Livv
Décisions

Cass. com., 11 mai 1999, n° 97-10.999

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Chambrion (ès qual.)

Défendeur :

Austin Rover (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Ghestin, Me Ricard.

TGI Paris, 5e ch., 2e sect., du 10 mars …

10 mars 1994

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 27 novembre 1996) que la société Garage Hadet (société Hadet) était liée à la société Austin Rover (société Rover) par plusieurs contrats de concession dont le dernier à durée indéterminée avait été conclu le 29 octobre 1985 ; que, par lettre du 10 septembre 1990, la société Rover a résilié ce contrat en respectant le préavis contractuel d'une année ;

Attendu que M. Chambrion, mandataire liquidateur de la société Hadet, reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de son action contre la société Rover en paiement de dommages-intérêts pour abus de droit de résiliation et violation des obligations contractuelles du concédant pendant la période de préavis, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le concédant peut résilier le contrat de concession sans donner de motifs, mais à la condition que cette résiliation n'ait pas un caractère abusif ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Rover avait, par lettre du 10 septembre 1990, résilié le contrat de concession dont était titulaire la société Hadet, juste après avoir laissé, en toute connaissance de cause, cette dernière société réaliser d'importants investissements financiers au moyen de prêts, aux fins de développer la concession, encourageant même ces investissements par l'octroi d'une prime ; qu'en estimant néanmoins que la société Rover n'avait pas manqué au devoir de loyauté contractuelle, au seul motif que cette société n'aurait pas incité la société Hadet à réaliser les investissements litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, d'où il résulte que la société Rover a manqué de loyauté en n'informant pas de ses intentions le concessionnaire qui n'avait pas démérité, violant les articles 1134 et 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, que le devoir de loyauté contractuelle interdit au concédant de révoquer brutalement, dès le commencement de la période de préavis, tout concours qui avait été accordé au concessionnaire durant plusieurs années ; qu'en estimant que la société Rover n'avait commis aucune faute en révoquant ses concours à la société Hadet, au seul motif que la situation financière de cette dernière aurait justifié cette révocation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui résultaient de la brutalité de cette révocation effectuée sans avertissement ni préavis, violant derechef les articles 1134 et 1147 du Code civil ; alors, encore, que manque à son devoir de loyauté contractuelle le concédant qui ne permet pas à son concessionnaire de distribuer les véhicules, distribution en vue de laquelle le contrat de concession a été conclu ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les véhicules commandés par la société Hadet n'ont pas été livrés par la société Rover ; qu'en estimant que la société Rover qui avait mis le concessionnaire dans l'impossibilité d'exécuter le contrat de concession pendant la période de préavis n'avait commis aucune faute engageant sa responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; et alors, enfin, que toute décision de justice doit être motivée ; qu'en affirmant que les véhicules commandés par la société Hadet n'avaient pas été livrés par la société Rover "pour de justes motifs", sans préciser ces justes motifs ni les analyser, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que les investissements, "qui n'étaient pas, par leur nature, indissolublement liés à l'exploitation d'une concession Rover", ont été faits, non à la demande de la société Rover, mais à l'initiative de la société Hadet, à compter du dernier trimestre 1987, la société Rover, informée de ces investissements le 18 septembre 1987, se bornant à consentir alors une aide exceptionnelle d'un montant très limité ; qu'il retient encore que la société Hadet n'établit nullement que la société Rover lui ait fait une promesse quelconque portant sur l'extension de la concession et pouvant l'inciter à des investissements;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que les livraisons de véhicules au concessionnaire pouvaient contractuellement bénéficier d'un paiement différé à 120 jours que sous certaines conditions qu'il énumère et que la société Hadet n'a pas respectées ; qu'à cet égard, l'arrêt retient notamment que la société Hadet a transmis à son concédant, avec beaucoup de retard, son bilan arrêté au 31 mars 1990, lequel faisait apparaître d'importants déficits, qu'en novembre 1990, elle n'a pas fourni la caution bancaire dont la société Rover offrait pourtant de prendre en charge les frais et que, d'octobre à novembre 1990, elle a été responsable de plusieurs incidents de paiement ; d'où il suit que la cour d'appel a, en la motivant, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.