Cass. com., 4 mai 1999, n° 96-22.638
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Rolex France (SA)
Défendeur :
Pellegrin (GIE), Pellegrin et fils (SA), Pellegrin Saint-Ferréol (SARL), Pellegrin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Thomas-Raquin, Bénabent, SCP Richard, Mandelkern.
LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 30 octobre 1996) que la société des montres Rolex (société Rolex) distribue en France les montres portant cette marque par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective ; que le GIE Pellegrin, comprenant notamment des membres de la famille Pellegrin et des sociétés constituées par eux, a passé commande à la société Rolex de montres d'un montant global de 2 999 600 francs pour l'achalandage de trois magasins de bijouterie et d'horlogerie de luxe situés à Marseille et à Avignon ; que cette commande a été refusée au motif que les trois entreprises destinataires ne faisaient pas partie du réseau de distribution sélective créé par la société Rolex et que celle-ci n'envisageait pas d'étendre son réseau dans le secteur géographique concerné ; que le GIE Pellegrin, M Jean-François Pellegrin, et les sociétés Pellegrin ont assigné la société Rolex devant le tribunal de commerce pour refus de vente, en application de l'article 36-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable, et en paiement de dommages et intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Rolex fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré injustifié son refus de vente et de l'avoir condamnée au paiement de dommages et intérêts, alors selon le pourvoi, d'une part, que présente un caractère anormal une commande passée auprès d'un fournisseur ayant mis en place un réseau de distribution sélective dès lors que ladite commande n'est pas passée directement et individuellement par des revendeurs mais collectivement par un GIE agissant au nom et pour le compte de plusieurs de ses membres ce qui fait obstacle à des relations directes et personnelles entre le fournisseur et chacun des revendeurs en méconnaissance de la nature d'un réseau de distribution sélective dominé par des relations intuitu personae particulièrement marquées ; - qu'en retenant le contraire la cour d'appel a violé l'article 36-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, qu'en se fondant sur le nombre de montres vendues à Marseille en 1987, 1988, 1989 et 1990, et à Avignon en 1989, 1990 et 1991 pour retenir que le refus de vente opposé par la société Rolex en juillet 1992 était injustifié sans rechercher si, comme le faisait valoir la SAF des Montres Rolex, après une stagnation du nombre des ventes en 1991, celles-ci avaient baissé en 1992, la cour d'appel, qui ne s'est pas placée à la date du refus de vente pour apprécier son caractère légitime, a violé l'article 36-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu, d'une part, qu'un réseau de distribution sélective n'implique pas l'existence de " relations intuitu personae " entre le fournisseur et chacun des revendeurs; qu'ayant constaté que le GIE Pellegrin était seulement intervenu auprès de la société Rolex le 1er juillet 1992 pour centraliser trois commandes destinées à trois membres de ce GIE, dont il était précisé que chacun d'eux remplissait les conditions qualitatives lui permettant de distribuer les montres Rolex, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que cette commande ne présentait aucun caractère anormal justifiant un refus au sens de l'article 36-2 alors applicable;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel qui n'était pas tenue de se fonder sur le seul chiffre d'affaires de l'année 1992, n'a fait qu'user de son pouvoir d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, en retenant qu'antérieurement à cette date le nombre des montres Rolex vendues à Marseille et à Avignon depuis 1987 avait progressé régulièrement ; qu'ayant en outre constaté que les " ratios " du nombre de distributeurs par habitant dans des villes comparables n'étaient pas appliqués par la société Rolex de façon objective et que la limitation imposée par elle dont le principe n'était pas contesté n'était pas pratiquée de manière cohérente, la cour d'appel n'encourt pas les griefs de la seconde branche du moyen ; - Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société Rolex fait grief à l'arrêt de lui avoir ordonné sous astreinte de satisfaire une commande passée en cours de procédure le 27 février 1996, alors selon le pourvoi, qu'en ordonnant à la SAF des Montres Rolex de satisfaire la commande du 27 février 1996, sans donner aucun motif de nature à justifier qu'à la date à laquelle elle a été passée, ladite commande ne présentait aucun caractère anormal ou encore, qu'à cette date, les accords de distribution de la société Rolex ne pouvaient autoriser la SAF des Montres Rolex à ne pas y satisfaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 36-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que la société Rolex ayant seulement allégué dans ses écritures que la demande de la société Pellegrin et fils concernant la commande passée le 27 février 1996 était nouvelle et devait être déclarée irrecevable, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si cette demande était anormale alors qu'une telle recherche ne lui avait pas été demandée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.