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Décisions

CA Lyon, 3e ch., 7 mai 1999, n° 96-05761

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DPB (SARL)

Défendeur :

Tecno Elettra (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bailly

Conseillers :

Mme Martin, M. Ruellan

Avoués :

SCP Junillon-Wicky, Me Verrière

Avocats :

Mes Anaf, Mauro

T. com. Lyon, du 12 juin 1996

12 juin 1996

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

En 1992, un projet de contrat de mandat (Bozza del contratto definitivo di mandato), qui a ensuite reçu exécution, a été proposé par la société de droit italien Tecno Elettra à Monsieur Bramardi, en vue de lui confier la vente exclusive des produits de cette société en France, pour une durée de 12 mois et moyennant une commission de 13 % sur les ventes. Il était par ailleurs convenu, dans une annexe signée des deux parties, que le volume minimum d'affaires à réaliser en 1992 serait de 120 millions de lires.

L'année suivante, un accord de concession exclusive a été passé le 1er juin 1993 entre la société Tecno Elettra et la société à responsabilité limitée DPB, représentée par Monsieur Bramardi, en vue de la vente, sur le territoire français, de sèche-cheveux fabriqués par la société Tecno Elettra (modèles Headturner 1300, Top Color 1400, Magic 2000). Cet accord, conclu pour une année et renouvelable pour une même durée sauf dénonciation 90 jours avant son terme, stipulait que la société Tecno Elettra s'interdisait de commercialiser ses produits en France sans l'accord de son concessionnaire, ce dernier prenant pour sa part l'engagement de ne pas acheter des marchandises concurrentes auprès d'autres fournisseurs, fixait au concessionnaire un objectif annuel de 150 millions de lires et lui reconnaissait toute liberté, pour la détermination du prix de revente des articles en cause.

En exécution de ce contrat, la société Tecno Elettra a notamment facturé à sa concessionnaire, au titre du prix d'appareils vendus, les sommes de 23 463 000 lires, le 20 décembre 1993 (payée à concurrence de 11 371 500 lires au mois de mars suivant), de 20 313 990 lires le 14 février 1994 (payée à hauteur de 3 267 000 lires au mois de juin suivant), et de 6 534 000 lires, le 30 mars 1994, restée totalement impayée.

Par lettre du 13 juillet 1994, la société Tecno Elettra a notifié à la société DPB la résiliation du contrat qui les liait, en invoquant le non paiement de ces factures et l'insuffisance des commandes. Cette résiliation a ensuite été confirmée le 25 août 1994 par une lettre du conseil de la société Tecno Elettra reçue le 28 septembre par la société DPB, qui la mettait en demeure de payer le solde restant dû sur les factures.

La société Tecno Elettra ayant fait assigner sa débitrice devant le Tribunal de commerce de Lyon, le 26 avril 1995, pour obtenir le paiement du solde de ses factures, celle-ci a formé une demande reconventionnelle, en imputant à la demanderesse une violation de son obligation d'exclusivité et en demandant à ce titre paiement de dommages et intérêts. Par un jugement rendu le 12 juin 1996, cette juridiction a fait droit à la demande principale, en condamnant la société DPB au paiement de la somme de 117 719,08 F et d'une indemnité de 5 000 F, avec exécution provisoire, et a débouté cette dernière de sa demande reconventionnelle, aux motifs que le non-respect des objectifs d'approvisionnement justifiait la résiliation du contrat par la concédante et qu'il n'était pas prouvé que celle-ci ait causé quelque préjudice à sa concessionnaire.

La société DPB a relevé appel du jugement le 6 août 1996. Elle soutient, en premier lieu, que la dénonciation du contrat était irrégulière et infondée, dès lors qu'il s'était renouvelé de plein droit et pour une année à compter du 1er juin 1994, faute de résiliation dans le délai convenu à cet effet, que le chiffre d'affaires réalisé était en progression et que les factures invoquées n'étaient pas exigibles au mois d'avril 1994. Elle impute par ailleurs à la société Tecno Elettra un manque de loyauté, en lui reprochant d'avoir, dès le mois d'avril 1994 et en violation de la clause d'exclusivité, fait distribuer ses produits en France par d'autres entreprises. Elle demande en conséquence réparation d'un préjudice qu'elle évalue à la somme de 353 000 F ou à celle de 236 229 F, outre la restitution du prix, payé en exécution du jugement, et une indemnité de 20 000 F.

