance de Lyon, en paiement d'une indemnité complémentaire de rupture égale à deux années de commission brutes soit la somme de 407 342,71 F.

Par jugement du 9 septembre 1996, ce tribunal, écartant le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande pour cause de tardiveté par suite de l'application de la directive européenne du 18 décembre 1986 relative aux agents commerciaux qui était soulevé par la société Sogepi et, constatant que la rupture des relations contractuelles était imputable à cette société, a rendu la décision suivante :

" Vu l'article 3 du décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958 ;

Constate que le contrat a été résilié par la faute de la société Sogepi,

Condamne celle-ci à payer à M. Michel Enjolras la somme de 407 342,71 F à titre d'indemnité compensatrice, outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

Condamne la société Sogepi à payer à M. Enjolras la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

La condamne aux dépens ".

La société Sogepi, appelante, conclut à l'infirmation de ce jugement en priant la Cour de déclarer la demande formée par M. Enjolras le 10 octobre 1994 irrecevable comme tardive et subsidiairement mal fondée.

Cette société prétend que la directive n° 86-653 du Conseil des Communautés Européennes du 18 décembre 1986 fixant à une année le délai ouvert à l'agent commercial pour faire valoir ses droits à indemnité en cas de rupture est applicable en France depuis le 1er janvier 1990 et que dès lors M. Enjolras est forclos puisque sa demande a été engagée cinq années après la rupture.

Elle considère en outre que cet agent est l'auteur de la rupture ce qui lui fait perdre tout droit à indemnité.

Elle indique enfin qu'en tout état de cause la somme de 470 342 F retenue ne peut être versée à M. Enjolras lors qu'il n'a travaillé que de janvier 1988 à septembre 1989.

La société appelante sollicite l'allocation d'une somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

M. Enjolras conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Sogepi à lui payer une indemnité de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'intimé réplique que la rupture intervenue le 29 janvier 1990 est soumise au régime du décret du 23 décembre 1958 puisque la directive européenne n'a été introduite en droit interne français que par la loi du 25 juin 1991.

Il précise que la société Sogepi en supprimant l'activité du bâtiment qui lui était confiée et en fermant l'agence, a pris l'initiative de cette rupture.

Il lui reproche également un refus de paiement des factures à compter du mois de mai 1988.

Motifs et décision :

Attendu que la directive communautaire n° 86-653 du 18 décembre 1986 destinée à harmoniser le régime de protection des agents commerciaux dans la Communauté Economique Européenne a été applicable en France à compter de la loi du 25 juin 1991 modifiant le statut des agents commerciaux pour tous les contrats conclus après le 29 juin 1991 et en application de l'article 20 de cette même loi à tous les contrats en cours à compter du 1er janvier 1994 ;

Attendu qu'en l'espèce le contrat d'agent commercial liant la société Sogepi et M. Enjolras a été rompu le 29 janvier 1990 ; que dans ces conditions le premier juge a constaté à bon droit que la directive en cause ne pouvait s'appliquer et que M. Enjolras n'était pas tenu de notifier sa demande à la société Sogepi dans le délai d'un an prévu par l'article 17 de cette directive repris par l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 ;

Attendu que la demande est en conséquence recevable ;

Attendu que par des motifs complets et pertinents adoptés par la Cour le tribunal a justement décidé que cette demande était au surplus fondée ;

Attendu en effet que la rupture du contrat d'agent commercial dont M. Enjolras a pris acte par un courrier du 29 janvier 1990 avait été entreprise par la société Sogepi qui avait décidé unilatéralement de fermer l'agence 33 rue de Bonnel à Lyon dès le 3 octobre 1989 ce qui mettait fin à l'essentiel des activités de M. Enjolras et modifiait le contrat de manière substantielle;

Qu'il résulte également des éléments du dossier que dès les premiers mois la rémunération de l'agent n'était pas effectuée régulièrement ce qui rendait difficile la poursuite de son activité ;

Attendu que la société Sogepi qui prétend justifier cette fermeture par une baisse considérable du chiffre d'affaires qui serait consécutive à une concurrence déloyale de M. Enjolras lequel aurait débauché une partie du personnel au profit de la société Crey Service, n'en rapporte pas la preuve ;

Que cette société ne démontre pas davantage que l'agent ne remplissait plus ses fonctions ;

Attendu que sans prouver la faute commise par M. Enjolras la société Sogepi ne peut être dispensée du paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ;

Attendu cependant que cette indemnité qui doit réparer le préjudice effectivement subi par l'agent commercial ne peut en l'espèce être égale à deux années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années, étant donné la faible durée d'exécution du contrat, inférieure à deux années;

Attendu qu'eu égard au montant des commissions touchées pour l'année 1988 cette indemnité doit être fixée à la somme de 300 000 F ; que le jugement sera réformé sur ce point ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'intimé la charge de l'intégralité des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ; qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile .

Par ces motifs : La Cour, Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la demande de M. Michel Enjolras était recevable et que la société Sogepi devait verser une indemnité compensatrice à cet agent commercial du fait de la rupture du contrat ; Le réforme sur le montant de cette indemnité ; Statuant à nouveau de ce chef ; Condamne la société Sogepi à payer à M. Michel Enjolras la somme de 300 000 F outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Confirme la décision pour le surplus ; Y ajoutant, Condamne la société Sogepi à verser à M. Michel Enjolras une indemnité de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; La condamne aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Aguiraud, société d'avoués.