L'intimée réplique, pour demander la confirmation du jugement, sauf à y ajouter 50 000 F de dommages et intérêts et une indemnité de 30 000 F, que l'inexécution du contrat par la société DPB, faute d'avoir pu réaliser le volume de commandes annoncé et de payer le prix des marchandises livrées, rendait légitime la rupture de ce contrat à son initiative, et qu'aucun manquement à son engagement d'exclusivité ne pouvait lui être reproché, avant cette résiliation, le préjudice dont fait état l'appelante à ce titre n'étant au surplus pas établi.

MOTIFS ET DECISION

Attendu que, sauf clause particulière prévue à cette fin, un contrat conclu pour une durée déterminée ne peut être résilié unilatéralement avant son terme ;

Qu'en cas de manquement de l'une des parties à ses obligations, la résolution du contrat ne peut être prononcée que judiciairement, en application de l'article 1184 du Code civil ;

Attendu qu'il est constant que l'accord conclu le 1er juin 1993 par la société DPB avec la société Tecno Elettra pour une durée d'une année, prévoyait sa reconduction tacite par année entière, s'il n'était dénoncé 90 jours au moins avant l'expiration de son terme ;

Qu'ainsi, la décision de résiliation prise le 13 juillet 1994 par la société Tecno Elettra, alors que ce contrat s'était renouvelé à partir du 1er juin précédent pour une durée d'une année, faute de dénonciation avant son terme, était irrégulière et, comme telle, fautive;

Qu'elle ne pouvait d'ailleurs se justifier par l'insuffisance des ventes, au regard de l'objectif convenu, puisque cette cause aurait dû être invoquée à l'occasion d'une résiliation régulière, respectant le délai de préavis convenu ;

Que la société Tecno Elettra, qui ne demande pas à l'occasion de la présente instance que la résolution de ce contrat soit prononcée aux torts de l'appelante, n'est pas fondée à soutenir uniquement que cette résiliation anticipée était justifié, alors qu'elle contrevenait aux conditions de son engagement ;

Attendu que la société appelante prouve que, depuis le mois d'avril 1994, la société Tecno Elettra ne respectait plus l'exclusivité des ventes en France accordée à sa concessionnaire;

Qu'il résulte en effet du témoignage écrit de Monsieur Barlatier que dès le salon Cosmoprof tenu à Bologne au mois d'avril 1994, un accord de distribution en France des sociétés DPB qu'il représentait et que, depuis cette date, cette dernière s'approvisionnait directement auprès du fabricant;

Que Monsieur Carri atteste pour sa part qu'il avait cessé de s'approvisionner en séchoirs Top 1400 auprès de la société DPB en 1994, après que son groupement ait obtenu en avril 1994 de meilleures conditions d'achat du fabricant;

Que malgré la sommation qui lui a été délivrée à cet effet, la société Tecno Elettra n'a pas jugé utile de produire sa facturation destinée aux clients français, pour l'année 1994, alors que cet élément eut été de nature à lui permettre de contester la réalité des faits rapportés par ces témoins ;

Attendu que ce comportement déloyal, commis alors que la société Tecno Elettra n'avait pas cru nécessaire de dénoncer le contrat pour le 1er juin suivant et qu'elle ne pouvait alors se prévaloir du non paiement de factures qui n'étaient pas encore exigibles, rend la rupture des relations contractuelles imputable à la société Tecno Elettra et engage sa responsabilité à l'égard de son contractant;

Que le préjudice subi par la société Tecno Elettra du fait de cette rupture anticipée et fautive de leurs relations, sera suffisamment compensé par le paiement de la somme de 100 000 F, qui est à la mesure de la perte de marge brute subie, compte tenu du faible niveau des ventes réalisées au cours des douze mois d'exécution du contrat ;

Attendu que la créance de prix de la société Tecno Elettra n'est pas contestée, ni contestable ;

Que la société DPB n'est donc pas fondée à exiger le remboursement de la somme versée à ce titre, en exécution du jugement, et de ses intérêts ;

En attendu qu'il n'y a pas lieu d'allouer à l'appelante, en équité, une indemnité en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR statuant contradictoirement, Confirme le jugement rendu, en ce qu'il a condamné la société DPB au paiement de la somme de 117 719,08 F et de ses intérêts, le réformant pour le surplus, Condamne la société Tecno Elettra à payer à la société DPB la somme de 100 000 F, à titre de dommages et intérêts et les intérêts de cette somme, au taux légal, à compter du présent arrêt ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Laisse les dépens de la procédure à la charge de chacune des parties.